Carambar : caramel dur et petites blagues
Qu’est-ce qui a 60 ans et qui colle aux dents? Un Carambar. Et, non, ce n’est pas une blague: le plus célèbre bonbon de France, né en 1954 à Marcq-en-Barœul (Nord), n’a pas pris une ride. Madeleine de Proust de deux générations déjà, son goût aussi bien que son marketing en font un produit à part.
C’est donc en 1954 que naît la fameuse friandise, dans l’usine du chocolatier Delespaul-Havez. A la recherche d’un nouveau produit, Georges Fauchille (directeur commercial) et Augustin Gallois (chef de production) ont l’idée d’un bonbon à mâcher à base de cacao et de caramel.
La légende de l’entreprise veut que la friandise soit issue d’une maladresse. Une machine mal réglée aurait engendré ce caramel cacaoté en forme de barre de 6,3 centimètres pour 5,5 grammes. Une histoire étrangement proche de celle des bêtises de Cambrai…
Ce caramel en barre, ses créateurs l’appellent simplement "Caram’bar". Ce nom facile à mémoriser et à prononcer pour les enfants sera leur premier coup marketing. Le second sera de créer un packaging unique, un emballage en papillote impossible à confondre avec un autre, avec ses couleurs jaunes, fuchsias et rouges (pratiquement) inchangées depuis. Enfin, le prix de lancement dérisoire, 5 centimes de franc (nouveau) l’unité, le rend accessible à tous.
Avec de tels arguments, dire que le succès du Caram’bar fut immédiat est un euphémisme. Il n’aurait fallu qu’un après-midi aux représentants de la marque pour écouler leur stock chez les détaillants. Le tout sans avoir recours à la publicité. Les enfants ne seront pas moins gourmands.
Et les blagues dans tout ça? Leur apparition est plus tardive, mais très tôt les emballages Caram’bar seront précieusement conservés par les écoliers. En 1955 sont créés les points Caram’bar. Collectionnés par les enfants, ils s’échangent alors contre des lots.
Six ans après l’invention du Carambar, 300 millions d’unités ont été vendues. En 1966, Delespaul-Havez intègre le groupe La Pie qui chante. C’est sous cette nouvelle bannière que le Caram’bar connaîtra ses premières évolutions. A partir de 1969, les blagues, à l’origine écrites par des écoliers, débarquent sur les emballages. Elles deviendront le principal atout de la promotion du bonbon.
Autre changement, le Caram’bar double presque de taille en 1972, passant à 10 centimètres pour 12 grammes. Le prix lui, double vraiment (10 centimes). Pour l’occasion il devient le "Super Caram’bar". Cinq ans plus tard, il perd son apostrophe, se transformant en "Super Carambar".
Son nom définitif de "Carambar", il l’obtient en 1982. La taille et le poids varieront jusqu’en 1990 et ses 8 centimètres pour autant de grammes. Au regard de ce nouveau poids et de l’inflation, le prix du Carambar (15 centimes d’euros aujourd’hui) n’a pratiquement pas changé en six décennies.
Tout en conservant son aspect et son prix d’origine, le Carambar se décline désormais selon tous les parfums et tous les styles. Carambar aux fruits en 1973, à la réglisse en 1977 (ce fut un échec commercial), au cola en 1984… Les années 1990 et 2000 ont vu des innovations encore plus poussées. Carambars bi-goûts, élastiques, "atomiques", carrés; promus par Elie Semoun ou le héros de BD Titeuf…
Un milliard de Carambars par an
Ancré dans l’imaginaire des Français, le Carambar est une valeur sûre qui attise les convoitises des grands groupes alimentaires. Le groupe La Pie qui chante sera racheté par Danone en 1980, ses confiseries seront ensuite cédées au géant britannique Cadbury en 1998. Ce dernier sera avalé par l’américain Kraft Foods 12 ans plus tard. Aujourd’hui, la marque Carambar appartient à Mondelez international, créée après scission de Kraft Foods.
Malgré ces tribulations internationales, la production de Carambar n’a jamais quitté sa ville natale de Marcq-en-Barœul (entre Lille et Roubaix) et fait travailler près de 200 personnes qui produisent environ un milliard de carambars par an. Mis bout à bout, cela représente deux fois la longueur de l’équateur…
Les salariés de cette usine ont d’ailleurs été parmi les premiers à se mobiliser lors de l’énorme coup médiatique de la marque au printemps 2013. Le 21 mars de cette année, Carambar envoie à l’ensemble des médias un communiqué de presse annonçant la fin de ses blagues: elles doivent être remplacées par des quizz éducatifs. L’opération, baptisée "Carambar, c’est du sérieux", déclenche un tollé chez les consommateurs. Les pétitions fleurissent sur les réseaux sociaux, les journaux et les JT reprennent l’affaire.
Mais le 25 mars, sous le hashtag "C’était une blague", la marque révèle qu’il s’agit d’un canular, visiblement destiné à dépoussiérer l’image du produit. Censé être un poisson d’avril, ce coup médiatique a été éventé plus tôt que prévu face à la levée de boucliers des Français, témoignant de la place du bonbon et de ses petites blagues dans leur cœur.
Plus récemment, une autre blague carambar a créé la polémique, bien malgré la volonté de la marque. Une ancienne devinette, "Quel légume va très vite et rigole dans les virages? Le Chou marreur", a dû être retirée après l’accident de ski qui a plongé Michael Schumacher dans le coma. Un mauvais timing qu’on pardonnera, tant les blagues carambars ont égayé nos journées.
Connue pour ses nombreux coups marketing, la marque a également lancé en mars 2015 "La blague à un franc", une opération caritative au profit de l’association Le Rire Médecin, la première en son genre. L’objectif: échanger les francs qui traînent dans les tiroirs des Français contre des Carambar pour ensuite reverser les bénéfices à l’association.
Cet été, pour remédier à l'érosion de ses ventes, Carambar s'est lancé sur le marché du "bonbon qui pique", en pleine expansion puisqu'il enregistre une progression de 10 à 15% par an. Ces "Very Bad Kids" acidulés et aux couleurs flashy auront la lourde mission de s'attaquer à l'Allemand Haribo, numéro un du bonbon en France, et déjà présent sur ce segment depuis six ans.
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