Ménages et entreprises plus pessimistes sur la reprise économique en France
La sinistrose est-elle en train de rattraper l'économie française? "Il y a un petit vent de pessimisme", même si "les chiffres ne sont pas tous négatifs", souligne Vladimir Passeron, responsable du département de la conjoncture de l'Insee.
Selon les résultats publiés mercredi par l'Institut, le "moral des ménages" s'est ainsi replié de deux points pour atteindre 95 points, s'écartant un peu plus de sa moyenne de long terme (100 points). En cause: des craintes accrues sur le front de l'emploi -qui s'étaient pourtant dissipées au mois de janvier- et une dégradation de l'opinion sur les perspectives d'évolution du niveau de vie.
Les ménages interrogés par l'Insee sont ainsi beaucoup moins nombreux qu'en janvier à envisager de réaliser des achats importants, ce qui pourrait peser sur la consommation, moteur important de la croissance française, au cours de prochains mois.
"En janvier, ce chiffre avait fortement augmenté. C'est plutôt cette hausse qui était atypique", souligne Vladimir Passeron, pour qui ce retour en arrière traduit des "craintes assez générales sur l'économie" plus que des "inquiétudes personnelles".
Les consommateurs, au demeurant, ne sont pas les seuls à se laisser gagner par le doute. Les patrons eux aussi sont soucieux, selon d'autres résultats publiés mardi par l'institut statistique. Le "climat des affaires", calculé à partir des réponses des chefs d'entreprise, a ainsi reculé de deux points en février, notamment dans le secteur des services, le commerce de détail et le bâtiment. Et selon l'indice flash composite, dévoilé en début de semaine par le cabinet Markit, l'activité du secteur privé s'est légèrement contractée, après douze mois consécutifs de croissance.
A l'origine de ces multiples signaux négatifs: les craintes au niveau de l'économie mondiale, notamment pour l'économie chinoise et les pays émergents, qui finissent par peser sur les perspectives économiques pour les entreprises françaises.
"L'environnement macroéconomique est très incertain", estime Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui liste notamment la "crise des migrants", la possibilité du "Brexit" (une sortie britannique de l'UE) et la "volatilité des marchés".
"L'environnement mondial ne prête pas à l'enthousiasme, quelle que soit la région vers laquelle on se tourne", abonde Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis, qui rappelle que "l'Allemagne et l'Italie ralentissent également".
Ces dernières semaines, la plupart des grandes institutions internationales ont revu à la baisse leur prévisions économiques, pour la croissance mondiale comme pour la croissance française. Cette dernière, d'après l'OCDE, ne devrait pas dépasser 1,2%. Pour la Commission européenne et pour le FMI, elle plafonnerait à 1,3%. Le gouvernement, lui, reste plus optimiste, avec une prévision à 1,5%.
Cet objectif officiel est-il tenable? "On n'y arrivera pas", tranche Philippe Waechter. "Il faudrait 0,45% de croissance par trimestre et clairement, on n'est pas sur cette voie", estime l'économiste, qui évoque un chiffre probable de "0 ou 0,2%" au premier trimestre.
Pour Vladimir Passeron, les derniers indicateurs ne sont toutefois "pas incompatibles" avec le scénario élaboré par l'Insee, qui table pour l'instant sur 0,4% de croissance au premier comme au deuxième trimestre.
L'inflexion du moral des industriels et du moral des ménages est en effet légère. Et le niveau du climat des affaires reste sur sa moyenne de long terme, à un niveau supérieur à celui de l'an dernier.
"La croissance sera sans doute inférieure à ce qu'on pouvait espérer", mais "il ne faut pas se tromper", conclut Xavier Ragot: "on reste dans une situation de sortie de crise, même si cette reprise reste lente et poussive".
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