"La marche pour la justice", une manifestation "anti-police" ? Non. Un patchwork de mécontentements visant le pouvoir
REPORTAGE - "La marche pour la justice" du 23 septembre a fait l’objet de beaucoup de commentaires indignés. Rebaptisée "Manif de la honte" ou "manifestation anti-police", la couverture médiatique de l’évènement donne l’impression que les dizaines de milliers de personnes qui y ont participé étaient là pour hurler leur détestation des policiers et dénoncer un prétendu racisme systémique dont souffrirait cette institution. Ce n’est pas vrai. Nous nous sommes rendus sur place pour voir de quoi il retournait dans le cortège parisien. (Lire la suite de l'article en dessous de la vidéo.)
Force est de constater que cette marche fait surtout l’objet de tentatives de récupération de tous crins et qu’on en donne une vision peu fidèle. L’inacceptable agression dont des policiers ont été victimes en marge de la manifestation est relayée en boucle. Une poignée de voyous cagoulés ont attaqué une voiture de police à grands coup de barre de fer, au point qu’un des policiers s’est senti contraint de défendre l’équipage en menaçant la horde d’agresseurs avec son arme. C’est terrible qu’il ait dû en arriver là, et l’indignation que suscite une telle agression de membres des forces de l’ordre est bien légitime. Mais elle ne résume pas la marche, et ces exactions se sont d’ailleurs produits hors manifestation.
Mécontentement d'ordre politique
Et oui, il y a eu quelques slogans dénonçant de pseudo "violences policières", comme si la violence était systémique dans l’institution. On a pu voir quelques "la police tue", comme si c’était un fait courant et un mode normal de fonctionnement de l’institution. De même, on a pu voir des pancartes ou entendre des discours, dénonçant le racisme, d’ailleurs pas forcément policier. Le racisme existe, on ne peut pas le nier. Partout…
Mais la très grande majorité des gens présents ont saisi l’occasion de cette marche pour venir exprimer un mécontentement d’ordre politique, et des revendications sociales.
Nous avons parlé à des gens venus exprimer leur défiance envers le président de la République et son gouvernement. Les passages de loi en force à grands coups de 49.3 ne passent pas, notamment concernant la réforme des retraites. La "grande concertation", non suivie d’effets, après les manifestations des gilets jaunes non plus. L’inflation, la hausse des prix de l’essence et de l’énergie, la hausse des salaires, les difficultés à se loger, la pauvreté des étudiants, les fins de mois difficiles, les préoccupations écologiques, notamment des jeunes, la crise des hôpitaux, de l’éducation nationale,… étaient au cœur de nombreuses revendications des manifestants. D’autres réclamaient une VIème République, une démocratie plus participative, plus de justice, exprimaient, à tort ou à raison, une inquiétude face à un recul de la démocratie, et même la révolution. Un petit groupe a tenté un "tout le monde déteste la police" ; ça a duré quelques secondes et ça a été fort peu repris. Cette marche était en fait un patchwork de mécontentements aux causes variées, exprimés par des citoyens qui ne se sentent plus représentés et écoutés, et saisissent toute occasion qui leur est donnée pour le dire.
Inégalités sociales, liberté, droit de chacun à vivre dans la dignité
Il y avait des banderoles du Droit au logement, de la CGT, des étudiants écologistes, des hôpitaux, pour l’éducation, contre le président Macron, le racisme, contre les loyers trop chers,…
Les personnalités politiques que nous avons entendues, comme les députés LFI William Martinet ou Antoine Léaument, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui ont avant tout parlé des inégalités sociales, de liberté et du droit de chacun à vivre dans la dignité. Et quand il s’est agi de police, "nous ne défilons pas contre la police, nous défilons contre Darmanin", a asséné Antoine Léaument. Et de pointer du doigt la responsabilité politique en matière de gestion des forces de l’ordre, de réclamer une meilleure formation des policiers, le renforcement des moyens de la police judiciaire pour lutter contre les gros trafiquants plutôt que contre les petits dealers. "Comme toujours, nous voulons nous attaquer aux gros, pas aux petits", a affirmé l’élu.
Il faut aussi préciser que durant les heures où nous avons couvert cette marche, elle s’est déroulée dans le calme. D’ailleurs, il semble qu’aucun blessé ne soit à déplorer, mis à part trois policiers passagers du véhicule attaqué en marge de la manifestation, et les informations officielles font état de blessures très légères.
Donc, toutes les déclarations dont nous sommes abreuvés depuis quelques jours, laissant entendre que les manifestants étaient là pour hurler une haine contre la police, animés d’intentions violentes, relèvent d’une tentative de récupération politique ou d’une forme de désinformation. Oui, il y a eu quelques individus violents qui ont profité, comme souvent, d’un rassemblement populaire pour commettre quelques exactions. Oui, il y a eu quelques slogans anti-flics, mais en grande majorité, les mécontentements exprimés était d’ordre politique et social.
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