Prélèvement à la source : le taux neutre, symbole des effets pervers de la réforme

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 18 juillet 2018 - 14:36
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Le gouvernement lance la campagne de déclaration 2018 de l'impôt sur le revenu, qui servira à enclencher la réforme du prélèvement à la source, censée entrer en vigueur au 1er janvier 2019
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© Philippe HUGUEN / AFP/Archives
Le taux neutre du prélèvement à la source est un échec populaire.
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Le taux neutre du prélèvement à la source a peu de succès malgré les craintes des contribuables sur la confidentialité de leur situation fiscale. L'échec du taux neutre est le signe d'une mesure qui derrière l'apparence de la simplicité révèle des effets pervers. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte pour "France-Soir"ce qui se cache derrière ce manque d'engouement.

Il nous avait été promis par le trio Hollande–Sapin–Eckert que tout serait simple et indolore dans le prélèvement à la source. Finalement, et à ce stade de la situation, on s'aperçoit que la complexité va se fiancer avec les surcoûts. Tout d'abord, les entreprises devenues collecteurs d'impôts vont devoir assumer une charge comptable évaluée à plus de 400 millions d'euros. Une paille à l'heure de la recherche absolue de compétitivité! Mais il y a mieux, on apprend que les éventuelles erreurs des entreprises seront susceptibles de poursuites pénales particulièrement marquées. Quant à la confidentialité des données des contribuables salariés, on demeure dans un certain flou particulièrement lorsque l'employeur a pour usage d'externaliser la paye à un sous-traitant lambda.

J'étais chaudement partisan d'une intensification de la mensualisation et saluais le bon taux de recouvrement (supérieur à 92%) de l'impôt sur le revenu. Entre les entreprises qui subissent une cessation des paiements (et ne reverseront donc pas toujours les montants collectés à l'image des fonds de retraite du magnat britannique Maxwell) et les fraudes similaires à celles que doivent endurer les URSSAF, je demeure hostile au prélèvement à la source.

Le cas des indépendants est instructif: il y aura la retenue mensuelle mais aussi une déclaration annuelle récapitulative en fin de parcours avec incorporation des RICI (réductions d'impôt et crédits d'impôt). L'idée d'une simplification vendue par l'ancien pouvoir n'était donc que mystification et duperie car le trio précité savait pertinemment que leurs paroles n'étaient que mots en l'air et masque-maux.

Pour l'année fiscale portant sur les revenus de 2017, 23 millions de foyers ont recouru à une télé-déclaration ce qui représente une avancée de 12,6% en comparaison avec l'année précédente. Rappelons que la déclaration en ligne sera obligatoire pour tous les contribuables de l'IR à partir de 2019 ce qui pose la question des possibilités d'accès à internet: personnes âgées, populations fragiles, etc.

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A la fin de la déclaration de leurs revenus 2017, les assujettis ont pu prendre connaissance de leur taux personnalisé de prélèvement à la source. Seuls 7,6% ont opté pour le taux individuel au sein de leur couple ce qui signifie, par voie corollaire, que la très grandes majorité des Français concernés ont opté pour le taux personnalisé par foyer. A ce stade, il convient de relever une contradiction. Alors que plusieurs sondages confirment les craintes des contribuables quant au secret fiscal post prélèvement à la source vis-à-vis de leurs employeurs, ils ne sont toutefois que 1,3% à avoir opté pour le taux neutre. C’est-à-dire celui qui correspond à une évaluation forfaitaire découlant de l'imposition d'un célibataire sans enfant.

Avec pertinence, les contribuables ont détecté que le taux neutre s'apparente à un choix bancal dans la mesure où il peut recouvrir une avance de trésorerie au profit des Finances publiques. A Bercy, on a surnommé la population des contribuables dotés de confortables revenus non professionnels (fonciers, notamment) de "caissière-rentière" et on tablait sur une population de 10% soit près de 8 fois plus que la réalité de l'image finale. Rappelons que, là encore, ces adeptes du taux neutre devront remplir une déclaration récapitulative en fin d'année et prévoir la trésorerie pour régler le reliquat qui pourra fort bien être significatif pour ne pas dire imposant. Compte-tenu de sa complexité additionnelle, le taux neutre n'est pas un chemin de simplicité.

Décidément, ce prélèvement à la source fait penser au quinquennat: une réforme que tout le monde (ou presque…) avait applaudi et qui, en fait, a déséquilibré les Institutions et particulièrement le périmètre réel d'attributions du Premier ministre. François Hollande verra lui-même –compte-tenu de ses retraites multiples (Cour des comptes, Présidence de la République, etc)– à quel point il a instauré un mécanisme digne d'une savante horlogerie bien davantage que d'un parcours fluide et performant.

A ce stade, une seule question est intéressante à poser au ministre Darmanin: en régime de croisière, combien de contribuables devront encore faire une déclaration dite récapitulative?

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