Deux hommes recherchés pour le lynchage d'un Canadien au Pérou

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Par Roberto CORTIJO - Lima (AFP)
Publié le 24 avril 2018 - 21:26
Mis à jour le 25 avril 2018 - 04:40
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Policías y habitantes de la localidad de Yarinacocha en Perú desentierran el cuerpo de un canadiense presuntamente involucrado en el asesinato de una líder indígena, el 21 de abril de 2018
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Policías y habitantes de la localidad de Yarinacocha en Perú desentierran el cuerpo de un canadiense presuntamente involucrado en el asesinato de una líder indígena, el 21 de abril
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Deux hommes étaient recherchés au Pérou après le lynchage filmé d'un Canadien de 42 ans accusé du meurtre d'une femme octogénaire, figure d'une communauté indigène d'Amazonie.

Le cadavre de Sebastian Paul Woodroffe a été découvert samedi dans la région d'Ucayali (Amazonie, nord-est), non loin du lieu où cette femme avait été tuée quelques jours plus tôt.

Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux ces derniers jours montre l'homme, le visage en sang, assis sur une flaque de boue au milieu d'une foule en colère. "S'il vous plaît, non!", supplie-t-il tandis qu'une voix lui répond "Tu l'as bien cherché" et qu'un homme lui accroche une ceinture autour du cou.

Le juge David Panduro a ordonné mardi l'arrestation de deux suspects, José Ramirez et Nicolas Mori, membres de la même communauté que la chaman assassinée, "pour homicide qualifié présumé", ont annoncé mardi les autorités judiciaires, précisant que la victime est morte étranglée après avoir souffert de multiples lésions. Son corps a été transporté mardi au consulat du Canada à Lima où il sera incinéré. Ses cendres seront ensuite rapatriées, a précisé le procureur Ricardo Jiménez.

Sebastian Paul Woodroffe, installé depuis deux ans dans la région, où il avait acheté 20 hectares de terres selon la presse péruvienne, était soupçonné d'avoir tué quelques jours plus tôt Olivia Arévalo, 81 ans, leader de la communauté amazonienne Shipibo-Conibo.

"Nous travaillons de façon méticuleuse sur cette affaire, car nous sommes inquiets et nous n'allons pas permettre que ce genre de meurtres restent impunis dans la région d'Uyacali", a déclaré le procureur.

- Dette impayée -

Olivia Arévalo exerçait les fonctions de guérisseuse de sa communauté, et à ce titre était vénérée pour ses connaissances ancestrales et les pouvoirs qui lui étaient attribuées.

Selon le parquet, le mobile de son assassinat serait une dette impayée de 14.000 soles (environ 4.300 dollars) de son fils envers le Canadien.

"Apparemment le paiement n'a pas été fait et la mort est une affaire de vengeance. Nous travaillons sur cette hypothèse", a indiqué le procureur, précisant que M. Woodroffe avait acheté une arme le 3 avril.

La presse péruvienne a évoqué une autre hypothèse: le Canadien se serait vengé après le refus de la chaman de pratiquer une cérémonie d'ayahuasca, liane amazonienne dont la consommation a des effets purgatifs et hallucinogènes.

Selon l'Association interethnique de développement de la jungle péruvienne, un homme à l'accent étranger s'est présenté jeudi dernier à la maison d'Olivia Arévalo, l'a appelée par son nom et quand elle est apparue à la porte a tiré sur elle sans dire un mot, avant de prendre la fuite à moto.

La vieille dame a succombé après avoir été touchée par cinq balles à la poitrine.

Son décès a fortement choqué au Pérou et le Premier ministre, César Villanueva, a promis que les autorités feraient tout leur possible pour retrouver le responsable. "Etant moi-même originaire d'Amazonie, je me sens consterné par l'assassinat d'Olivia Arévalo, leader Shipibo-Conibo", a-t-il écrit sur Twitter.

Elle "était la mémoire de son peuple" et "sa mort est une perte irréparable", a réagi en France l'association Les Amis de la Terre, soulignant qu'"elle avait consacré sa vie à défendre et promouvoir la culture, les traditions et les chants du peuple Shipibo".

Olivia Arévalo défendait aussi l'environnement, a souligné l'association américaine EarthRight, mais "elle a souffert des conséquences du manque de protection par le gouvernement et de garantie d'exercer ses droits sans être blessée".

La communauté Shipibo a condamné le meurtre du Canadien. "Nous ne soutenons aucun acte de violence. En temps qu'indigènes, nous avons toujours vécu dans une culture de paix et en harmonie avec la nature", a déclaré à la radio IDL Ronald Suárez, président du Coshikox, une organisation qui regroupe les dirigeants de cette ethnie.

Les Shipibo-Conibos, un des peuples indigènes d'Amazonie, vivent dans les régions d'Ucayali, Madre de Dios, Loreto et Huanuco. Comptant 31.000 membres, c'est l'une des plus grandes ethnies de l'Amazonie péruvienne.

En septembre 2014, quatre leaders d'une autre communauté indigène, les Ashaninka de la région Alto Tamaya-Saweto, avaient été assassinés à la frontière avec le Brésil. La police soupçonne des forestiers illégaux et des narcotrafiquants de les avoir tués.

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