Tensions à Ajaccio : deux gardes à vue, 300 manifestants bloqués
Après deux jours sous haute tension, quelque 300 manifestants se sont massés ce dimanche après-midi à l'entrée des Jardins de l'Empereur à Ajaccio, un quartier populaire "sanctuarisé" par la police après un arrêté préfectoral y interdisant toute manifestation au lendemain de deux jours d'incidents et de dérapages racistes.
Bloqué par un important dispositif de police, notamment un véhicule équipé de barrières barrant la chaussée, le rassemblement demeurait calme, a constaté un journaliste de l'AFP.
Vendredi 25 et samedi 26, des centaines de manifestants avaient pénétré dans plusieurs quartiers populaires d'Ajaccio, dont les Jardins de l'Empereur, aux cris de: "on est chez nous", "Arabes dehors".
Mais dans la soirée, samedi, le préfet de Corse Christophe Mirmand a pris un arrêté pour éviter les débordements dans ce quartier qui surplombe la ville. Le texte "qui prend effet aujourd’hui (dimanche, NDLR) et durera jusqu’au 4 janvier au moins" concerne "toutes les manifestations et les rassemblements, et les contrevenants sont passibles de sanction pénale".
"Il faut que ces comportements cessent, ils altèrent l'image de la Corse", a ajouté le préfet, pointant "des propos choquants et inacceptables qui sont susceptibles de tomber sous le coup d'incrimination d’incitation à la haine à la xénophobie", dans un entretien à l'AFP.
Comme les jours précédents, les manifestants entendent protester contre une embuscade survenue le soir de Noël au cours de laquelle deux pompiers et un policier ont été blessés.
Un jeune homme a été interpellé ce dimanche pour des faits qui avaient précédé l'agression des fonctionnaires, le 24 dans l'après-midi. Les forces de l'ordre et les services municipaux avaient alors procédé à l'enlèvement préventif de 400 palettes de bois, d'une tonne de pneumatiques et d'un engin incendiaire. Des feux avaient été également allumés et une école du quartier avait fait l'objet d'actes de vandalisme, a précisé une source judiciaire. Un autre homme, d'une vingtaine d'année, s'est présenté volontairement, un peu plus tard, à la police d'Ajaccio. Les deux suspects sont actuellement en garde à vue.
Tiffany, une des pompiers qui se trouvait dans le véhicule de pompiers attaqué, a expliqué sur BFMTV que ses agresseurs avaient lancé: "Corses de merde, on est ici chez nous".
Vendredi, un groupe de manifestants a saccagé une salle de prière musulmane située à quelque 500 mètres des Jardins de l'Empereur et a brûlé partiellement plusieurs livres dont le Coran.
Ce dimanche matin, le calme semblait revenu dans cette résidence de quelque 450 logements, qui abrite 1.700 personnes, a constaté un journaliste de l'AFP, mais les habitants n'étaient pas complètement rassurés.
"Quand on voit 300 personnes arriver en criant des slogans racistes, bien sûr qu'on est inquiet", a expliqué, sous couvert de l'anonymat, un habitant appuyé, les bras croisés contre sa voiture, à l'entrée du quartier.
"D'une manifestation pacifique à la base, on est passé à une ratonnade", a-t-il dit, revenant sur les événements du jour de Noël et de samedi.
Peu de gens circulaient dans la matinée au pied des barres d'immeubles défraichies de ce quartier en cul de sac qui jouit d'une vue imprenable sur les montagnes environnantes et la baie d'Ajaccio.
Un fourgon de police faisait une ronde. Plus tôt dans la matinée, deux gendarmes étaient en faction à l'entrée de l'impasse qui dessert de quartier, ont raconté les riverains, mais ils sont partis.
"Cet après-midi, on va se calfeutrer", assure l'habitant appuyé contre sa voiture, dans une demi-plaisanterie.
"Les gens qui sont montés dans le quartier ces derniers jours, ça va peut-être apporter quelque chose", estime pour sa part, un retraité d'origine marocaine, qui vit aux Jardins de l'Empereur depuis 45 ans.
"J'en ai marre", poursuit-il, également sous couvert de l'anonymat: "les jeunes font la loi ici; quand on leur dit quelque chose, c'est +ferme ta gueule sinon je te brûle ta voiture+. J'attends que ma femme soit à la retraite pour qu'on parte au Maroc".
Pour Sébastien, un cuisinier âgé d'une quarantaine d'années, "le problème vient d'une dizaine de personnes, que tout le monde connaît, même les flics".
"Plutôt qu'il y ait 600 personnes qui montent ici dans le quartier, ce serait aussi à nous de descendre de chez nous et de dire +basta c'est terminé+", estime-t-il.
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