Libye : 12 morts dans un attentat de l'EI contre la commission électorale
Deux kamikazes du groupe jihadiste Etat islamique (EI) ont attaqué mercredi le siège de la Commission électorale à Tripoli, tuant douze personnes, au moment où la communauté internationale appelle de ses voeux à des élections en 2018 pour sortir la Libye de l'anarchie.
L'attaque illustre encore une fois la fragilité et la complexité extrême de la situation dans ce riche pays pétrolier en proie au chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, et devenu un repaire pour les jihadistes.
Deux autorités se disputent aujourd'hui le pouvoir en Libye: le gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale et basé à Tripoli, et un gouvernement parallèle exerçant son pouvoir dans l'est du pays avec le soutien du puissant maréchal Khalifa Haftar.
Mercredi matin, deux assaillants ont attaqué le siège de la Haute commission électorale (HNEC), ouvrant le feu sur les gardes et les fonctionnaires, avant de se faire exploser, a indiqué le ministre de l'Intérieur Abdessalam Achour.
L'attaque a fait 12 morts et sept blessés, selon le ministère de la Santé.
Selon des témoins, des tirs et au moins deux explosions ont été entendus aux abords du siège de la HNEC, autour duquel un périmètre de sécurité a été installé.
- Condamnations -
Le siège de la HNEC a pris feu et a été gravement endommagé mais son président Imed al-Sayeh a assuré qu'une copie de la base de données des électeurs était "sauvegardée en lieu sûr". "La commission est toujours capable d'organiser n'importe quel scrutin".
Dans un communiqué, le GNA a dénoncé une "attaque terroriste et lâche", affirmant son "engagement à (respecter) le processus démocratique pour la tenue des élections afin de mener la Libye à bon port".
Pour la mission de l'ONU en Libye (Manul), "de telles attaques terroristes ne dissuaderont pas les Libyens d'avancer dans le processus de consolidation de l'unité nationale et de construction de l'Etat de droit et des institutions".
A Washington, le département d'Etat a dit que les Etats-Unis "restent engagés au côté du GNA pour empêcher (l'EI) d'avoir un refuge" en Libye, et "au côté de tous les Libyens qui se préparent en vue d'élections crédibles".
La France a elle aussi condamné l'attaque, en renouvelant l'espoir de la tenue d'élections dans le pays. Le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson a qualifié l'attaque de "méprisable".
Dans un communiqué diffusé par son organe de propagande Amaq, l'EI a revendiqué l'attaque menée selon le groupe par deux de ses membres.
Ces dernières années, l'EI a revendiqué plusieurs attentats en Libye, dont le dernier a visé fin mars des forces pro-Haftar dans l'est du pays (huit morts). Malgré la perte de son principal fief de Syrte en décembre 2016, le groupe jihadiste reste actif dans le centre et le sud libyens.
- "Signal d'alarme" -
L'ONU a lancé un dialogue en vue de parvenir à une réconciliation dans un pays déchiré par des rivalités politiques et des luttes d'influence que se livrent dans l'impunité la plus totale les nombreuses milices mais aussi les tribus.
Lundi, un quartet formé par la Ligue arabe, l'Union européenne, l'ONU et l'Union africaine, a souligné "l'importance d'organiser des élections parlementaires et présidentielle pour la fin de l’année en cours".
"Les futures élections en Libye seront essentielles pour établir une gouvernance stable, unifiée, représentative et efficace pour le pays", a estimé la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini en condamnant l'attentat.
Aucune date pour des élections n'a été encore fixée. Celles-ci doivent aussi être précédées par un référendum sur un projet de Constitution et la rédaction d'une loi électorale.
En attendant, 2,4 millions d'électeurs ont été enregistrés par la HNEC, sur une population de 6 millions.
La HNEC, considérée parmi les rares institutions crédibles et indépendantes du pays, avait organisé les deux premières législatives en 2012 et 2014, réinstaurant cet exercice après 42 ans d'interdiction sous la dictature.
En mars, l'organisation Human Rights Watch (HRW) a estimé que la situation en Libye ne permettait pas la tenue d'élections libres et transparentes.
Pour Hanan Salah, chercheuse de HRW pour la Libye,l'attaque contre la HNEC est "un signal d'alarme". "Tant que le chaos règne et que les groupes armés opèrent en toute impunité, la population continuera à subir les conséquences de cette violence", a-t-elle dit à l'AFP.
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