Tourisme médical. L’Inde investit dans la greffe d’utérus
Tandis que l’on fait subir des hystérectomies aux ouvrières des champs de cannes à sucre du Maharashtra en Inde, c’est tout l’inverse qui se pratique à 450 kilomètres de là, à Bombay, dans le même état indien : on tente des greffes d’utérus sur des femmes qui en sont dépourvues, et qui souhaitent donner naissance à un enfant. La santé est un secteur économique en pleine croissance en Inde, notamment via le tourisme médical, et le pays investit dans le marché de la fertilité et de la maternité. Dans quelques grandes villes indiennes, des structures médicales, très majoritairement privées, proposent à prix d’or de tenter une greffe d’utérus à des clients désirant devenir parents.
Le secteur médical indien, privé à 74 %, est un des secteurs économiques les plus dynamiques du pays, explique, dès 2020, le CCI France International, qui anime un maillage de 118 Chambres du Commerce et de l’Industrie françaises à l’étranger.
Un des principaux segments de ce secteur est le tourisme médical, constatent encore les observateurs internationaux. Et l’Inde a investi tôt dans le sous-segment que représente le marché de la fertilité et de la maternité.
La greffe d’utérus, une alternative à la GPA
La GPA, Gestation Pour Autrui, est légale depuis 2002 dans ce pays, mais elle est aussi de plus en plus réglementée. Depuis 2018, seules les GPA « altruistes » sont autorisées. En théorie, il est désormais interdit de rémunérer les mères porteuses.
Par ailleurs, les adoptions internationales sont, elles aussi, de plus en plus contrôlées et leur nombre a drastiquement baissé.
Dans ce contexte, les progrès en matière de greffe d’utérus sont considérés comme une alternative pour les couples en mal d’enfants, et le marché indien de la procréation a investi dans le secteur.
La greffe d’utérus est « maintenant un rayon d'espoir pour des milliers de femmes qui avaient complètement perdu l'espoir de faire l'expérience de la joie de la maternité » estime la chaine India TV dans un article de 2022 annonçant que les deux premières grossesses menées à terme, en Inde, grâce à des greffes d’utérus.
Cette même année, un chirurgien indien rend public son projet de tenter une telle greffe sur une femme trans.
En cas de désir d’enfant, l’opération serait alors suivie, un an plus tard, de la transplantation d’un fœtus obtenu par fécondation in vitro. Et si une grossesse est menée à terme, l’accouchement s’effectuerait bien évidemment par césarienne.
« La greffe d’utérus est l’une des grandes réalisations dans le domaine des progrès médicaux. », peut-on lire deux ans plus tard, en 2024, sur le site « Medsurge India » qui propose une traduction de ses pages en 19 langues.
« Cela donne de l’espoir et des opportunités aux femmes qui rêvent de porter un enfant mais ne peuvent pas y parvenir en raison d’une infertilité utérine. La recherche se poursuit continuellement dans le domaine de la transplantation utérine en Inde. Le pays se consacre à aider les femmes à réaliser leur rêve de maternité. » se félicitent les auteurs du site qui donne de la visibilité à de nombreux instituts médicaux, et fait une description élogieuse des chirurgiens qui y officient.
Une alternative coûteuse.
Le site pourrait préciser que le pays se consacre à aider les femmes riches, car tenter une greffe d’utérus n’est pas gratuit : 13 000 euros minimum plus le voyage, les frais d’hébergement, les médicaments, les visites de contrôle, les taxes locales, le coût des visas pour la clientèle étrangère, …
Il faut savoir aussi qu’une fois que les grossesses désirées ont été menées à terme, l’utérus greffé est retiré afin d’éviter à la patiente de devoir prendre un traitement antirejet à vie.
Sans compter les complications fréquentes et les nombreux échecs, qui imposent des prises en charge médicales et chirurgicales.
Des services de conciergerie proposent des forfaits pour le tourisme médical. Ils conseillent des chirurgiens, des hôpitaux, prennent en charge les démarches administratives, les demandes de visas, etc. Tout est fait pour encourager les potentielles candidates à une greffe d’utérus à sauter le pas et pour leur faciliter la vie.
Des utérus prélevés de préférence sur des donneuses vivantes
Concernant les donneuses d’utérus, elles doivent être âgées entre 30 et 50 ans, être en bonne santé et non fumeuses. En effet, les utérus sont prélevés de préférence sur des donneuses vivantes car cela offre de meilleures chances de réussite. La quasi-totalité des tentatives de grossesses initiées avec un utérus prélevé sur une donneuse en état de mort cérébrale s’est soldée par un échec.
Cela n’est pas sans poser quelques problèmes éthiques, car donner son utérus n’est pas sans risque. Une plaie dans un uretère est notamment à craindre, une telle plaie avait coûté un rein à la première donneuse vivante lors d’une transplantation effectuée en 2002 en Arabie Saoudite. Un danger auquel il faut ajouter les risques anesthésiques, hémorragiques, de surinfection, d’incontinence, de constipation, de ménopause précoce...
L’ablation de l’utérus, bien que pratiquée depuis longtemps pour soigner certaines pathologies, n’est pas un geste anodin. S’en faire greffer un non plus d’ailleurs.
Un marché freiné par la pénurie d’organes
La pénurie de dons constitue un frein considérable au marché et à la recherche en la matière.
Les femmes qui ont le choix sont peu enclines à subir une ablation qui n’est pas justifiée par un motif médical impérieux.
Dans certains cas, la donneuse est la mère de la receveuse, l’utérus étant un organe qui vieillit peu.
Les autres candidates à la greffe doivent trouver des centres où des utérus sont disponibles.
Pourtant, tandis que le recours à la GPA est de plus en plus contesté et qu’un mouvement international milite pour son interdiction à l’échelle de la planétaire, la greffe d’utérus, éventuellement associée aux techniques de fécondation in vitro, est considérée comme une alternative d’avenir pour le marché de la maternité.
Au lieu d’utiliser les utérus des femmes pour porter des bébés pour autrui, on leur retire pour les greffer à des candidates à la maternité.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.