Prison : la controleure dénonce la discrimination subie par les femmes
Minoritaires en nombre, les femmes privées de liberté sont l'objet de discriminations importantes dans l'exercice de leurs droits fondamentaux, dénonce la contrôleure des prisons, Adeline Hazan, qui recommande dans un avis publié ce jeudi 18 février des modifications dans leur prise en charge.
Maintien difficile des liens familiaux, hébergement insatisfaisant, accès réduit ou inadéquat aux activités, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un portrait critique de la prise en charge des femmes dans les établissements pénitentiaires, mais aussi dans les commissariats, les centres de rétention et les établissements de santé. Parmi ses recommandations, elle propose d'introduire une forme de "mixité" contrôlée dans les établissements pénitentiaires pour notamment "accroitre et diversifier l'offre des activités pour les femmes". Son avis, déjà transmis aux ministères de la Justice, de l'Intérieur et des Affaires sociales et de la Santé, est publié ce jeudi au Journal officiel.
Les femmes ne représentent que 3,2% de la population carcérale et 5% à 6% pour les centres de rétention administrative. Les jeunes filles constituent 6% des mineurs des centres éducatifs fermés et 38,21% des patients admis en établissement de santé mentale sont des femmes, selon le texte. "Il serait loisible de penser que ce faible nombre de femmes privées de liberté faciliterait la prise en charge et permettrait un strict respect des droits fondamentaux mais il n'en est rien et la réalité est que les femmes ne bénéficient pas des mêmes droits que les hommes privés de liberté", constate la contrôleure.
La première discrimination pointée est géographique: la France ne compte que 43 maisons d'arrêt ou centres pénitentiaires dotés d'un quartier hébergeant des femmes et seuls deux établissements, à Fleury-Mérogis et Rennes, sont entièrement réservés à l'accueil de femmes. La situation est particulièrement sensible dans le sud de la France, la plupart des établissements étant implantés dans la moitié nord. "Du fait de ce maillage territorial déséquilibré, les femmes sont souvent éloignées de leurs proches, ce qui porte atteinte à leur droit au maintien des liens familiaux. Cette situation alimente aussi la surpopulation carcérale", souligne Adeline Hazan. Ce problème d'accueil se pose aussi dans les centres de rétention administrative (CRA), les établissement psychiatriques et pour l'accueil des mineures.
Si ces dernières doivent, selon la loi, être hébergées dans des unités spécifiques, elles se retrouvent la plupart du temps, faute de place, "dans le quartier des femmes majeures, sans aménagement au regard de leur âge". Ce déséquilibre général se traduit par une limitation de l'accès des femmes aux aménagements de peine ou à une gestion individualisée de leur détention: peu de places sont réservées aux arrivantes et peu de quartiers d'isolement sont consacrés aux plus vulnérables.
L'interdiction légale de côtoyer les hommes, même brièvement lors d'un déplacement, a pour conséquence de restreindre l'accès des femmes aux unités sanitaires, aux zones socioculturelles, aux terrains de sport ou bibliothèques. "D'une manière générale, le CGLPL constate que les locaux réservés aux femmes sont souvent plus réduits que ceux des hommes, les intervenants moins nombreux et les équipements plus sommaires." Adeline Hazan pointe aussi "la reproduction de certains stéréotypes dans l'univers carcéral". "Les hommes ont accès à des activités professionnelles de production, pratiquent le sport en extérieur tandis que les femmes ne peuvent souvent que travailler au service général: cuisine, buanderie, entretien des locaux", souligne-t-elle.
Mais la recherche d'un traitement plus égalitaire ne doit pas empêcher une prise en charge spécifique des femmes, souligne la contrôleure, qui recommande que les détenues puissent accéder plus facilement aux soins gynécologiques ou disposer de "kits hygiène" spécifiques. Quant aux mesures de sécurité, elle les juge parfois "attentatoires à leur dignité". "Les examens gynécologiques doivent avoir lieu sans menottes et hors présence du personnel pénitentiaire", rappelle la contrôleure qui dénonce aussi la pratique consistant à retirer systématiquement les soutiens-gorges des femmes gardées à vue.
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