Concours Eurovision : derrière la musique, la géopolitique

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Par AFP
Publié le 11 mai 2017 - 13:59
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La chanteuse russe Ioulia Samoïlova, le 11 mars 2017 à Moscou, est interdite pour trois ans d'entrer
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© HO / Channel One /TV/ press service/AFP/Archives
La chanteuse russe Ioulia Samoïlova, le 11 mars 2017 à Moscou
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Conçu comme un ferment d'unité européenne, le concours de l'Eurovision, disputé pour la première fois en Suisse en 1956, est devenu une chambre d'écho des rivalités nationales, illustrées une fois encore cette année par le différend entre Moscou et Kiev sur le choix de la candidate russe.

La décision de l'Ukraine, pays hôte de l'édition 2017, d'interdire l'entrée sur son territoire à Ioulia Samoïlova, en raison d'un précédent concert donné en Crimée après l'annexion de cette péninsule par Moscou, a entraîné la colère de la Russie qui ne participera finalement pas à la compétition.

- Tribune pour l'Ukraine -

Déjà, en mai 2016 à Stockholm, la crise russo-ukrainienne s'était invitée à l'Eurovision avec la victoire de la chanteuse ukrainienne Jamala. La jeune femme qui évoquait dans sa chanson "1944" la déportation des Tatars de Crimée par Staline durant la Seconde Guerre mondiale s'était inspirée des récits de son arrière-grand-mère qui avait vécu cet épisode tragique de l'histoire soviétique.

La Russie, qui a annexé la Crimée en mars 2014, avait protesté, et plusieurs responsables russes avaient dénoncé une victoire "politique" aux dépens du candidat russe, Sergueï Lazarev, grand favori des parieurs et des téléspectateurs.

Deux ans plus tôt, le candidat à la mairie de Kiev, Vitali Klitschko, avait appelé les Européens à voter pour son pays en signe de solidarité. Les candidates russes avaient été copieusement sifflées et la victoire du travesti barbu autrichien Conchita Wurst avait été interprétée comme un pied-de-nez au président Vladimir Poutine, qui l'avait critiqué.

- Textes retoqués -

A plusieurs reprises, afin d'éviter des tensions politiques, des participants ont été invités à modifier ou changer de chanson. Ainsi en 2015, le titre du groupe arménien, "Don't deny" (ne niez pas), considéré comme une injonction trop directe à la Turquie qui refuse de reconnaître comme génocide les massacres d'Arméniens de 1915, est rebaptisé "Face the shadow" (Faites face à l'ombre).

En 2009, moins d'un an après le conflit entre Russie et Géorgie, les organisateurs exigent que le groupe géorgien Stephane&3G récrive la chanson "We Don't Wanna Put In", critique transparente contre le président Poutine. La Géorgie refuse et ne participe pas au concours.

Deux ans plus tôt, Israël a réussi en revanche à passer entre les gouttes avec "Push the button" (Appuyez sur le bouton), interprété comme une invitation à bombarder l'Iran. Il est à noter qu'aucun pays arabe ne participe à l'Eurovision.

Lors de l'édition 2005, le groupe ukrainien Greenjolly a du édulcorer les paroles de sa chanson "Razom nas bagato" (Ensemble nous sommes nombreux), hymne de la "Révolution orange" qui avait porté l'opposition pro-occidentale au pouvoir. La sélection surprise de cette formation, totalement inconnue avant la révolution, avait déclenché une avalanche de critiques contre le pouvoir, accusé d'avoir manipulé le vote.

- Miroir des relations Est-Ouest -

Les incidents diplomatiques lors de l'Eurovision peuvent être énumérés presque à l'infini, du boycott par l'Autriche du concours organisé en 1969 dans l'Espagne franquiste au refus de l'Arménie de participer à l'édition 2012 en Azerbaïdjan.

Mais c'est la Guerre froide qui a le plus durablement marqué l'Eurovision. Créé durant cette période par les télévisions publiques occidentales, le concours de chant est rejoint dès 1961 par la Yougoslavie, dans ce qui est apparaît comme un geste d'indépendance de Tito vis-à-vis de Moscou.

En 1968, en plein écrasement du Printemps de Prague par les chars russes, l'Autriche manie également le symbole en se faisant représenter par un chanteur tchèque, Karell Gott.

A la chute du Rideau de fer, l'adhésion à l'Eurovision est l'une des premières décisions des anciens pays du bloc soviétique.

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