Whirlpool : face à la délocalisation d'un site rentable, l’impuissance juridique de Macron ou Le Pen
La fermeture programmée de l'usine Whirlpool d'Amiens emplit d'inquiétudes les personnels et les sous-traitants. En pleine campagne électorale, les deux finalistes ont pris cette fermeture comme prétexte pour étaler leurs convictions en matière de politique industrielle. Marine Le Pen a déjà crié au scandale de l'économie-casino et indiqué qu'elle introduirait dans notre droit des mesures visant à pénaliser les délocalisations. Sans préciser que lesdites mesures ne manqueraient pas de poser problème au regard de ce qui peut effectivement être décidé par l'Etat.
Car, cette usine d'Amiens est bel et bien rentable (quote-part de frais de siège inclus…) ce qui n'en fait nullement un "canard boiteux" admissible aux thérapies de choc du Comité interministériel de restructuration industrielle. Ici, la question n'est pas issue d'un problème de carnets de commandes ou de trésorerie déficiente. Cette usine est performante! Et la situation n'est pas une anecdote contrairement aux propos assez stupéfiants de Jacques Attali.
On se souvient de la phrase glaciale de Lionel Jospin –lors de la campagne de 2002– prononcée devant l'usine des biscuits LU d'Evry: "L'Etat ne peut pas tout". Effectivement, face à une délocalisation vers un pays intracommunautaire –en l'occurrence la Pologne– pour des motifs de recherche de marges améliorées, il n'y a pas de parade juridique en l'état du droit constant. Echaudée par le fiasco de Florange, la gauche a tenté de faire voter une loi contre les "licenciements boursiers" pour prendre un terme fréquemment utilisé par Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, dans le cas de Whirlpool, devrait s'appliquer l'obligation de proposer un repreneur.
C'est précisément la position qu'Emmanuel Macron a voulu défendre lors de son déplacement sur le site. Concrètement, il a balayé les accusations de madame Le Pen proférées mardi soir sur TF1: "M. Macron va mener une guerre sociale éclair dès son élection par ordonnances". Puis, s'agissant d'Amiens, il a déclaré devant les salariés qu'"il n'y avait pas de recettes miracles" et qu'il "reviendrai(t) pour rendre des comptes". Il a ensuite déclaré lors de son meeting d'Arras que "le protectionnisme, c'est la guerre". Ses propos ne sont pas sans intérêt ni portée mais il convient de mesurer que les salariés de Whirlpool ont un vrai sentiment d'injustice car ils participent –et élaborent collectivement– une production rentable.
Leur proposer un repreneur qui n'aura pas les débouchés que facilitent la notoriété de la marque Whirlpool est assez illusoire pour ne pas dire trompeur. On se souvient de la lutte sociale des salariés de Fralib autour de la marque de thés Eléphant détenue par Unilever qui a réussi à reprendre l'activité mais a dû passer par une Scop faute de repreneur. En matière d'électroménager, l'actif incorporel que constitue la marque est essentiel dans l'acte d'achat. Quant aux autres projets qui envisagent des reconversions de sites, outre qu'ils auraient un coût public très significatif, ils seraient finalement une vraie insulte au savoir-faire des opérateurs et des opératrices du site d'Amiens. Qui d'entre nous, spécialisé dans l'assemblage de sèche-linge, accepterait de se retrouver à construire des outils pour la jardinerie du coin? Fondamentalement, ce dossier montre que le droit de propriété (ici d'actifs industriels) est sacré et intangible puisque constitutionnel.
La question qui mérite aussi d'être posée est celle de l'Europe. A l'heure où celle-ci continue de déverser des fonds structurels à l'industrialisation pour des anciens pays de l'Est (dont la Pologne jusqu'en 2020), il y a clairement une compétition déloyale qui vient heurter la vie et le devenir de près de 300 personnes à Amiens.
Est-ce logique? Non.
Et après, les europhiles (parmi lesquels je me classe) viendront s'étonner du poids du vote protestataire…
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