Les enfants agresseurs sexuels, le tabou. Debriefing avec Souad Amidou, fondatrice de l’association "La Tanière"

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Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 03 juin 2023 - 15:30
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Souad_Amidou
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LB - France-Soir
Souad Amidou est la co-fondatrice de l’association "La Tanière".
LB - France-Soir
  • (!) Avertissement : cette vidéo contient des propos qui peuvent choquer et doit être réservée à une audience adulte. 

DEBRIEFING - Ça demeure un tabou dont on ne veut pas entendre parler : les violences sexuelles faites aux enfants par d’autres enfants. Pourtant, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) estime que sur les 160000 mineurs victimes de violences sexuelles par an, 25% le sont par d’autres enfants. 

Alors Souad Amidou et une dizaine de bénévoles ont fondé l’association "La Tanière", qui a vocation à aider les familles en prise avec ces drames, et notamment les enfants, victimes comme agresseurs. Car un jeune enfant ne devient pas agresseur sexuel sans avoir été lui-même victime d’une forme de maltraitance. 


Quand, à l’âge de quatre ans, une des filles de Souad a révélé qu’elle était agressée sexuellement par le fils, âgé de 8 ans, de la nouvelle compagne de son père, la maman a cru que le ciel lui tombait sur la tête. 

Et quand elle a cherché de l’aide auprès des institutions, ces dernières se sont retournées contre elle avec une extrême violence. Souad a perdu la garde de ses deux filles. Ce que la justice ne sait pas traiter, elle préfère l’ignorer et mettre la poussière "sous le tapis".  

"Il ne faut surtout pas en parler", dénonce Souad. D’après elle, ce sont des milliers de parents protecteurs qui sont "broyés par la machine judiciaire". 

Parents "désenfantés"

Plutôt que d’aider les familles, on les détruit. On va au plus simple en inversant la culpabilité : ce sont les parents protecteurs qui se retrouvent accusés d’être dysfonctionnels. On les réduit au silence en leur retirant leurs enfants. Un nouvel adjectif a d’ailleurs été inventé : les parents "désenfantés". 

Pourtant, les chiffres donnent le vertige. L’âge moyen du premier accès à la pornographie est de 8 ans et 4 mois. L’âge moyen où des enfants se mettent, pour la première fois, en scène dans un film pornographique est de 11 ans. Ils organisent des "skins parties" (des orgies) et se filment.  

Seulement voilà, en dessous de 13 ans, un jeune n’est pas pénalement responsable. Donc, les plaintes sont classées sans suite et la justice se désintéresse des agressions. Ou nie leur existence… Souad dénonce une minimisation de la gravité des faits à toutes les étapes de la chaine institutionnelle censée assurer la protection de l’enfance. 

Alors, les membres de La Tanière se sont professionnalisés. Ils se sont formés à la prise en charge des victimes, des auteurs et de leurs familles. Comme souvent, quand les institutions sont défaillantes, des membres de la société civile cherchent des solutions. 

Le manque de professionnels est tel que, dans le Lot et Garonne, seule La Tanière offre un accompagnement aux jeunes auteurs. Ces bénévoles se sont fait connaître auprès de tous les acteurs du secteur : magistrats, gendarmeries, écoles, travailleurs sociaux,... Ils sont supervisés par le Centre de ressources des intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles de Bordeaux.  

Leur travail est essentiel : sans prise en charge adéquate, le taux de récidive des jeunes auteurs de violences sexuelles varie de 73 à 80 %. Ces bénévoles sont tellement submergés de demandes qu’ils n’ont pas créé de site internet ou organisé d’appel aux dons : pas le temps. Ils fonctionnent sur leurs fonds propres. Toutes leurs demandes de subventions ont été rejetées.

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