Suicides dans les forces de l'ordre : derrière l'émotion precent les conditions de travail
Des syndicats policiers, alarmés par la brutale hausse du nombre de suicides dans les rangs des forces de l'ordre, réclament au ministère de l'Intérieur de nouvelles mesures, notamment sur les conditions de travail, dans l'espoir d'enrayer cette tragique augmentation.
Les suicides de sept policiers et de deux gendarmes au cours de la semaine noire qui vient de s'écouler ont poussé le gouvernement à promettre une réunion sur ce délicat sujet entre le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et les organisations représentatives des forces de l'ordre. Depuis le début 2017, quelque 46 policiers et 16 gendarmes ont mis fin à leurs jours.
L'objectif selon le Premier ministre Edouard Philippe qui a déclaré, lundi sur France Inter, prendre "personnellement très au sérieux ces chiffres et, au-delà", "les réalités individuelles qu'elles représentent", est de "faire le point sur les procédures qui existent, afin de déceler ceux qui, dans une situation de fragilité particulière, pourraient, le cas échéant, décrocher, voire passer à l'acte".
M. Philippe fait référence aux 23 mesures (recrutement de psychologues, redynamisation des cellules de veille, nouveaux cycles de travail...) adoptées en janvier 2015 par Bernard Cazeneuve après un pic de suicides enregistrés parmi les forces de l'ordre en 2014.
55 policiers (contre 43 en moyenne au cours des 10 dernières années) et une trentaine de gendarmes s'étaient donné la mort suscitant une vague d'émotion. Ces chiffres avaient décru en 2015 et 2016: deux années marquées par une intense activité opérationnelle en raison de la menace terroriste. "Quand on sait pourquoi on fait ce travail, on se pose moins de questions", commente une commissaire. "Mais il y a chez les policiers qui sont confrontés à ce qu'il y a de plus dur dans la société, un stock de compréhension, de compassion qui lorsqu'il déborde, finit par vous détruire."
- "Léthargie" -
Le policier "s'occupe d'abord des autres avant de s'occuper de lui-même", résume le directeur général de la Police nationale (DGPN), Eric Morvan.
Le N.1 de la Police nationale sait le sujet "extrêmement douloureux et très compliqué": "le facteur déclenchant des suicides est presque toujours d'ordre privé" mais "des éléments de fragilité sont imputables à la vie professionnelle", a-t-il déclaré sur BFMTV lundi.
Dans les rangs policiers, la perspective d'une nouvelle réunion entre le ministre et les représentants des personnels a été poliment accueillie mais jugée globalement "insuffisante".
"Le chiffre de 2016 a été dépassé depuis fin septembre 2017, le ministère de l'Intérieur, refusant d'ouvrir les yeux, malgré de multiples alertes, réchauffe des mesures déjà en place depuis 2014", déplore l'Unsa-Police.
"Cette vague de suicides est extrêmement préoccupante", s'inquiète le secrétaire général d'Alliance, Jean-Claude Delage. "Si le ministre veut être efficace, il faut dynamiser l'administration sur ce sujet car nous avons senti une léthargie sur cette question-là depuis plusieurs mois. Comme si avec un nombre de suicides en baisse, il n'était plus besoin de s'occuper de ce sujet."
"On pourra avoir un 'psy' derrière chaque flic que cela ne changera rien. Il faut réorganiser cette police pour concilier vie professionnelle et vie familiale", avance Yves Lefebvre, secrétaire général d'Unité SGP-FO.
Dans la ligne de mire du syndicaliste: l'organisation des cycles de travail et la mise en place "partout où il est réalisable" du "vendredi fort", une nouvelle organisation controversée du temps de travail, réputée très gourmande en effectifs mais qui permettrait aux milliers de fonctionnaires qui travaillent selon le principe de la vacation, de bénéficier d'un weekend sur deux en famille contre un sur six précédemment.
Interrogé sur BFMTV, M. Morvan a promis en 2018 "une évaluation de l'ensemble des cycles horaires" par l'inspection générale de la police nationale (IGPN) en promettant d'en tirer "les conséquences".
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