Un nouveau bilan confirme la sous-estimation des morts de l'ouragan à Porto Rico
La publication d'une étude indépendante mardi confirmant que des milliers d'habitants de l'île américaine de Porto Rico avaient péri à cause de l'ouragan Maria l'an dernier a relancé la polémique sur la lenteur de la réponse de l'administration de Donald Trump.
A partir d'une étude de terrain, une équipe de chercheurs de l'Université Harvard a établi que plus de 4.600 personnes étaient mortes dans les trois mois ayant suivi la catastrophe, un chiffre sans commune mesure avec le bilan officiel et très contesté de 64 décès.
Le taux de mortalité a bondi de 62% par rapport à la normale, selon eux, notamment car nombre d'habitants, privés d'électricité, d'eau, de téléphone ou de transport, n'avaient plus accès aux soins.
Le gouvernement de Porto Rico est conscient de l'irréalisme de ses chiffres, et a chargé en février une équipe de l'Université George Washington de conduire une étude similaire. Il n'a pas contesté les résultats publiés mardi.
"Nous nous sommes toujours attendus à ce que le chiffre soit supérieur à ce qui a été annoncé initialement", a réagi Carlos Mercader, directeur de l'administration des affaires fédérales de Porto Rico. L'étude commanditée à l'Université George Washington sera publiée "bientôt", a-t-il dit.
"Les deux études nous aideront à mieux nous préparer aux futures catastrophes naturelles", a-t-il ajouté.
Maria avait frappé Porto Rico le 20 septembre, lors d'une saison 2017 record pour les ouragans. Immédiatement, le réseau électrique avait été coupé. Les routes aussi.
Le chaos s'est installé jusque dans les villes, et le gouvernement fédéral avait été critiqué pour la lenteur de sa réaction, qui tranchait avec la haute priorité assignée par le président Donald Trump au Texas et à la Louisiane, frappés par un autre ouragan à la même période, Harvey.
- Trump critiqué -
Porto Rico, située juste à l'est de l'île de Saint-Domingue en mer des Caraïbes, ne fait pas partie des 50 Etats américains, mais est l'un des cinq territoires appartenant aux Etats-Unis. Ses trois millions d'habitants ont la citoyenneté américaine mais Porto Rico n'a pas d'élu au Congrès.
Le bilan de 64 morts des autorités locales avait rapidement été ridiculisé. Une étude des actes de décès par le New York Times avait par exemple conduit à plus de 1.000 morts dans les 40 jours suivant l'ouragan.
La confirmation que des milliers de personnes étaient mortes a relancé la controverse politique sur la lenteur des opérations de secours et de réparation menées par le gouvernement fédéral de Donald Trump. Le président avait dit, lors d'une visite sur place en octobre, que l'île pouvait être "fière" de n'avoir pas subi des centaines de morts comme lors d'une "vraie catastrophe" comme l'ouragan Katrina en 2005 (à l'époque, le bilan officiel était de 16 morts).
"Porto Rico a subi l'une des pires catastrophes de l'histoire des Etats-Unis, et le gouvernement n'a pas assez réagi. Le Congrès a temporisé sur l'aide, Trump a attaqué la maire de San Juan, est venu quelques heures et a oublié Porto Rico pendant des mois", a tweeté l'élu démocrate Joe Crowley, réclamant des auditions parlementaires.
- Pas d'électricité, pas de médecins -
Pour obtenir un bilan réaliste, les chercheurs ont organisé l'équivalent d'un recensement partiel en janvier et février. Ils ont frappé à 3.299 portes, sur l'ensemble de l'île, selon un échantillon représentatif, et demandé si des personnes des ménages choisis étaient décédées entre le 20 septembre et le 31 décembre 2017.
Les résultats ont permis d'établir un taux de mortalité de 14,3 morts pour 1.000 personnes à cette période, soit 62% de plus que lors de la même période en 2016. Au niveau de l'île, cela signifie 4.645 morts en plus.
Les chercheurs expliquent en outre que leur estimation est probablement basse, pour une raison simple: ils n'ont pas pu comptabiliser les personnes vivant seules qui sont mortes, car elles n'ont par définition pas pu répondre au sondage. Avec elles, le bilan pourrait dépasser 5.000 morts, selon les auteurs.
Ils ont trouvé qu'en moyenne, les habitants avaient passé 84 jours sans électricité, 64 jours sans eau, et 41 jours sans réseau téléphonique mobile.
Dans les zones les plus isolées, 83% des ménages ont vécu sans électricité pendant toute la période étudiée, soit plus de trois mois.
Près d'un tiers de tous les ménages ont rapporté avoir vu leur traitement médical interrompu: les malades ne pouvaient plus acheter leurs médicaments. D'autres ne pouvaient plus faire fonctionner leurs appareils d'aide respiratoire, faute d'électricité. De nombreux centres de santé et cliniques avaient dû fermer, et nombre de médecins étaient introuvables ou ne pouvaient plus se déplacer.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.