Trafic d’enfants au Sri Lanka - Véronique Piaser-Moyen : "Il y avait beaucoup d’argent à gagner, donc il fallait trouver des enfants à adopter"
Dans ce Débriefing, Véronique Piaser-Moyen nous raconte comment, dans les années 1980, son mari et elle ont, à leur insu, adopté un bébé sri-lankais volé à sa mère par des trafiquants d’enfants. Témoignage bouleversant, et glaçant, d’une mère qui n’est qu’une des 1 500 adoptants français et des 14 000 adoptants européens (pour le seul Sri Lanka) dupés par les trafiquants, avec la complicité présumée des institutions de leurs propres pays, à la fin XXe siècle.
En 1984, Véronique Piaser-Moyen et son mari, parents de deux garçons, décident d’adopter un troisième enfant. Une démarche altruiste, dans l’air de l’époque. Quelques mois plus tard, les voilà parents adoptifs d’une petite Titania (le prénom a été modifié, NDLR) de 15 jours, qu’ils élèvent et chérissent comme leurs enfants biologiques.
Trente-trois ans plus tard, alors qu’il tente d’aider leur fille dans sa recherche sur ses origines, le couple découvre l’existence d’un trafic d’enfants entre le Sri Lanka et des pays européens, dont la France. Et il apprend qu’il a adopté, à son insu, une petite fille volée à sa mère. Un véritable séisme bouleverse alors la famille.
A posteriori, les parents adoptifs réalisent que de nombreux éléments auraient dû éveiller leurs soupçons, à commencer par la rapidité avec laquelle le bébé leur a été confié. Mais, à l’époque, ils ne se sont pas méfiés, ayant scrupuleusement accompli toutes les démarches exigées. Ils ont fait confiance aux institutions, notamment françaises.
L’enquête qu’ils ont menée, 33 ans plus tard, les a conduits à la conclusion que ce trafic, où un enfant n’était plus qu’un "produit", n’a pu prospérer qu’avec la complicité des autorités françaises. La facilité avec laquelle on pouvait adopter des nourrissons au Sri Lanka "(…) aurait dû attirer l’attention de la DDASS (…), et je sais maintenant, en ayant fouillé les archives, qu’ils ont été alertés", nous explique Véronique Piaser-Moyen.
Le couple a porté plainte contre X pour escroquerie en bande organisée et pour abus de confiance en bande organisée, ainsi que pour recel d’escroquerie en bande organisée et pour abus de confiance en bande organisée.
Le 22 janvier dernier, la juge d’instruction de Paris a rendu un non-lieu partiel, au motif que les délits d’escroquerie en bande organisée et d’abus de confiance en bande organisée étaient prescrits, mais l’information judiciaire reste ouverte pour les délits de recel d’escroquerie en bande organisée et de recel d’abus de confiance en bande organisée.
Si des pays européens, tels que la Suisse, la Suède, les Pays-Bas ou la Belgique ont déclenché des enquêtes concernant les trafics sur le "marché" de l’adoption durant la fin du XXe siècle, la France renâcle, et les efforts déployés par Véronique et Jean-Noël Piaser pour obtenir des explications de l’État ont jusqu’à présent été vains. En 2020, la députée Sylvia Pinel a interrogé le ministère des Affaires étrangères sur le problème sans obtenir de réponse.
Le 8 juin 2022, la députée PS-Nupes Valérie Rabault a déposé une demande d’enquête ministérielle, sans réponse à ce jour.
Il est à souligner que le Sri Lanka semble ne pas être le seul pays ayant donné lieu à des trafics d’enfants sur le marché de l’adoption, et que des plaintes ont été déposées en Europe, concernant des adoptions présumées illicites dans d’autres pays asiatiques et en Afrique. Véronique Piaser-Moyen, a raconté son histoire et celle sa famille, dans un livre, Ma fille je ne savais pas, paru chez City Éditions.
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