États-Unis : un laboratoire envisage de créer une souche hybride de variole du singe plus mortelle que celle qui circule actuellement
Dans le cadre des recherches du National Institute of Allergy and Infectious Disease (NIAID), un laboratoire gouvernemental du Maryland projette de créer une souche hybride de la variole du singe. Celle-ci serait plus mortelle que celle qui se propage actuellement aux États-Unis.
Cette information publiée par le Daily Mail le 24 octobre 2022 intervient alors que les États-Unis ont déjà enregistré plus de 26 000 cas de variole du singe sur leur territoire.
Le virus de la variole du singe
La variole du singe ou virus monkeypox est à distinguer de la variole, responsable de millions de morts jusqu’au 20ᵉ siècle. Ce virus qui avait dévasté l’humanité pendant plus de 3 000 ans, faisant encore 300 millions de morts au siècle dernier, a été déclaré éradiqué le 8 mai 1980 lors de la 33ᵉ Assemblée mondiale de la santé, après qu'une stratégie de surveillance combinée à une campagne de vaccination massive décidée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a permis d’en venir à bout.
Il n’en va pas de même pour la variole du singe dont on retrouve des cas principalement sur le continent africain et qui se distingue de la variole par sa transmission de l’animal à l’homme et par sa capacité à avoir un réservoir animal (zoonose). Si le virus a été isolé la première fois sur un singe, en 1958, au Danemark, son réservoir principal se trouve cependant chez les rongeurs et chez les écureuils.
Avant mai 2022, des rares cas de varioles du singe détectés aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Israël ou à Singapour, étaient survenus chez des personnes revenues du Nigéria. Dans l’hémisphère nord, ces cas étaient, jusqu’à présent, toujours restés isolés et circonscrits.
Depuis le début du mois de mai, la situation a quelque peu évolué, puisque plusieurs cas ont été détectés dans de nombreux pays européens, mais également en Amérique du Nord, en Israël et en Australie.
En Afrique, le taux de létalité provoqué par la variole du singe varie de 1 à 10% selon la souche. Il existe deux souches du virus : une souche peu létale (1%) qui circule en Afrique de l’Ouest et une beaucoup dangereuse en Afrique centrale, principalement dans le bassin du Congo.
En Europe et aux États-Unis, c’est la souche peu létale qui circule et à l’exception des personnes fragiles ou immunodéprimées, les patients qui contractent ce virus, guérissent spontanément.
Le projet du laboratoire du Maryland
Le laboratoire du Maryland prévoit d'élaborer une souche hybride du virus de la variole du singe qui circule actuellement aux États-Unis. L’expérimentation menée par l’équipe du Maryland serait dirigée par Bernard Moss, un scientifique rattaché au NIAID. Elle consisterait à échanger des gènes entre deux souches de variole du singe. Les chercheurs en charge de l’expérimentation travailleraient sur le clade (groupe de taxons ayant une origine phylétique. Unité de base dans la classification phylogénétique des espèces, le clade contient l’ancêtre commun et la totalité des descendants) dominant (clade 2), afin de le rendre plus létal et susceptible d’infecter les souris. La raison de cette expérience serait la recherche de nouveaux médicaments pour l’homme.
Dans le détail, l'expérimentation consisterait à « extraire des dizaines de gènes du virus de la variole du singe de clade 1, plus grave, et à les introduire dans le virus de clade 2, plus bénin. » Une fois créée, la nouvelle souche hybride serait testée sur les souris tandis que les chercheurs surveilleraient l’évolution de la maladie.
Pour parer à toute critique sur la recherche de gain de fonction, les scientifiques du Maryland ont expliqué que leurs travaux ne consistaient pas à « améliorer » un agent pathogène. En effet, l’expérimentation consisterait à échanger les mutations naturelles, mais pas à en créer de nouvelles. Par conséquent, l’hybride créé ne pourrait pas être plus mortel que les clades existants.
En 2018, le laboratoire du Maryland avait déjà mené des travaux sur la variole du singe. À l’époque, l’équipe avait tenté l’inverse de ce que les chercheurs projettent de faire aujourd’hui ; ils avaient échangé des gènes du clade 2 qui est le moins virulent et les avaient introduits dans le clade 1 pour le rendre moins dangereux. L’expérience avait été exemptée de tout contrôle, car les personnes en charge de la surveillance génomique des agents pathogènes avaient estimé que le virus de la variole du singe ne pouvait pas se propager de manière incontrôlée ; il n’atteignait pas le seuil critique qui puisse le faire qualifier d'agent pathogène à potentiel pandémique. De plus, le virus était à cette époque circonscrit à l’Afrique et n’avait touché le continent européen et américain que de manière sporadique. Ces manipulations destinées à rendre le virus moins mortel s'étaient cependant soldées par un échec.
Ce nouveau projet d'expérimentation qui intervient dans un contexte d’inquiétude croissante est loin de réjouir l’ensemble de la communauté scientifique. Pour le Dr Richard Ebright, microbiologiste à l'université Rutgers du New Jersey, cette recherche « présente un risque exceptionnellement élevé » si un accident de laboratoire se produisait, laissant le virus s’échapper.
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