Cannabis : le grand boom des boutiques de CBD
Dopées par la vague "bien-être" et une récente décision favorable de la justice européenne, de plus en plus de boutiques fleurissent en France pour mettre en vente des produits à base de CBD, la molécule non psychotrope du cannabis à laquelle sont attribuées des vertus relaxantes.
Selon le Syndicat professionnel du chanvre (SPC), le pays en compte près de 400, soit presque quatre fois plus qu'avant l'été 2018 et la vague de fermetures ordonnée par les autorités.
Depuis, le 19 novembre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé illégale l'interdiction du CBD décrétée en France à rebours d'autres pays du continent, au nom de la libre circulation des marchandises. Elle a aussi estimé qu'il n'avait pas d'effet psychotrope ni nocif sur la santé, et qu'il ne pouvait être considéré comme un stupéfiant ou un médicament.
Moins d'un mois plus tard, Tomany Macalou ouvrait sa boutique à Paris. "J'étais au courant que la décision allait arriver. Dès que ça a été le cas, ça m'a rassuré, j'y suis allé", raconte-t-il à l'AFP dans son magasin.
Dans ses rayons, des produits à base de CBD: huiles sublinguales, thés, café, tisanes, sucreries, cosmétiques, compléments alimentaires, e-cigarettes ou fleur, à fumer ou infuser.
A la recherche d'un nouveau projet professionnel, le jeune homme s'est tourné vers le CBD, un marché encore jeune dans l'Hexagone comparé à ceux de Grande-Bretagne, des Etats-Unis ou de Suisse.
Selon le SPC, il pèse aujourd'hui 150 à 200 millions d'euros et pourrait atteindre le milliard d'euros d'ici à 2023, si le flou juridique qui l'entoure est levé.
- Nouveaux clients -
Premier producteur européen de chanvre, la France interdit, en vertu d'un arrêté de 1990 sur les stupéfiants, l'exploitation des feuilles et des fleurs de la plante, qui contiennent le CBD.
Elle n'autorise que la culture et la commercialisation des fibres et des graines, si leur teneur en THC (la molécule psychotrope) est inférieure à 0,2%.
Malgré ces restrictions, le CBD compte de plus en plus d'adeptes, comme Thomas Leclair, venu acheter de la fleur, pour "fumer moins de cigarettes", et du thé.
"Je trouve ça agréable et relaxant. J'ai aussi acheté des huiles à mettre sous la langue: ma +coloc+ m'a dit que ça l'aidait pour (soulager) ses douleurs quand elle avait ses règles", poursuit cet architecte trentenaire.
Tomany Macalou abonde: certains poussent sa porte pour "faire baisser leur tension ou régler leur problème d'insomnie".
Une nouvelle clientèle, différente de celle venue au CBD "via l'entrée cannabis récréatif (stupéfiant)", souligne Aurélien Delecroix, le président du SPC. "Un autre public va vers le CBD pour être moins stressé, mieux dormir. Pas parce qu'il veut fumer quelque chose avec moins de THC ou car c'est drôle".
Pour attirer ces nouveaux usagers, certains vendeurs ont revêtu leurs boutiques d'habits qui les font plus ressembler à des pharmacies ou des épiceries bio qu'aux célèbres "coffee shops" d'Amsterdam.
"J'ai des clients +seniors+ qui disent venir chez moi car ils sont rassurés par l'environnement. Ils n'iraient pas d'autres boutiques plus +sombres+", explique Jonathan Msika, cadre de l'industrie pharmaceutique pendant plus de vingt ans avant de bifurquer vers le CBD.
- Flou juridique -
Deux ans et demi après le tour de vis de l'été 2018, "le contexte est radicalement différent", résume Aurélien Delecroix.
"A l'époque, la proximité avec le cannabis récréatif a beaucoup nuit à l'image du secteur. Des boutiques ou des boîtes, par leur communication, pouvaient tomber sous le coup de la loi pour apologie de consommation ou de trafic de stupéfiants, exercice illégal du métier de pharmacien ou de la médecine", développe-t-il.
Toutefois, des exemples récents l'ont montré, le flou juridique entourant le CBD peut toujours entraîner des poursuites.
Ainsi les deux promoteurs marseillais de la "Kanavape", une cigarette électronique au chanvre, condamnés à dix-huit et quinze mois de prison avec sursis et à l'origine de la décision de la CJUE condamnant la France.
"Si vous tenez une boutique qui n'enquiquine pas le maire, que vous avez de bonnes relations avec la police, fait un travail d'éducation auprès des autorités et que le procureur n'est pas à cheval (sur la loi), ça passera", dit M. Delecroix, "sinon, vous pourrez risquer gros".
Il appelle à une évolution de la réglementation, comme la mission d'information parlementaire sur les usages du cannabis dans un rapport publié mercredi.
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