Les compléments alimentaires, un succès qui laisse la science sceptique
Prendre des gélules d'oméga 3, utile ou pas? Deux tiers des Français croient aux vertus des compléments alimentaires pour leur santé, mais la science est très sceptique sur leur intérêt.
Le Syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet) a publié mercredi un sondage expliquant le succès de tous ces produits.
Depuis le classique comprimé de vitamine C jusqu'à la cure de zinc contre le vieillissement de la peau, en passant par le sirop aux plantes en prévention du rhume, ou le psyllium pour améliorer le transit, la gamme n'a cessé de s'enrichir.
Et ça marche. Le marché a grimpé à 1,8 milliard d'euros en 2017, soit une croissance de près de 6%, d'après le Synadiet, qui regroupe 243 entreprises. Il n'était que d'un milliard d'euros en 2010.
"C'est un secteur qui ne connaît pas la crise. Les gens font une association entre beauté, santé et nutrition, à laquelle répondent ces compléments", analyse pour l'AFP le pharmacien biologiste Luc Cynober, auteur de "Tout sur les compléments alimentaires".
- Spontanément convaincus -
Près de deux tiers des Français avouent ne pas bien connaître le sujet, "peu informés" (45%) ou "pas du tout informés" (20%), selon le sondage commandé par Synadiet, réalisé en ligne par OpinionWay auprès de 1.000 Français entre les 10 et 12 janvier.
Pour autant, la majorité sont spontanément convaincus.
Ces compléments sont jugés "utiles pour lutter contre une alimentation déséquilibrée (manque de magnésium, de calcium...)" par 67% des sondés, et presque autant (64%) les trouvent "utiles à certaines périodes de l'année pour éviter et limiter les petits maux (rhume, grippe, fatigue régulière...)". Plus de la moitié (52%) estiment que "consommer des compléments alimentaires permet de prévenir ou ralentir certains problèmes de santé".
L'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation (Anses) a alerté à de multiples reprises sur ces produits qui, contrairement aux médicaments, ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché.
"Par définition, un complément alimentaire ne peut avoir, ni revendiquer d'effets thérapeutiques", lit-on sur son site internet. Et le danger, selon elle, est de dépasser les "limites de sécurité" de prises de vitamines ou minéraux.
Plusieurs études scientifiques ont conclu, pour la grande majorité des compléments en vitamines ou minéraux, à l'absence d'intérêt prouvé.
- "Aucune base scientifique" -
"Il n'y a aucune base scientifique à tout ce que prétendent prévenir ou guérir ces produits", estime le pharmacologue Jean-Paul Giroud, de l'Académie de médecine.
"Si les Français croient qu'ils reçoivent des fabricants une information alors qu'en vérité il s'agit de publicité, on les trompe", a-t-il déploré, interrogé par l'AFP.
"Je dirais qu'il ne faut pas jeter le complément alimentaire avec l'eau du thé", répond Luc Cynober.
"Raisonnons en termes de sous-populations. Le déficit en vitamine D est extrêmement fréquent chez les personnes âgées, et les gériatres en font prendre à raison. L'acide folique (vitamine B9) est absolument indispensable en début de grossesse, voire pour les femmes ayant un projet de maternité, pour prévenir le risque d'une maladie extrêmement grave", la spina bifida, souligne-t-il.
La prise de vitamine B9 durant au moins les deux premiers mois de grossesse fait d'ailleurs partie des recommandations d'un vaste plan de prévention dévoilé lundi par le gouvernement.
Mais d'autres compléments paraissent inutiles voire dangereux. Ce professeur de nutrition cite des cas de personnes qui se sont brûlées au soleil en prenant des pilules de "préparation au bronzage" qui, croyaient-elles, protègeraient leur peau.
Et avec les compléments minceur, "on joue sur le désespoir des gens prêts à tout pour perdre des kilos. Mais comme ça n'est pas plus efficace que des placebos, ça fait cher le kilo perdu", dénonce-t-il.
Synadiet se défend de promouvoir des produits miracles. "Le but est de compléter le régime alimentaire normal", écrit-il, insistant sur la "prévention" dans la santé et une "évolution responsable du secteur (...) en phase avec les exigences réglementaires et sanitaires".
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