Pénurie de carburant : ces zones où on court à la "catastrophe économique"

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Raphaëlle de Tappie
Publié le 26 mai 2016 - 19:08
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Pénurie de carburant femme poussant sa voiture
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©Damien Meyer/AFP
Les files d'attente continuent de s'allonger devant les stations-service.
©Damien Meyer/AFP
Dans de nombreuses communes françaises et surtout dans l'Ouest, la pénurie d'essence est une réalité depuis plusieurs jours et les conséquences économiques commencent à se faire sentir, notamment dans le secteur de l'élevage. Rencontre avec le maire de la commune de Ploeuc-L'Hermitage dans les Côtes d'Armor et Bertrand Cousin, directeur du cabinet du maire de Caen, dans le Calvados.

"Il n'y a pas de pénurie", martelait le secrétaire d'Etat aux Transports mardi 24 face aux blocages de dépôts et de raffineries. Pourtant, sur le terrain, le manque d'essence commence sérieusement à se faire sentir. Dans l'Ouest surtout, la "situation est critique", s'alarment Thibaut Guignard, maire de la commune Ploeuc-L'Hermitage dans les Côtes d'Armor et vice-président du conseil départemental et Bertrand Cousin, directeur du cabinet du maire de Caen, Joël Bruneau (LR), dans le Calvados.

"Il y a du carburant dans les pompes à essence mais les difficultés de livraison et l'arrêt préfectoral qui limite à 20 litres par véhicules font que les files d'attente se rallongent et créent des problèmes de sécurité quand elles débordent sur des routes départementales", explique le premier dont le bourg rural de 4.000 habitants compte deux stations-essence, une rattachée à une grande surface et l'autre située dans un garage privé, trop anciennes pour rester ouvertes la nuit. En effet, l'automate n'est pas en mesure de réguler les achats des automobilistes qui doivent s'arrêter à 20 litres, explique Thibaut Guignard, qui conseille donc aux riverains d'"aller chercher de l'essence autant que faire se peut, de limiter les déplacements au maximum et de faire appel au covoiturage"

Dans l'agglomération de Caen "certaines pompes n'ont plus du tout d'essence, d'autres sont privées de gazole ou d'essence sans plomb 98 ou 95, les ratios étant environ 50/50 avec des évolutions puisque dès qu'il y a réapprovisionnement, les habitants cherchent à faire le plein rapidement", note Bertrand Cousin. Mais les Caennais n'ont pas trop de soucis à se faire: "ceux qui vivent intramuros ont la chance d'avoir des moyens de circulation alternatifs: les transports en commun, le vélo, la marche à pieds", explique avec calme celui qui dit "suivre la situation heure par heure", surtout en ce qui concerne les ramassages de déchets. "Il faut qu'on puisse alimenter en carburant nos camions poubelle. Pour l'instant ça va, on sait qu'on tient et qu'on a le carburant nécessaire pour faire les prochains jours mais si la situation se dégrade la question se posera", déclare-t-il.

Mais en attendant, les impacts négatifs du blocage sur l'économie commence à se faire sentir. Dans les Côtes d'Armor, région qui attire beaucoup de touristes en cette saison, les réservations sont à la traine depuis quelques jours. Il en est de même pour la fréquentation des restaurants. "Les gens hésitent à faire 25 kilomètres pour aller dans un restaurant dans lequel ils avaient réservé, donc vous avez des restaurateurs qui se retrouvent avec des stocks sur les bras et du personnel inoccupé", s'inquiète Thibaut Guignard. Autre sujet de préoccupation pour la Bretagne comme pour la Normandie: le ramassage du lait.  

"Il reste deux jours de stocks de gazole pour récolter le lait dans les élevages, des éleveurs vont être obligés de jeter leur lait parce qu'ils ne peuvent pas le stocker et qu'une vache ne peut pas arrêter de produire du jour au lendemain", s'insurge le maire de Ploeuc- L'Hermitage. "Les usines vont tourner au ralenti car quand il n'y a pas de lait, une usine qui fabrique du fromage ne peut pas fonctionner. C'est une catastrophe économique annoncée dans tous les secteurs, notamment dans celui du vivant", poursuit-il avant de donner l'exemple de l'élevage. "Quand un éleveur de porc ne peut pas faire livrer ses bêtes à l'abattoirs, chaque jour où le cochon reste dans l'élevage, il coûte de l'argent. On parle de 200, 300, 500, 1.000 têtes qui continuent à consommer de l'aliment, l'eau et de l'électricité et qui continuent à grossir et ne correspondent plus aux attentes du consommateur",  avance-t-il, appelant l'Etat à "prendre des mesures au niveau national pour permettre aux entreprises qui travaillent dans le frais, que ce soit de l'exploitation agricole vers la transformation ou de la transformation vers la grande distribution, d'être prioritaires pour l'approvisionnement en pétrole".  Et de conclure, pessimiste: "on train de préparer l'arrivée de l'extrême-droite au pouvoir. Les Français ne peuvent plus supporter qu'on ne respecte pas la liberté de travailler, de circuler. A partir du moment où il n'y a pas d'Etat de droit, il ne faudra pas être surpris si l'année prochaine il y a des réactions disproportionnées au moment des élections".

 

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