Mort d'Anne Wiazemsky, romancière, actrice et ex-épouse de Jean-Luc Godard
Ex-épouse de Jean-Luc Godard, petite-fille de François Mauriac, romancière et actrice, Anne Wiazemsky qui, malgré l'âge et la maladie, avait gardé intact un regard malicieux et espiègle sous sa frange rousse, est morte jeudi à l'âge de 70 ans.
Hospitalisée à Paris depuis environ un mois à la suite d'un cancer, Anne Wiazemsky s'est éteinte jeudi matin, a annoncé à l'AFP son frère Pierre, dessinateur connu sous le nom de Wiaz.
Affaiblie par la maladie, Anne Wiazemsky, silhouette menue et fragile, gardait malgré tout cet air mutin qui surprenait ses interlocuteurs. Elle avait enchaîné les interviews avant la sortie du film "Le Redoutable" (sur les écrans depuis le 13 septembre) et s'était déplacée en mai au Festival de Cannes lors de la présentation du film.
"J'ai vu le film et j'adorerais le revoir car je suis en même temps la meilleure et la pire des spectatrices", avait-elle confié à l'AFP en avril dernier, évoquant avec émotion le cinéaste reclus en Suisse.
Le film était inspiré de deux de ses romans, "Une année studieuse" et "Un an après", tous deux comme toute son oeuvre publiés chez Gallimard, qui racontaient sa relation tumultueuse avec le "phare" de la Nouvelle Vague, Jean-Luc Godard.
La rencontre avec JLG, de 17 ans son aîné, a constitué un tournant dans la vie d'Anne Wiazemsky. Née le 14 mai 1947 à Berlin, descendante d'une famille de princes russes en exil, petite-fille de François Mauriac (prix Nobel de littérature en 1952), fille d'un diplomate, Anne Wiazemsky, ancienne élève du collège Sainte-Marie de Passy à Paris, n'a pas 20 ans quand elle rencontre le cinéma.
A 19 ans, la jolie rousse au visage gracieux joue (avec l'accord de son grand-père) dans "Au hasard Balthazar" de Robert Bresson. Les cinéastes de la Nouvelle Vague vont aussitôt l'adopter à l'instar d'actrices comme Anna Karina ou Bernadette Lafont.
- Années d'émancipation -
En 1967, elle tourne son premier film avec Godard, "La Chinoise". Au total, ils tourneront sept films ensemble. Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard se marient en 1967. La déferlante de Mai 68 aura raison de leur amour.
Le dernier film de Godard avec Anne Wiazemsky s'intitule (ironiquement) "Tout va bien". Il sort en 1972, l'année de leur divorce. Elle joue le rôle d'une ouvrière en grève.
Au cinéma, Anne Wiazemsky a également tourné avec certains des plus grands réalisateurs européens: "Théorème" de Pier Paolo Pasolini en 1968, "La semence de l'homme" de Marco Ferreri en 1969, "Le retour d'Afrique" du Suisse Alain Tanner en 1973... Elle apparaîtra aussi dans "Les gauloises bleues" de Michel Cournot ou "Raphaël le débauché" de Michel Deville.
Ces années de cinéma seront pour Anne Wiazemsky des années d'émancipation. Elle reprendra à son grand-père - qu'elle adorait - une phrase dont elle fit son credo: "Le bonheur, c'est d'être cerné de mille désirs, d'entendre autour de soi craquer les branches".
Au début des années 1980 elle s'éloigne du cinéma (à moins que ce ne soit le cinéma qui s'éloigne d'elle). Elle joue néanmoins encore pour Philippe Garrel ("L'enfant secret", 1982) et André Téchiné ("Rendez-vous", 1985). Mais la page est tournée, le temps est venu de l'écriture.
En 1988, Gallimard publie un recueil de nouvelles, "Des filles bien élevées". Le livre obtiendra le prix de la Société des gens de lettres (SGDL). Suivront plusieurs romans dont "Canines" récompensé en 1994 par le Goncourt des lycéens. "Hymnes à l'amour" (1996) reçoit le Grand prix RTL-Lire.
En 1998, elle sera récompensée par l'Académie française qui lui décerne son Grand prix du roman pour "Une poignée de gens".
Sa description des bouillantes années 1960 dans "Une année studieuse" (2013) et "Un an après" (2015) sont d'une lucidité joyeuse. On riait en l'entendant parler de Dany Cohn-Bendit, "mon camarade anarchiste de Nanterre" qui la draguait à la fac au cri de "solidarité des rouquins!".
Son dernier livre, "Un saint homme", sorti au début de l'année, raconte son amour impossible pour un prêtre, "le premier être humain qui s’est intéressé à ce que j’écrivais", disait-elle.
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