La RATP embarrassée par une étude sur la qualité de l'air dans le métro
DÉPÊCHE — L'air du métro parisien est-il vicié ? Une étude réalisée pour le compte de l'émission télévisée "Vert de rage" a établi une cartographie précise, mais contestée par la RATP, de la pollution aux particules fines dans le réseau souterrain, s'alarmant de niveaux bien au-delà des standards recommandés.
Pendant huit mois, des dizaines de volontaires équipés de petits boîtiers mesurant la pollution de l'air se sont promenés sur les quais et dans les rames du métro et du RER parisien.
À l'arrivée, 332 stations ont été auscultées, soit 435 quais dont 392 souterrains. Les mesures ont été réalisées en semaine, entre 18 h 00 et 20 h 00, sur une durée de 5 à 10 minutes.
L'émission "Vert de rage", de France 5, qui enquête sur les scandales environnementaux, a présenté les résultats de cette longue enquête mardi matin, en présence des scientifiques ayant encadré les travaux, mais aussi de syndicalistes de la RATP et d'élus, comme le député de Paris Julien Bayou (EELV).
"Il y a un vrai problème de qualité de l'air dans les enceintes ferroviaires souterraines (EFS). Et pour les personnels qui y travaillent, c'est encore plus catastrophique", a alerté Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche au CNRS et membre du conseil scientifique de l'association Respire, qui a dirigé l'étude.
La concentration moyenne en particules fines PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5 micromètres) atteint 24µg/m3 dans le réseau souterrain, soit près de cinq fois les 5 µg/m3 recommandés par l'OMS.
Méthode contestée
Par endroit, la valeur grimpe à près de 60 µg/m3, comme à la station Belleville, dans le nord-est de Paris. "Vert de rage" en a profité pour établir un classement des lignes les plus polluées avec, en tête, la ligne 5 (34 μg/m3), suivie de près par le RER A, ligne la plus fréquentée du réseau.
"C'est la première fois qu'on arrive à cartographier à ce niveau-là", a souligné Martin Boudot, le présentateur du programme, soulignant que la RATP n'a installé des appareils de mesure que dans deux stations : Auber et Nation.
La RATP a aussitôt remis en cause la méthode utilisée par "Vert de rage" pour mener son étude.
"Ce que je conteste, ce sont les raccourcis qu'on peut faire entre des mesures très ponctuelles et des valeurs de l'OMS qui nécessitent beaucoup de rigueur pour faire des comparaisons", a réagi Marie-Claude Dupuis, directrice stratégie, innovation et développement de la RATP, précisant que les recommandations de l'OMS valent "pour l'air ambiant extérieur".
"Les mesures que nous avons au quotidien nous donnent suffisamment d'informations pour agir", a-t-elle justifié.
Marie-Claude Dupuis a évoqué l'installation de garnitures de freinage limitant les émissions de particules fines sur dix rames du RER A en 2023 — cette pollution étant en grande partie provoquée par les frottements au moment du freinage — ou les 57 millions d'euros d'investissement pour renouveler une cinquantaine de ventilateurs destinés à évacuer ces particules.
"Asthmatiques"
Il y a un an, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), saisie par les pouvoirs publics, s'était penchée sur la question de la qualité de l'air dans les souterrains du métro.
En dépit d'une littérature scientifique très restreinte, l'Anses avait suggéré le risque "d'inflammation des voies respiratoires, en particulier chez les populations sensibles comme les asthmatiques" ou "d'effets sur la fonction cardiaque autonome".
Elle avait en revanche rejeté "le risque augmenté du cancer du poumon ou de l'infarctus du myocarde", selon Matteo Redaelli, coordinateur d'expertise à l'Anses.
L'Agence avait également proposé des valeurs indicatives de qualité de l'air dans le métro pour respecter les valeurs de référence de l'OMS.
Jusqu'à une heure par jour d'exposition, la concentration de PM2,5 ne devrait pas dépasser les 80µg/m3, selon l'Anses. Une valeur qui tombe à 50µg/m3 à partir de 2 heures d'exposition quotidienne.
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