L'Artemisia en traitement covid : non conventionnel mais efficace ?
L’Artemisia, plus précisément l’artemisia afra et l’artemisia annua, qui appartiennent à la famille des asteraceae, sont des plantes fréquemment utilisées sur le continent africain, notamment dans la prévention et le traitement contre le paludisme. Depuis le début de la pandémie de covid-19, les médecins africains se sont également tournés vers ces plantes, que ce soit de manière prophylactique ou en traitement anti-viral, et ont trouvé dans ces dernières une réponse potentiellement efficace contre ce nouveau virus. Après un an et demi de pandémie, quelles certitudes tirer de leurs utilisations ? Peuvent-elles avoir un véritable impact sur la jugulation de l’épidémie ?
Il est peu de dire que cette pratique médicinale - répandue en Afrique (surtout en thés et infusion) et encore plus sur l’ile de Madagascar, a du mal à trouver des initiés en Occident. Depuis maintenant 18 mois, ces deux plantes ont subi plusieurs campagnes médiatiques de dénigrement par certains puissants médias occidentaux, qui ne sont pas sans rappeler les campagnes médiatiques toutes aussi déconcertantes contre les vieilles molécules génériques que sont l’hydroxychloroquine et l’ivermectine. De plus, ces asteraceae sont très souvent utilisées par les homéopathes, et Dieu sait à quel point ils sont critiqués par les adeptes de l’Evidence Based Medicine (EBM), la "médecine fondée sur les preuves", notamment en France, qui ont obtenu la fin de leur remboursement par la Sécurité sociale depuis le 1er janvier.
Le président malgache vante les mérites de l'Artemisia
Lorsqu'on évoque Artemisia et covid-19, il nous vient à l’esprit cette histoire surprenante d’avril 2020 : le président malgache Andry Rajoelina vante et recommande alors chaudement l’utilisation de ces deux plantes familières. Il avale soudainement, devant une assemblée médusée, de grandes gorgées d’une tisane dorée d’herbes médicinales tout en affirmant qu’elle protège et guérit de la covid-19. Les médias se saisissent alors de l’affaire, ne manquant pas de critiquer violemment la tentative de coup de force du président, qui serait avant tout un effet d’annonce politique et économique. En effet, le fabriquant d’Artemisia Bionnex est basé sur l’île, avec 1 000 tonnes en stock. Alors que ses affirmations ne sont fondées sur rien de tangible que la fameuse EBM puisse entériner à cette date.
Il est donc intéressant de se pencher, plus d’un an après cette déclaration, sur ce que nous apporte en réponse la littérature scientifique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas abondante, au regard de la comparaison avec l’hydroxychloroquine ou la vitamine D3, pour n’en citer que deux. Ajoutée au faible nombre d’études publiées, on peut également se questionner sur la lenteur manifeste entre les « preprints » (prépublication) et les publications officielles. Comme s’il était urgent d’attendre avant de valider les phases d’essais in vitro, afin de bloquer l’entame des in vivo. Comme si la priorité était surtout de ne pas faire obstacle à un tout autre projet thérapeutique… On a connu des études pour d’autres traitements ou thérapies qui sont sorties dans des revues, souvent de renom, bien plus rapidement.
Revue des publications scientifiques sur l'Artemisia
Parmi les publications scientifiques, se démarque celle du « Journal of Ethnopharmacology », sortie le 28 juin dernier ; alors qu’une version encore en preprint mise à jour a été ajoutée le 08 septembre. Cet essai conduit par l’équipe du Dr Mangalam S.Nair, du CSIR indien, montre que des extraits d’artemisia annua (par infusion des plantes) inhibent l’infection par le covid-19. Le composant actif serait très probablement l’artémisinine, ou une combinaison d’éléments de cet ordre, permettant un blocage peu avant l’entrée effective du virus dans les cellules. Les résultats cliniques suggèrent vivement une confirmation par la mise en place d’un essai in vivo. Le preprint de septembre conclut quant à lui à une efficacité similaire sur les nouveaux variants dominants, y compris le Delta.
