Les éleveurs au "bord du gouffre" dans le Tarn-et-Garonne

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Par Chantal VALERY - Caussade (France) (AFP)
Publié le 07 février 2018 - 17:54
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Des agriculteurs manifestent le 7 février 2018 à Caussade, près de Toulouse, pour protester contre l'exclusion de centaines de communes du classement en zones défavorisées
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© PASCAL PAVANI / AFP
Des agriculteurs manifestent le 7 février 2018 à Caussade, près de Toulouse, pour protester contre l'exclusion de centaines de communes du classement en zones défavorisées
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"On est au bord du gouffre": pour sauver son petit élevage de veaux "broutards" à Montfermier, Aurélien Laffargue, juché sur son tracteur, manifeste nuit et jour sur la ZAD, la "Zone des agriculteurs en difficulté", épicentre de la grogne paysanne dans le Tarn-et-Garonne.

"Cette nuit, une mère a écrasé son petit", explique l'éleveur de 36 ans à l'arrivée de l’équarrisseur. "C'est un coût et un coup" pour le jeune élevage "100% bio" de 25 vaches nourricières, déplore l'ancien technicien de la chambre d'agriculture, qui a repris une partie de l'exploitation familiale il y a deux ans.

Ce mercredi glacial, journée décrétée "département mort" par les agriculteurs du Tarn-et-Garonne, Aurélien Laffargue, à bord de son tracteur, fait tomber le fourrage de sa dérouleuse-pailleuse pendant qu'à la fourche, son père rapproche le foin des têtes blondes d'Aquitaine.

Avec l'exploitation parentale, ce sont 85 mères et 40 veaux au total qu'il faut nourrir tous les matins. "Ici on nourrit les bêtes toute l'année, été comme hiver", explique le jeune éleveur.

Car sur les 30 hectares qu'il exploite tout seul, "tout est destiné aux animaux". Impossible de faire pousser autre chose que "de l'herbe au milieu des cailloux" à cause de la sécheresse qui sévit sur les coteaux à perte de vue. "On a des bêtes qui nous coûtent très cher, beaucoup plus cher qu'ailleurs".

Alors dans le secteur, "on ne comprend pas pourquoi on nous sort des zones défavorisées où on a toujours été", proteste Christian Couderc, un éleveur de Touffailles. "Sur nos cailloux, on ne fait pas de céréales, c'est pas rentable, il vaut mieux avoir une vache à l'hectare, c'est plus logique et ça entretient l'environnement".

- 'notre arrêt de mort' -

Le gouvernement et l'Europe "sont en train de signer notre arrêt de mort", fustige Christian Couderc, qui élève également des "broutards", ces jeunes veaux nourris au lait de leurs mères pour être vendus avant d'être engraissés.

A Montfermier, Aurélien Laffargue aussi "base tous (ses) investissements sur les aides de la PAC" (Politique agricole commune) et sur l'Indemnité compensatoire du handicap naturel (ICHN), celle-là même dont 80% des éleveurs du Tarn-et-Garonne seront privés avec la révision de la carte européenne des zones défavorisées.

"Ca va faire disparaître l'élevage", renchérit son père retraité, Alain Laffargue. "J'ai investi toute ma carrière, il y a eu des hauts et des bas mais cette aide est indispensable, elle existe depuis 40 ans", ajoute le sexagénaire, c'est comme si on enlevait entre 500 et 1.000 euros par mois à un salarié.

"Si on n'a plus l'ICHN, on ne pourra plus continuer", prévient Aurélien, qui perdra 5.000 euros, soit plus de la moitié des aides qu'il reçoit. "C'est énorme, aujourd'hui ça va remettre en cause mon installation. Si on supprime cette aide, dit-il, on arrêtera d'investir, et c'est toute une économie qui dépend de l'agriculture qui sera impactée".

Alors nuit et jour, depuis le 29 janvier, le jeune trentenaire participe à la mobilisation des agriculteurs du Tarn-et-Garonne pour obtenir du ministre de l'Agriculture Stéphane Travert qu'il revoit sa copie. Il manifeste tantôt sur la ZAD créée à Montauban, tantôt sur les routes du département.

Sur un rond-point de Caussade, où il a rejoint mercredi une trentaine de manifestants, Aurélien est venu défendre son "métier et tous les métiers qui gravitent autour".

"On demande d'autres critères" pour établir les zones défavorisées, "le Tarn-et-Garonne est le département le plus touché en France, estime-t-il, on est au bord du gouffre, on se sent abandonnés".

"Dans nos campagnes, qui n'a pas son frère, son cousin, son beau-frère, quelqu'un qui n'est pas dans le milieu agricole, directement ou indirectement?", s'interroge Céline Cuquel, femme d'agriculteur, qui ne veut surtout pas que ses enfants réclament de reprendre la ferme.

Les agriculteurs, "ce sont des malaimés", regrette Nathalie Jolly, belle-mère d'un éleveur, "en France, on les assassine avec tant de normes, ils travaillent comme des forçats pour des salaires de misère".

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