Amazon One : le crédit social à l’occidental dans le creux de la main

Auteur(s)
Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 03 août 2024 - 17:35
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Paiement paume de la main
Crédits
DR - Amazon One
Capture d'écran du site d'Amazon One.
DR - Amazon One

Exit les smartphones et les montres connectées, Amazon a encore frappé. Aux États-Unis, les Américains qui le souhaitent peuvent désormais payer avec leur paume de main, tendant les bras à la collecte de données toujours plus personnelles, et donc, potentiellement, au crédit social. En France, certains se précipitent déjà pour le développement d’une technologie similaire.

En Occident comme partout ailleurs, les avancées technologiques redéfinissent rapidement la manière dont nous effectuons nos paiements et gérons nos données personnelles. Ces innovations, tout en offrant des commodités sans précédent, suscitent des préoccupations croissantes quant à la protection de la vie privée et à la possibilité d'une surveillance de masse, qui plane déjà au-dessus de nous comme l’épée de Damoclès.

Amazon One, le cœur sur la main

Outre Atlantique, le géant Amazon a introduit le paiement par reconnaissance de la paume de la main avec son système Amazon One. Comme c’est indiqué sur le site officiel de l’entreprise, il suffit d’enregistrer la paume de sa main sur l’application dédiée (en 3D) pour créer une sorte de signature biométrique unique, puis de l’associer à son compte Amazon avant de se rendre dans les boutiques équipées et payer en tendant simplement sa main au-dessus de la machine. Il est évidemment inutile de s’inquiéter, puisque « votre paume est constituée de plusieurs couches de caractéristiques distinctives qui en font le choix le plus sûr, le plus facile et le plus pratique ». D’ailleurs, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, c’est aussi « une part de vous que vous seuls pouvez contrôler ». Quoi de mieux, donc, que de tout ranger au creux de sa main ?

On s’est posé la question en France, et ni une ni deux, la société Ingenico s’est portée volontaire pour ouvrir la voie. Sur X (Twitter), certains internautes s’inquiètent déjà en voyant la présentation de Michel Léger (CTO d’Ingenico), filmée par Le Parisien :

On renseigne son numéro de téléphone, on indique les informations de sa carte bleue, et on pose sa paume de main contre la machine pour qu’elle y lise les lignes de votre main. Tout fier de son projet, Michel Léger se veut rassurant : « Si on prend une photo de sa main, ça ne fonctionnera pas. », notamment parce que l’image ne rend pas compte de « votre taux d’hémoglobine. » Ah ! Parce que la technologie signée Ingenico, oui. Si bien que « même si on vous coupe la main et qu’on la présente, ça ne marchera pas non plus. » Ouf !

Sans surprise, comme Amazon, l’entreprise française en fait des caisses avec la soi-disant protection des données collectées. « Complètement sécurisé et en respect de toutes les règles d’aujourd’hui concernant le traitement des données personnelles », assure Michel Léger.

Un crédit social à l’occidental ?

Toutes les réglementations ne sont pas les mêmes à travers le monde, mais cela n’empêche pas les entreprises occidentales de collecter et analyser des quantités massives de données personnelles pour améliorer les services et cibler les publicités, entre autres choses. Chaque transaction, chaque interaction en ligne, et même les mouvements physiques des utilisateurs sont scrutés et stockés. Ce flux constant de données alimente des algorithmes sophistiqués capables de prédire les comportements des consommateurs et d'influencer leurs décisions. C’est aussi le plus rapide chemin vers l’identification des gens, et donc de la surveillance de leurs faits et gestes, comme nous pouvons y goûter petit à petit avec les services numériques gouvernementaux tels que FranceConnect.

Tout un tas de possibilités qui nous rapprochent inexorablement vers le système de crédit social déjà existant en Chine, où le gouvernement utilise la surveillance de masse et les données personnelles pour évaluer le comportement des citoyens. Ce système attribue des scores basés sur la fidélité aux lois et aux normes sociales, impactant l'accès aux prêts, aux emplois et même aux voyages.

En Occident, en admettant que les motivations et les structures soient différentes, certaines dynamiques sont très similaires. Les systèmes de notation de crédit, par exemple, déjà en place depuis des décennies, sont désormais complétés par des évaluations basées sur les comportements en ligne et hors ligne : les compagnies d'assurance utilisent les données de santé collectées via les dispositifs portables pour ajuster les primes ; les banques vous veulent uniquement en bonne santé et dotés d’une certaine stabilité ; les QR codes sont utilisés pour des passes sanitaires et des passes jeux ; les employeurs peuvent scruter les réseaux sociaux pour évaluer les candidats... La frontière entre commodité technologique et intrusion dans la vie privée devient floue, pour le moins.

Capital a interrogé Cécile Vernudachi sur le sujet, avocate spécialisée en droit du numérique et des données personnelles dans le cabinet Anders Avocats. Malgré les lois en européennes qui sont en vigueur, elle met en garde : « Il est parfois compliqué d’avoir une transparence sur l’utilisation qui peut être faite de ces données par des acteurs hors de l’Union européenne. Toute collecte de ces données biométriques pose quand même la question de la surveillance de masse, ou de la constitution d’une base de données gigantesque sur la population européenne qui pourrait être utilisée à des fins diverses (espionnage, désinformation, déstabilisation…). »

Une fois de plus, nous sommes prévenus.

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