Covid-19 : les droits des résidents d'Ehpad "grandement entravés", juge la Défenseure des droits
Le droit à une "vie privée et familiale" a été plus entravé au cours de la crise sanitaire pour les résidents d'Ehpad que pour le reste de la population, dénonce mardi la Défenseure des droits dans un rapport qui formule une soixantaine de recommandations pour garantir leur "liberté".
Ces six dernières années, 900 réclamations dénonçant les conditions et les modalités d'accompagnement médico-social des personnes âgées ont été adressées à cette autorité administrative indépendante, dont 80% mettaient en cause un Ehpad.
Toutefois, les saisines et témoignages se sont accrus ces derniers mois du fait de la pandémie liée au Covid-19, dénonçant notamment "une augmentation, de la part des directions des établissements, de violations de la liberté d'aller et venir des résidents ainsi que de leur droit au maintien des liens familiaux", est-il indiqué.
Réalisation de tests de dépistage sans consentement, maintien de restrictions de sorties pendant les périodes de déconfinement, interdiction des sorties à proximité, des visites de proches ou d'aidants familiaux pendant plusieurs semaines, impossibilité pour des familles de voir leur proche décédé car immédiatement mis en bière, maintien des interdictions de sortie pour les résidents vaccinés... De nombreux exemples sont cités.
"L'examen de ces réclamations montre, de manière récurrente, des atteintes aux droits fondamentaux, au respect de la dignité et l'intégrité des personnes accueillies", souligne la Défenseure des droits, Claire Hédon. "Le droit à la vie privée et familiale a donc été grandement entravé au cours de la crise sanitaire, et de façon bien plus importante pour les personnes résidant en Ehpad que pour le reste de la population".
"La crise sanitaire a mis en évidence les difficultés, pour les pouvoirs publics, à concilier les enjeux de santé publique avec la nécessité d'une réponse appropriée aux besoins spécifiques des personnes âgées accueillies en Ehpad afin de préserver non seulement leur santé, mais aussi leurs droits et libertés", poursuit la Défenseure, regrettant une "difficile accessibilité et lisibilité" des normes en vigueur instaurées par le gouvernement.
"Les restrictions, qui peuvent être gravement attentatoires à la liberté, ne peuvent être laissées à la seule appréciation des directions d'Ehpad. Elles doivent faire l'objet d'un encadrement strict sur la base de l'égalité pour l'ensemble de la population", considère en outre l'institution.
Parmi les 64 recommandations du rapport figure la nomination systématique d'un "référent consentement", la fixation d'un "ratio minimal de personnels travaillant en Ehpad" établi à 0,8 effectif à temps plein (ETP) par résident, ou encore de veiller à ce que les décisions liées au renforcement des mesures sanitaires soient "proportionnées" et prises "pour une durée déterminée".
Un "protocole allégé" a été transmis aux directeurs des Ehpad en mars pour tenir compte notamment de la montée en puissance de la vaccination chez les résidents et les personnels, a rappelé mardi à la presse la ministre chargée de l'Autonomie Brigitte Bourguignon, en marge de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Mais, "force est de constater que beaucoup ne respectent pas ce protocole ou du moins prennent encore trop de mesures restrictives en matière de droit de visite ou de droit de sortie", a-t-elle reconnu, indiquant que la "décision d'allègement des mesures" allait être rappelée.
Mme Bourguignon a néanmoins souligné qu'il ne fallait pas faire "d'Ehpad bashing", saluant les "efforts" des personnels depuis le début de la pandémie.
Dans un communiqué, l'AD-PA, association de directeurs d'établissements pour personnes âgées, a demandé une "réécriture" du protocole pour "rompre avec les mesures restrictives dérogatoires au droit commun pointées par la Défenseure des droits".
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