Mineurs proxénètes : un phénomène inquiétant qui prend de l’ampleur

Auteur(s)
Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 01 février 2024 - 16:29
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Prostitution des mineurs Laurence Beneux
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Ce sont parfois des filles qui sont chargées de piéger leurs copines et de les jeter dans les griffes des proxénètes.
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FAITS DIVERS - Les 8 et 9 janvier 2024, huit jeunes hommes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à des peines allant de 18 mois avec sursis à 6 ans de prison ferme pour proxénétisme aggravé. Les victimes étaient mineures. L’association Agir Contre la Prostitution des Enfants (ACPE), partie civile au procès, souligne l’extrême jeunesse des condamnés “alors mineurs pour la plus grande partie des infractions, justifiant la saisine du tribunal pour enfants devant lequel ils seront jugés dans un second temps.” La prostitution des mineurs par d’autres mineurs n’est pas un phénomène nouveau, mais il connaît un essor inquiétant depuis le début du XXIe siècle.

La prostitution des mineurs est qualifiée de phénomène sociétal global qui inquiète tous les professionnels du secteur de la protection de l’enfance par la Fondation Scelles qui a consacré son Cahier de la Fondation de juin 2021, intitulé Mineurs proxénètes, à l’analyse duproxénétisme des cités. La Fondation souligne la jeunesse des proxénètes et relève, parmi eux, un nombre croissant de mineurs.

Des trafiquants de drogues reconvertis dans le trafic sexuel

Le mineur proxénète est généralement un adolescent qui a été confronté à une violence passée sous les radars des institutions et dont il n’a pas été protégé. Il a eu préalablement un parcours délinquant. Il s’agit plus rarement de filles, souvent elles-mêmes prostituées et qui jouent le rôle de recruteuses, parfois pour justement échapper à leur propre prostitution.

Des professionnels de la justice expliquent qu’on trouve notamment parmi ces jeunes proxénètes d’anciens trafiquants de drogue reconvertis" dans le trafic sexuel de jeunes filles de leur quartier, voyant un moyen plus facile et moins risqué de gagner de l’argent. 

Exploiter sexuellement des mineurs est moins coûteux à mettre en place qu’un trafic de produits stupéfiants, qui nécessite l’achat de matières premières, des capacités de stockage et la construction de réseaux humains d’approvisionnement et de distribution tout en évitant les contrôles de la police et les jalousies des clans rivaux. En outre, les proxénètes encourent peu le risque d’être poursuivis pour des faits de proxénétisme, explique la Fondation Scelles, qui s’appuie sur des recherches effectuées par l’association Agir Contre la Prostitution des Enfants (ACPE).

Les mineurs proxénètes utilisent massivement les réseaux sociaux pour développer leur activité. Ils y repèrent leurs victimes qui sont des jeunes filles vulnérables du fait de situations sociales difficiles. Ils les séduisent avant de les livrer à la prostitution. Pour ce dernier cas, le terme de lover boy est apparu. Ils utilisent les mêmes réseaux pour diffuser des annonces et trouver des clients.

Des “protecteurs”

La Fondation Scelles souligne que la difficulté qu’il y a à surveiller ces réseaux sociaux diminue les risques de se faire repérer par la justice alors que la priorité actuelle donnée à la lutte contre les trafics de stupéfiants les accroît.

Il est frappant de constater que ces jeunes criminels se reconnaissent rarement pour ce qu’ils sont, des proxénètes, et préfèrent se qualifier de protecteurs.

Pourtant, les modes de recrutement des jeunes filles peuvent être très violents. Certains n’hésitent à les faire tomber dans des traquenards, les invitant, par exemple, à une soi-disant fête, où elles seront droguées puis contraintes à des actes sexuels tarifés. Des sextapes (vidéos montrant des actes sexuels) mettant en scène les victimes peuvent être réalisées, qui seront ensuite menacées de les voir diffuser sur Internet. Ce sont parfois des filles qui seront chargées de piéger leurs copines et de les jeter dans les griffes des proxénètes.

Le procès des 8 et 9 janvier révèle un cas emblématique. Les victimes ont été repérées sur les réseaux sociaux en 2021, et elles traversaient toutes de grandes difficultés familiales et/ou sociales. L’ACPE dénonce les conditions d’exploitation particulièrement inhumaines dont quatre jeunes filles ont témoigné : "un travail à la chaîne avec parfois une vingtaine de clients par jour, les viols, le manque d’hygiène et un épuisement immense.

Les jeunes trafiquants d’êtres humains peinent à prendre conscience des préjudices qu’ils causent à leurs victimes, et ça a été le cas dans cette affaire

Un des mis en cause, placé en détention provisoire, n’a d’ailleurs pas hésité à continuer à gérer l’exploitation des jeunes prostituées depuis sa prison, après être parvenu à se procurer un téléphone portable. Preuve s’il en est que son arrestation n’a pas suscité de salutaire prise de conscience.

Le jeune âge des auteurs est un rappel de l’urgence de la sensibilisation auprès des plus jeunes, tant pour parer à d’éventuelles futures victimes, que pour sensibiliser d’éventuels futurs auteurs qui n’avaient pas pris la mesure, nous l’avons vu lors de ce procès, de la gravité de leurs actes", commente la présidente de l’ACPE, Armelle Le Bigot-Macaux, dans un communiqué de presse.

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