Paquet à dix euros : les buralistes d'Andorre se frottent les mains
"C'est bon pour nous. C'est évident": en Andorre, les commerçants se frottent les mains à la perspective d'un paquet à dix euros en France, soit cinq fois environ le prix dans la principauté pyrénéenne.
Sous un soleil de plomb, les voitures et campings-cars se suivent en file indienne sur la nationale 20 qui monte à la frontière franco-andorrane. "Notre maximum est de 5.800 véhicules par jour", explique Frédédic Cattoen, chef divisionnaire au poste de douane de Porta (Pyrénées-Orientales).
Dans la file, un vieux break aux pare-chocs rapiécés est prié de se ranger sur le bas-côté. Le coffre ouvert laisse apparaître quelques cartouches de cigarettes scellées avec la demi-bouteille de Ricard traditionnellement offerte avec le lot, et quelques litres d'autres alcools.
"C'est du trafic de fourmi", explique un douanier. "Ils n'ont qu'une ou deux cartouches de plus que la limite (une cartouche et demie) mais ils font l'aller-retour parfois tous les jours depuis Toulouse pour les revendre".
"Non, je ne revends pas", assure le conducteur au fort accent d'Europe de l'Est.
"Quand vous savez qu'une cartouche de Marlboro vaut 70 euros en France et 35 en Andorre, vous comprenez pourquoi ils font les cinq heures de trajet aller-retour", explique Frédéric Cattoen. "Alors si le paquet passe à dix euros en France..."
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé début juillet qu'elle souhaitait porter le prix du paquet de cigarettes à 10 euros d'ici trois ans. Dix euros, ce serait cinq fois environ le prix du paquet le moins cher en Andorre (1,79 euro).
"C'est certain, on ne va pas s'arrêter de venir acheter nos cigarettes ici. Et ils vont être encore plus nombreux", résume Olivier, 65 ans. Le retraité à la voix rauque de fumeur vient tous les mois du Tarn-et-Garonne, à environ trois heures de route, pour "faire le plein", dit-il entre les rayons du supermarché "EuroMercat", au Pas-de-la-Case.
Situé à cinq minutes de la frontière française, le village andorran a des allures d'immense supermarché à ciel ouvert. "Promo tabac", "prix choc", "50% gratis"... promettent d'alléchantes affiches sur les kms de vitrines surchargées de cartouches et bouteilles d'alcools.
- 'Je n'achète jamais en France' -
"Les visiteurs sont à 90% Français", indique Jean-Jacques Carrié, président de l'Union des commerçants du Pas-de-la-Case (250 adhérents environ).
"Ils viennent ici pour la journée faire leurs achats, en priorité du tabac et de l'alcool", résume-t-il. "Avec le paquet à dix euros, il y en aura encore plus".
"C'est facile", résume Valérie, 46 ans. "Nous sommes quatre dans la famille à fumer: nous économisons 270 euros par mois, rien qu'en cigarettes". Tous les mois, elle fait les 2h30 qui la sépare de chez elle, à Carcassonne, pour aller acheter ses "clopes" à moitié prix. "Je n'achète jamais en France".
"Tous les ans, huit millions de touristes vont en Andorre. Ils ne viennent pas pour visiter, ce sont des acheteurs", enrage Gérard Vidal, président des Buralistes frontaliers de France.
"850 tonnes de tabac sont importés tous les ans en Andorre. Or les habitants n'en consomment que 120 tonnes: tout le reste, c'est pour les étrangers", insiste-t-il.
Dans la région Occitanie, 33% environ des cigarettes sont achetées à l'étranger, soit le plus fort taux de l'Hexagone, devant les Hauts-de-France (32%) et le Grand Est (31%), selon une étude de juillet 2017 du cabinet d'audit KPMG.
Dans ce montant, les achats légaux, dans la limite de la franchise douanière, représentent quasiment autant que la contrebande: 480 millions de cigarettes ont été légalement achetées en Andorre et fumées en France en 2016, selon KPMG.
Un paquet à dix euros ne devrait pas enrayer ce phénomène. "C'est bon pour nous, c'est évident", juge Sergi Fauste, gérant du magasin "Taxe Free". Mais il ne faut pas se faire trop d'espoir, avertit-il: "les commerçants andorrans vont en profiter pour augmenter leurs prix, comme ces dernières années, quand le paquet a gagné un euro environ".
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