La plus importante, parue dans une grande publication, est certainement celle conduite par le Dr Zhou et son équipe. Cette étude, in vitro elle aussi, est sortie le 16 juillet dernier dans la prestigieuse revue Nature. Ce qui lui garantit une certaine visibilité, notamment aux yeux des partisans de l’EBM et des scientifiques des pays occidentaux de manière générale. Tout comme dans l’essai du docteur Nair, est testée l’efficacité antivirale des extraits d’artemisia annua, et plus particulièrement des substances actives que sont l’artémisinine, l’artésunate et l’artéméther. Toutes montrent un effet (au plus haut pour l’artésunate) tangible sur la prévention de la réplication du virus dans les cellules, notamment les VeroE6. Ce travail suggère même que l’artésunate est capable de cibler le virus après son entrée cellulaire, et que des concentrations plasmatiques maximales de cette substance dépassant les EC50 (concentration efficace médiane) peuvent être atteintes, ce qui est un fort signal d’efficience. Là encore, la mise en place d’un essai en vie réelle est clairement recommandé.
Fort de ces données sur l’artésunate, en juillet dernier, le laboratoire sud-coréen Shin Poong annonce la fin de la phase II de son essai randomisé contrôlé double aveugle (le fameux "gold standard " de l’EBM) qui teste le médicament Pyramax comme traitement contre la covid. Comme le Plaquénil, c’est un antipaludéen. Il est composé d’artésunate et de pyronaridine. Essai in vivo, de petite envergure (N=113), dont le recrutement a été effectué auprès de 13 hôpitaux du pays. Il a cependant le mérite de concerner une population bien ciblée (âge moyen de 54 ans et donc sujette à faire des formes aggravées) dans des phases de maladie légères à modérées. Cet essai randomisé se focalise donc sur l’effet potentiel du médicament à agir sur la clairance virale, phase où l’artésunate est censé faire effet (pas comme certains essais occidentaux qui utilisaient des antiviraux en pleine tempête cytokinique).
Malgré une significativité non atteinte statistiquement due au faible nombre de patients, les résultats préliminaires sont jugés encourageants par le laboratoire. Notamment la durée de clairance virale totale à J+10 dans le groupe traité, au contraire du groupe placebo (J+28). Les dirigeants de Shin Poong ajoutant aussi que les risques d’hospitalisation, de besoin d’oxygène ou d’aggravation des symptômes connaissent une réduction de 55.4 % dans le groupe traité. De plus, aucun problème de toxicité n’est constaté. Estimant la phase II prometteuse, il est envisagé que ce médicament puisse jouer un rôle dans la lutte contre le virus, essentiellement en phase précoce. Une phase III sur un échantillon beaucoup plus large est dans les tuyaux. Une requête pour une « IND Approval » (l’équivalent de nos RTU et ATU qui sont accordées sur base de fortes présomptions d’efficacité) auprès de la FDA sud-coréenne a d’ailleurs été faite par le laboratoire.
Le 8 septembre était publiée dans le « Virology Journal » l’étude scientifique de l’équipe des docteurs Chuanxiong Nie et Peter H Seeberger de la « Freie Universitat Berlin ». Cette étude in vitro a évalué les propriétés antivirales des extraits d’Artemisia (annua et afra) ainsi que la boisson Covid Organics CVO (dont la recette n’est pas révélée mais à base bien sûr d’extraits de la plante malgache). Dans cet essai, est encore démontré que, in vitro, les extraits par infusion inhibent l’infection des cellules par le Sars-Cov-2 dans des concentrations qui n‘affectent pas la viabilité de celles-ci. La conclusion appuie cependant sur le fait que la quantité de concentration plasmatique maximale nécessaire dans les cellules afin d’inhiber l’infection virale chez les humains n’est clairement pas définie. La mise en place d’essais cliniques in vivo, dans ce travail également, est réclamée.
Parallèlement à cette publication, qui était en preprint depuis un moment, le Centre national d’application de recherche pharmaceutique (CNARP) de Madagascar, qui n’a jamais cessé de promouvoir les bienfaits de cette plante depuis l’intervention médiatique de son président, a lancé son essai clinique in vivo en association avec le laboratoire pharmaceutique malgache (détenu par l’État à 100 %) Pharmalagasy. Cette étude, qui concerne 339 patients, teste l’efficacité antivirale d’une nouvelle déclinaison du Covid Organics (CVO), cette fois-ci sous forme de gélule. Début juillet, le laboratoire annonce le succès de la phase III de leur essai. Cette ultime phase, qui a été menée de janvier à mai de cette année, conclurait à une efficacité du médicament de 87.1 % s’il est utilisé pour traiter le covid-19 sous forme légère et modérée. Avec une clairance virale établie à J+14 et aucun effet secondaire notable constaté, selon le Pr Rakotosaona du CNARP.
