Taux de plomb trop élevés : l'exploitant de la Tour Eiffel condamné à une peine "exemplaire"
La peine est "exemplaire", se félicitent les avocats en charge du dossier. La Société d'exploitation de la Tour Eiffel (SETE) a été condamnée début octobre par le tribunal correctionnel de Paris à 18.750 euros d'amende pour délit d'entrave, la peine maximale encourue dans ce genre de cas. Car en 2012, lors d'une gigantesque campagne de rénovation de la Dame de fer budgétée à 25 millions d'euros, l'entreprise a volontairement caché l'existence d'un document faisant état de la présence de plomb à des taux jusqu'à 21 fois supérieurs à la limite autorisée dans les zones concernées par ces travaux, empêchant ainsi le CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de prendre les mesures de protection qui s'imposaient. FranceSoir a interrogé Valérie Schneider-Macou, l'avocate des salariés, afin de faire le point sur cette affaire sulfureuse.
>Il y a du plomb à de nombreux endroits de la Tour Eiffel. Comment la SETE a-t-elle pu assurer que ses travaux seraient sans risques pour les salariés?
"Les travaux portaient sur la rénovation des pavillons Ferrié et Eiffel au premier étage. Et, alors qu'en 2009 lors d'une campagne de peinture, un inspecteur de la CRAMIF (Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, NDLR) s'était rendu compte que des mesures de protection liées à l'inhalation de poussières de plomb n'avaient pas été prises sur la Tour Eiffel, la SETE lui a assuré ainsi qu'au comité d'entreprise (CE) et au CHSCT qu'il n' y aurait pas de difficultés sur ce nouveau chantier. Ces pavillons étant récents dans leur conception, les peintures qui les recouvrent ne contiennent pas de plomb, a certifié l'entreprise. Par conséquent, les travaux ont commencé en 2012 sans qu'aucune mesure de protection spécifique ne soit prise".
>La SETE a donc sciemment menti lors des réunions préparatoires?
"On ne sait pas s'il y a eu mensonge à ce moment-là. Mais, ce qui est sûr, c'est qu'en avril 2012, juste un mois après le début des travaux, la SETE a reçu un rapport du bureau Veritas indiquant de façon extrêmement précise qu'il y avait du plomb à des seuils très importants sur les structures où intervenaient les ouvriers. A ce moment là, la SETE aurait du informer de toute urgence le CE et le CHSCT et prendre les mesures nécessaires. Or elle a caché l'existence de ce rapport. Elle a fait comme si de rien n'était et a continué les travaux".
>Qui a découvert le pot aux roses?
"En juillet 2012, l'inspecteur de la CRAMIF qui avait déjà découvert le scandale en 2009 se rend par hasard sur le chantier après un rapport suite à un incendie. Alors qu'il observe un ouvrier faire des opérations de tronçonnage sur une structure, il aperçoit de la poussière orange: la trace caractéristique de plomb dans les peintures. Là son sang ne fait qu'un tour, il arrête d'un coup un chantier de 25 millions d'euros. C'est quand même considérable! Les résultats des prélèvements confirment ensuite la présence de plomb à des taux très élevés. C'est d'autant plus grave que les poussières ont pu s'installer un peu partout sur la Tour Eiffel. Car même si on parle de chantier clos, cela n'est pas hermétique, aucune mesure de confinement n'ayant été prise".
>Combien de temps le chantier a-t-il été bloqué et quelles mesures de protection ont été prises?
"Le chantier a été bloqué jusqu'au mois d'octobre, pendant quasiment quatre mois. Toutes les mesures possibles et imaginables ont été prises: aspiration systématique, décontamination du chantier, installation de sas, combinaisons, masques... Par chance, aucun salarié n'avait été contaminé. Plus de peur que de mal!"
>Comment la justice a-t-elle traité le dossier?
"Aucune plainte n'a été déposée avec la désignation d'un juge d'instruction. Mon confrère Thibault de Montbrial et moi avons considéré que nous avions suffisamment d'éléments pour porter l'affaire devant le tribunal correctionnel. Ce dernier a jugé qu'il y avait délit d'entrave pour le CHSCT car la SETE l'avait empêché de faire son travail correctement en cachant le rapport de Veritas. La société a donc été condamnée à 18.750 euros d'amende, le maximum encouru dans ce cas là. Il s'agit d'une condamnation exemplaire afin qu'à l'avenir cette erreur ne se répète pas. Nous espérons que dorénavant, quand il y aura des travaux, les problèmes de plomb seront pris en considération. Il important que la SETE applique les règles du jeux, surtout quand elles concernent la santé des travailleurs".
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