Quatre jours après l'attentat de Nice, le point sur l'enquête
"Un intérêt certain" mais "récent" pour le djihadisme, un mystérieux SMS, un profil qui intrigue: quatre jours après l'attentat de Nice, des zones d'ombre demeuraient lundi soir sur les motivations et les éventuelles complicités dont auraient pu bénéficier le tueur.
> Une radicalisation récente -
Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le Tunisien de 31 ans qui a foncé dans la foule jeudi soir à Nice, tuant 84 personnes, présentait un "intérêt certain" mais "récent" pour la mouvance islamiste radicale, a relevé ce lundi le procureur de Paris, François Molins, lors d'un point de presse. Selon un témoignage, "depuis huit jours", Lahouaiej Bouhlel, "s'était laissé pousser la barbe", invoquant une signification "religieuse".
L'exploitation de son ordinateur a révélé qu'il avait effectué des recherches sur l'attaque aux États-Unis d'un club gay à Orlando le 12 juin, menée par un Américain d'origine afghane (49 morts), ou l'assassinat d'un couple de policiers dans les Yvelines le lendemain. Des photos de combattants arborant le drapeau de l'organisation Etat islamique (EI) ont aussi été retrouvées dans son disque dur.
Pour autant, Lahouaiej Bouhlel ne présente pas le visage d'un djihadiste chevronné. "Aucun élément de l'enquête ne démontre à ce stade l'allégeance" du tueur à l'EI, qui a revendiqué samedi l'attaque. Mais, le mode opératoire de la tuerie répond aux multiples appels aux meurtres lancés par l'organisation dans les pays de la coalition engagée contre elle. Dans un message lancé en septembre 2014, son porte-parole officiel, Abou Mohammed Al-Adnani, encourageait à utiliser n'importe quelle arme disponible pour tuer, notamment des Français dans leur pays.
Les dizaines de témoins interrogés ont dessiné le profil d'un homme éloigné de la religion, consommant de l'alcool, de la drogue et à "la vie sexuelle débridée". Certains de ses proches l'ont décrit comme violent et dépressif.
> Un acte "prémédité"
Lahouaiej Bouhlel a pris contact dès le 4 juillet avec une société de location de Saint-Laurent du Var pour louer le poids-lourd de 19 tonnes qu'il est venu récupérer le 11 au matin. "Il semblait avoir besoin d'argent", a relevé le procureur, soulignant qu'il avait en vain tenté de contracter un prêt de 5.000 euros fin juin et de retirer une importante somme quelques heures avant la tuerie.
Les investigations ont aussi permis d'établir qu'il avait effectué des "repérages" sur la Promenade des Anglais. Plusieurs clichés et selfies pris sur les lieux ont été retrouvés dans son téléphone. L'une des photos, prise le 1er janvier, montre un article du journal Nice Matin daté du même jour et titré: "il fonce volontairement sur la terrasse d'un restaurant". Les images de vidéosurveillance ont aussi révélé qu'il s'était rendu le 12 juillet à l'aube et le 13 juillet dans la soirée sur la célèbre avenue.
> Des complicités?
Six personnes étaient toujours en garde à vue, soupçonnées d'avoir été en contact avec Lahouaiej Bouhlel ou de lui avoir apporté une aide logistique dans la fourniture du pistolet qu'il a utilisé pour tirer sur des policiers. Trois d'entre elles ont été transférées à Levallois-Perret, près de Paris, pour être interrogées par les services antiterroristes.
L'un des gardés à vue, un homme de 22 ans, a reçu jeudi, dans les minutes précédant l'attentat, un SMS du tueur mentionnant l'acquisition "de pistolets" et évoquant la fourniture de "cinq" autres armes, selon des sources proches du dossier.
Cet homme est soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire entre Lahouaiej Bouhlel et un Albanais de 38 ans, arrêté dimanche avec sa femme, qui aurait fourni le pistolet. Un homme de 37 ans également arrêté dimanche est soupçonné, lui, d'être un destinataire des armes évoquées dans le SMS.
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