Enfin, pour conclure sur le lexique Artemisia, on indiquera la publication d’un tout dernier papier, dans le journal « PLOS PATHOGENS » en date du 09 septembre. Ce travail, mené par l’équipe du professeur Pickard de l’université de Manchester, consistait à évaluer bon nombre de molécules repositionnées grâce à un procédé de nano luciferase. Pickard a pu constater les fortes propriétés antivirales (spécifiquement sur la réplication des cellules Vero) de neuf molécules parmi lesquelles l’amodiaquine, qu’on trouve dans l’Artemisia. Il définit clairement cette molécule comme un « sérieux candidat dans la catégorie des drogues repositionnées, qui pourrait devenir un puissant ajout dans le traitement de la covid ».
Pourquoi est-ce si lent ?
Il paraît désolant qu’en septembre 2021, la littérature scientifique concernant cette plante et ses extraits soit si mince. On ne peut que regretter le faible nombre d’études, particulièrement in vivo, ainsi que le temps pris pour leurs publications, alors que ses bienfaits sont évoqués depuis le mois de mars de l’année dernière. Il aura fallu attendre une éternité pour se mettre à lancer des essais sur les humains. Pour une plante utilisée depuis des années dont les effets secondaires sont établis et connus, cela interpelle.
Cela dit, l'effet antiviral contre le covid-19 est aujourd’hui clairement démontré in vitro. Il est donc urgent que d’autres pays, surtout ceux qui n’ont pas des moyens importants, se lancent dans des études cliniques in vivo afin d’apporter de la certitude scientifique à son utilisation. Dans des pays où les hôpitaux sont vétustes, l’accès aux soins compliqué et le coût du vaccin inabordable, l'alternative qu'offrirait l'Artemisia, accessible à tous et peu chère, pourrait être un véritable "game changer". Une distribution massive, y compris en Occident, pourrait être décisive dans ce combat contre ce virus qui n’a que trop duré.
Cette fois-ci, l'OMS pourrait jouer en la faveur de l'Artemisia
Il y a malgré tout un espoir qui pointe à l’horizon : l'Organisation mondiale de la santé a en effet supervisé l’essai malgache sur la gélule CVO+. Cet essai a donc été effectué en bonne entente avec le puissant organisme. Et, même si cette dernière reste très prudente en communiquant que les résultats n’ont pas été encore peer reviewed (revus par les pairs) et que pour l’instant aucune preuve tangible n’a été établie ; il y a vraiment bon espoir que la revue scientifique puis la publication soient rapidement actées. D’une part, les acteurs économiques et l’État malgache s’y retrouveraient financièrement, cette gélule pouvant être brevetée par le laboratoire. D’autre part, l’OMS s’est clairement positionnée contre les choix stratégiques vaccinaux des pays riches, en totale connivence avec l’ogre pharmaceutique américain. Alors que l’OMS ne voit pas l’utilité d’une troisième dose ainsi que l’injection aux moins de 18 ans, recommandant énergiquement de prioriser ces doses pour les pays « du Sud », il s’avère qu’in fine, ces recommandations sont totalement ignorées par les puissances occidentales. On peut dès lors imaginer que l’OMS va favoriser l’autorisation de mise sur le marché et l’insérer dans ses recommandations officielles, s’il s’avère bien évidemment que le traitement est efficace, dans le but de tenter de combler le cruel manque de vaccins pour ces pays. Ce serait également une manière d’afficher publiquement une certaine contestation envers les riches laboratoires qui tentent d’étouffer le discours de l’agence spécialisée de l’ONU.
Il est dès lors en droit d’espérer qu’on ne revivra pas le scandale de l’ivermectine gate, les intérêts des différentes parties impliquées étant cette fois-ci convergents.
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