Pour rénover le Centre Pompidou, la France vend son savoir-faire à l'Arabie saoudite
Le 4 décembre 2024, la France et l'Arabie saoudite ont franchi un nouveau pas dans leur volonté de collaboration économico-culturelle. D'une part, le prince héritier Mohammed ben Salmane a promis de fournir 50 millions d'euros à la France pour la rénovation prochaine du Centre Pompidou ; en échange, neuf accords-cadres de coopération ont été signés par Emmanuel Macron, qui livrera le savoir-faire culturel français. La souveraineté est sabotée de tous les côtés.
Petit à petit, l'oiseau fait son nid. Si l’on pensait que la diplomatie culturelle française, qui s’exporte partout à grands frais de générosité intellectuelle, pouvait rester au-dessus des calculs économiques et politiques, l'accord signé récemment entre la France et l’Arabie saoudite prouve le contraire.
Une coopération coûteuse
Le Centre Pompidou sera rénové entre 2025 et 2030. Et, comme le rapporte le magazine des Beaux Arts, cette rénovation a un coût : 358 millions d'euros, sans compter les projets muséaux d'après 2030. L'Etat français ne pouvant se le permettre, a décidé d'aller chercher l'argent là où il se cache. En l'occurrence, aux Emirats arabes unis.
Le prince héritier Mohammed ben Salmane a bien voulu fournir 50 millions d’euros (issus du pétrole) pour la rénovation du Centre Pompidou. Mais tout a un prix. En échange, la France devra offrir ses compétences à l’Arabie saoudite, que ce soit sur des domaines comme l'archéologie préventive, le patrimoine, les musées, le cinéma, les bibliothèques, l'ingénierie culturelle ou la formation des personnels saoudiens. La somme est bienvenue, mais elle pose question. Le partenariat, certes bénéfique pour l'établissement parisien, interroge sur la relation qu’entretient désormais la culture avec l’argent. La France, qui a besoin de mécènes pour financer ses grandes institutions, s’allie ainsi avec une autocratie dont les pratiques en matière de droits de l'Homme font grincer des dents. Et ce n'est pas nouveau.
Ce nouvel accord, signé dans le cadre d’une visite d'État du président Emmanuel Macron, n’est pas un cas isolé. Les accords de coopération culturelle entre les deux nations s’enchaînent depuis plusieurs années. Le Louvre Abu Dhabi a ouvert en 2017. Et en 2018, sous l'impulsion de la ministre de la Culture de l'époque, Françoise Nyssen, la France avait déjà offert son savoir-faire à un royaume qui veut construire une industrie culturelle capable de soft power. Cette volonté est inscrite dans la Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui entend bien attirer l’attention du monde sur l’Arabie saoudite en tant que centre mondial de la culture, d'autant qu'il recevra l'Exposition universelle de 2030.
Culture et souveraineté à vendre
La question ne réside pas uniquement dans les montants en jeu, mais dans le message envoyé par ces accords. Non seulement la France vend son savoir-faire, historiquement respecté et envié, mais par le biais de ses institutions culturelles les plus prestigieuses, elle offre aussi sa caution à un régime qui reste épinglé par des violations graves et répetées des droits de l'Homme. Rien qui semble déranger le président de la République.
Les Saoudiens, à travers ces financements de projets artistiques ou muséaux, cherchent à accroître leur influance internationale. Le Centre Pompidou, comme le Louvre Abu Dhabi avant lui, deviendra ainsi un instrument de légitimation culturelle et politique. D'ailleurs, qui nous dit que demain, Beaubourg ne devra pas présenter davantage d'oeuvres islamiques dans ses parcours, obligé par ses mécènes ? Les grands noms de la culture française se retrouveraient ainsi en position de servir de relais à une dictature qui veut à tout prix faire oublier son passé récent et masquer ses dérives politiques.
Si l’on accorde une grande place aux relations diplomatiques et à l’économie, faut-il pour autant fermer les yeux sur les implications morales de ces partenariats ? La signature de ces accords-cadres est complètement passée à l'as, notamment parce qu'elle intervenait en France au même moment que les négociations autour du budget et du Mercosur. Pourtant, ce partenariat qui s'intensifie mérite notre attention.
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