Au Louvre, la déferlante devant la Joconde, un miracle et un casse-tête
Comme les vagues: au rythme de chaque cinq à dix minutes, quelque deux cents touristes se ruent portable en avant vers la Joconde. Couronnement émotionnel pour beaucoup d'un voyage à Paris. Casse-tête en termes d'affluence pour le plus grand musée du monde.
Dans la salle de l'aile Richelieu où la Mona Lisa a été déplacée le 16 juillet pour la rénovation de la Salle des Etats, personne n'a d'yeux pour les superbes Rubens.
Venus de Delhi, Pékin, Philadelphie ou Mexico, les touristes avancent sagement entre des cordons qui les canalisent. Leur sont consenties cinq à dix minutes de grâce devant le Léonard de Vinci. Temps pour les selfies. Silence religieux à peine perturbé par les cliquetis de portables. "Avançons, s'il vous plaît", disent courtoisement les agents.
Dans cette salle vaste, les visiteurs - 30.000 en moyenne par jour - peuvent contempler la fragile peinture sur panneau de bois de peuplier qui ressort d'un cadre immaculé, à quelque trois mètres de distance d'eux, derrière un verre qui produit peu de reflets.
Les touristes repartent satisfaits: "Nous craignions que ça se passe plus mal quand nous avons acheté en ligne", avouent Tai et Evelyn, un couple indonéso-malaisien.
"C'est mieux que lors de ma visite en 2000. Mieux organisé", affirme un Américain originaire de Taïwan venu de San José (Californie).
"Je ne suis pas ébloui, ça ressemble aux images que j'ai vues sur internet mais c'est tout de même cool", dit Andy, son fils de 17 ans.
Entre 75 et 80% des visiteurs du Louvre vont voir la Joconde. Une focalisation problématique. "Nous voulons éviter que ce soit la salle de la Joconde qui dicte la régulation des flux dans l'ensemble du musée", souligne Vincent Pomarède, administrateur général adjoint, interrogé par l'AFP.
L'accès à la salle actuelle dans l'aile Richelieu ne permet pas aux visiteurs de découvrir beaucoup d'autres grands chefs d'oeuvre, contrairement à son emplacement normal dans la Salle des Etats.
- Bouchons -
Des itinéraires ont été proposés pour inciter les visiteurs "à voir les autres Léonard, l'art égyptien, l'art grec et romain", et ce sont surtout "les familles et les individuels qui sont intéressés", note M. Pomarède.
Le parcours du combattant, à sens unique et suivant plusieurs files, commence dans la chaleur devant la pyramide ou dans les grandes galeries du Carrousel. Premiers portiques de sécurité à passer.
Puis un nouveau bouchon se forme sous la pyramide à l'entrée de l'aile Richelieu devant les escalators qui conduisent à la Joconde. Puis de nouveau en haut de ceux-ci, avant d'entrer dans la salle.
L'affluence au Louvre n'est pas retombée depuis Pâques, week-end traditionnellement record. Et les dix millions de visiteurs de 2018 pourraient être largement dépassés, Américains et Chinois en tête.
L'affluence oblige la plupart du temps à n'admettre les visiteurs que sur réservation pour des plages horaires précises. Et on en voit du coup certains surfant sur leur portable pour réserver au dernier moment devant la pyramide.
Le musée a recruté des agents supplémentaires pour canaliser et faire avancer, sans contrainte de temps, les gens dans ce dédale.
Aux trois angles de la pyramide, des oeuvres cultes - de la Venus de Milo à l'Odalisque d'Ingres - sont représentées sur affiches géantes pour orienter le visiteur.
"Nous allons mettre en place la réservation obligatoire avant la fin de l'année et tous les publics devront réserver" pour "lisser" la fréquentation, explique Vincent Pomarède. Pour l'instant, seuls les publics gratuits n'ont pas à réserver.
Des panneaux préviennent selon les heures "musée complet" ou "forte affluence". Les mêmes messages passent en temps réel sur le site internet. Après plusieurs jours de tensions en juillet, où la canicule a fait monter l'adrénaline parmi les gens refusés.
Par contraste, aux quelques caisses ouvertes dans l'après-midi, presque personne n'achète les tickets disponibles. Changement de culture muséale.
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