Salaire des patrons : un premier "garde-fou" dans la loi Sapin II

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 06 juin 2016 - 12:00
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Carlos Ghosn
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La rémunération du patron de Renault, Carlos Ghosn, pour 2015 en a choqué plus d'un.
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Suite au scandale déclenché par la rémunération du patron de Renault Carlos Ghosn, pour laquelle le conseil d'administration était passé outre le vote consultatif des actionnaires, les députés socialistes ont posé dans le projet de loi Sapin II un "premier garde-fou". Ce dernier instaure le principe d'un vote contraignant des actionnaires.

Encadrer enfin les rémunérations des hauts dirigeants? Les députés socialistes ont saisi le cas du patron de Renault Carlos Ghosn pour poser dans le projet de loi Sapin II "un premier garde-fou", avec le principe d'un vote contraignant des actionnaires. Volontariste durant sa campagne en 2012 sur la question des hauts salaires, François Hollande avait, pour le secteur privé, opté, une fois à l'Elysée, pour l'auto-régulation, malgré l'insistance notamment d'un de ses ministres d'alors, Arnaud Montebourg, favorable à une loi d'encadrement, à la différence du ministre de l'Economie de l'époque, Pierre Moscovici.

Après les récentes polémiques et à l'approche de la présidentielle, le président de la République a menacé il y a trois semaines de légiférer au nom de "l'exigence morale" d'une limitation de ces émoluments. "Malgré les déclarations d’intention et les guides déontologiques du Medef notamment, rien n’avance dans ce domaine" des rémunérations, voire "on a le sentiment d’assister à un recul", justifie la porte-parole des députés PS sur ce texte, Sandrine Mazetier.

Suivant les exemples anglo-saxons, le code des organisations patronales Afep-Medef prévoit depuis 2013 le principe du "say on pay", c'est-à-dire un vote consultatif de l'assemblée générale des actionnaires. Mais il a montré ses limites avec les cas de plusieurs patrons. Début mai, le conseil d'administration du groupe Renault est ainsi passé outre le vote consultatif des actionnaires - dont l'Etat, à hauteur de 20% - qui s'étaient prononcés à 54,12% contre la rémunération de 7,251 millions d'euros à Carlos Ghosn pour 2015. Un tel vote négatif est cependant rare.

Comme au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas, et comme envisagé par une directive européenne à l'horizon 2018, il s'agit donc de rendre "souveraine" la décision de l'assemblée générale des actionnaires. Mais pas d'encadrer stricto sensu les rémunérations dans la loi. Ainsi, l'AG se prononcera sur les rémunérations et avantages consentis au président, directeurs généraux et DG délégués, vote qui sera contraignant pour le conseil d'administration, en vertu d'un article ajouté fin mai dans le projet de loi "Sapin II" par le rapporteur Sébastien Denaja. Ce dispositif, qui sera débattu dans l'hémicycle cette semaine, pourrait entrer en vigueur à l'automne. Sur tous les bancs de l'Assemblée, les excès en matière de rémunérations sont condamnés.

Mais, à l'unisson du Medef qui redoute une moindre "attractivité" de la France et a plutôt proposé de réformer son code, la droite s'oppose au dispositif prévu et évoque la menace d'une délocalisation de sièges sociaux. Des élus se plaisent à citer l'actuel ministre de l'Economie Emmanuel Macron, pour lequel la loi n'est "pas la bonne méthode". A gauche, où la mesure est applaudie, certains souhaiteraient plus, notamment les députés Front de Gauche, qui ont échoué le 26 mai à faire encadrer les écarts de rémunération dans une même entreprise, de 1 à 20. Le gouvernement a opposé un risque d'inconstitutionnalité au nom de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle.

En parallèle, des personnalités de gauche, dont le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis et le président de l'Assemblée Claude Bartolone, mais aussi des intellectuels et des syndicalistes, tels les numéros un de la CGT et de la CFDT, ont lancé un "appel des 40 au CAC 40", afin qu'"un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic". Egalement signataire, la députée socialiste Karine Berger propose d'insérer, dans le projet de loi, que "seule une délibération spéciale" des actionnaires, à la majorité des deux tiers, pourra autoriser le dépassement de la rémunération fixe par la rémunération variable, avec un plafond indépassable de deux fois le fixe. Un amendement cosigné par 75 membres de son groupe. Le rapporteur, Sébastien Denaja, suggère, lui, un droit de regard ex post des actionnaires sur la part variable. Quant à Michel Sapin, il a promis davantage de "transparence" et souhaité compléter l'article 54 bis du texte pour que les entreprises aient l'obligation de publier les écarts de rémunération.

 

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