Le Digiscore, un Nutriscore du digital pourrait rendre la consommation numérique plus humaine
Les plateformes et applications numériques facilitent notre quotidien, et nous permettent de faire des choses impensables il y a peu: louer son logement en un clic pendant les vacances, acheter et vendre des objets d’occasion directement depuis son téléphone, se faire livrer des plats de centaines de restaurants presque sans avoir à chercher... Mais l’explosion des services numériques ne doit pas se faire sans réfléchir aux conditions de travail et à l'éthique des plateformes, qui s'enrichissent grâce à cette nouvelle manière de consommer. Quelles sont les conditions de travail des livreurs et chauffeurs sur lesquels repose le modèle économique de ces entreprises? Le Conseil national du numérique (CNnum) vient de publier 15 recommandations pour que les travailleurs du numérique puissent aussi disposer des bonnes conditions, associées à un "digiscore", qui pourrait ainsi valoriser les applications et plateformes les plus humaines.
Les travailleurs des applications sont invisibles
La précarité des conditions de travail au sein des plateformes numériques est de plus en plus évidente, notamment depuis la crise du Coronavirus, pendant laquelle les consommateurs en confinement dépendaient des livreurs, exposés aux risques de contamination sans bénéficier des protections nécessaires. Le travailleur des plateformes numériques est souvent victime de cette “uberisation” du travail, qui contourne parfois les règles de protection des employés. D'après une enquête menée par Eckhard Voss et Hannah Riede , 80 % des travailleurs enquêtés estiment faire face à plus de risques en termes de sécurité sociale que les autres travailleurs et seul un tiers des travailleurs sondés estime que leur rémunération est équitable. Mais ça n’est pas seulement la précarité liée aux modalités de rémunération et protection sociale qui est critiquée.
Selon la même étude, plus de 75 % des répondants indiquent avoir le sentiment d’être traités comme un « facteur de production anonyme » et non comme des êtres humains. La précarité économique n’aide évidemment pas à améliorer cette mauvaise impression.
Un digiscore, pour responsabiliser entreprises et des usagers
Sommes-nous conscients que les personnes travaillant pour nos plateformes préférées subissent durement les conséquences de l’uberisation? Que pouvons-nous faire pour profiter de l'économie numérique sans participer à l'exploitation des travailleurs au sein de ces services? Pour le CNNum, un premier pas pourrait être la prise de conscience. Les entreprises les plus “vertueuses” en matière de conditions de travail pourraient être notées favorablement avec un “Digiscore”. Chaque plateforme se verrait attribuer une note de A à E, qui pourrait orienter travailleurs et consommateurs.
Pour Maud Bailly, membre du CNNUM, la création de ce "digiscore"serait une source d'information pour les futurs travailleurs et les consommateurs. "L'important c'est que chacun, travailleur ou consommateur, dispose d'une information claire et loyale" et sache à quoi s'en tenir en frappant à la porte d'une plateforme ou en requérant ses services.
Les critères pour créer ce digiscore ont déjà été évoqués: les pratiques des entreprises en terme de salaire, de protection, de conditions de travail, et de qualité du dialogue social. Mais d’autres critères sont envisageables, comme l’intégration à l’économie locale par exemple.
Mettre les travailleurs au centre de l’application
Le fait de passer par une application rend-il les consommateurs moins conscients des implications sociales? Des étudiants de l’école Sup de Pub ont réfléchi à des façons de revaloriser la figure du travailleur notamment pour la livraison de repas à domicile. Par exemple, les clients seraient-ils plus enclins à parler et mieux traiter les livreurs si l’application nous montre sa photo du livreur? Des idées pour améliorer l’expérience utilisateur ont été proposés: connaître le prénom du livreur, des informations sur ses loisirs, etc. Le suivi de la livraison pourrait aussi être personnalisé avec des informations qui nous aideraient à avoir plus d’empathie pour le livreur, par exemple en proposant un suivi par GPS qui intègre son mode de transport, mais aussi les conditions météorologiques ou les conditions de trafic (embouteillages…)
Un Digiscore pour bientôt?
Le Digiscore est prévu pour janvier 2021. Une nouvelle structure, l’observatoire social des plateformes réunirait diverses administrations comme Pôle Emploi, l’Urssaf et l'inspection du travail, et la DGE serait en charge, avant son implémentation, d’une mission de travaux préparatoires de trois mois. Pendant cette mission préparatoire, l’observatoire cadrera la mise en place du Digiscore, en particulier les modalités d’évaluation des critères et la manière de l’afficher.
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