En Syrie, rapts et assassinats attisent la colère contre les insurgés d'Idleb

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Par Rouba EL HUSSEINI - Beyrouth (AFP)
Publié le 21 août 2018 - 11:45
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Photo des destructions après l'explosion d'une voiture piégée le 2 août 2018 à Idleb dans le nord-ouest syrien, théâtre de luttes intestines entre factions insurgés
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© OMAR HAJ KADOUR / AFP
Photo des destructions après l'explosion d'une voiture piégée le 2 août 2018 à Idleb dans le nord-ouest syrien, théâtre de luttes intestines entre factions insurgés
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Assassinats ciblés et enlèvements crapuleux prolifèrent dans la province syrienne d'Idleb, suscitant la colère des habitants qui accusent jihadistes et rebelles, maîtres de cette région du nord-ouest du pays frontalière de la Turquie et qui est désormais dans le viseur du régime.

Dominée par l'organisation jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), cette province de 2,5 millions d'habitants accueille également une multitude de factions rebelles et des "cellules dormantes" du groupe Etat islamique (EI). Des experts évoquent aussi des cellules travaillant pour le régime.

Des dizaines de milliers de rebelles et de civils y ont été transférés depuis des bastions insurgés tombés dans l'escarcelle du régime de Bachar al-Assad à l'issue d'offensives meurtrières menées ces derniers mois avec l'aide de la Russie, qui a négocié une série d'accords de reddition avec les rebelles.

Idleb est le théâtre de luttes intestines entre factions insurgées, et les civils, qui paient déjà le lourd tribut d'une guerre qui a fait plus de 350.000 morts depuis 2011 à travers la Syrie, en sont les victimes collatérales.

Dans cet ultime grand bastion insurgé de Syrie, voitures piégées, bombes en bordure de routes et attaques à main armée se sont multipliées, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), des attentats rarement revendiqués.

Depuis avril, 270 personnes, dont 55 civils, ont été tuées dans ces attaques visant dirigeants et combattants de HTS ou des rebelles, à Idleb et dans les poches insurgées des provinces voisines de Hama et d'Alep, selon l'Observatoire.

- "Prêts à se soulever" -

L'insécurité a créé un climat de psychose parmi les habitants.

"Quand je prends ma voiture, je l'inspecte soigneusement (...) pour m'assurer qu'il n'y a pas d'engin explosif", affirme un militant dans le sud d'Idleb, sous le couvert de l'anonymat. "Lorsque je passe près d'une benne à ordure, j'accélère par crainte qu'une bombe n'explose".

A la prière du vendredi, il se pose le plus loin possible de l'entrée de la mosquée pour se protéger en cas d'attentat.

A deux reprises au moins, en 2017 et début 2018, la province a été secouée par de violents combats opposant HTS au puissant groupe rebelle Ahrar al-Cham, qui, début août a formé avec d'autres groupes rebelles le Front national de libération (soutenu par la Turquie) pour faire face aux jihadistes.

Le centre d'analyse Omran, basé à Istanbul, avance dans un récent rapport que le "chaos sécuritaire" à Idleb est notamment dû à "la concurrence entre la multitude de forces locales".

L'instabilité est en train d'affecter la popularité de tous les groupes rebelles, souligne à l'AFP l'auteur du rapport, Nawar Oliver. "De nombreuses régions d'Idleb détestent HTS et sont prêtes à se soulever à tout moment".

D'ailleurs, le militant du sud d'Idleb ne cache pas son exaspération face à HTS: "c'est la force la plus puissante sur le terrain, elle est supposée garantir la sécurité", lâche-t-il.

En juin, médecins et pharmaciens dans la ville d'Idleb ont observé une grève de trois jours pour protester contre "le chaos et l'insécurité", alors que les rapts n'épargnent pas leur profession.

Un haut responsable de la Santé, le docteur Khalil Agha, a ainsi été enlevé en août. Il n'a été libéré qu'une semaine plus tard après versement d'une rançon de 100.000 dollars, selon ses services.

- "Déstabiliser Idleb" -

Face à la grogne populaire, HTS, mais aussi des groupes rebelles, ont mené des raids contre des cellules de l'EI, qui a revendiqué des assassinats et des attentats à la bombe.

Mais HTS et les rebelles ont aussi interpellé dernièrement des dizaines de personnes soupçonnées "d'espionnage en faveur du régime", a indiqué l'OSDH alors que le rapport du centre Omran fait état de "cellules armées de l'EI ou du régime" dans la région.

"Des cellules du régime oeuvrent à déstabiliser Idleb, pour lancer une opération militaire", assène Khaled al-Ali, haut responsable de HTS joint par l'AFP via la messagerie WhatsApp.

Le président Assad a déclaré en juillet que la reconquête d'Idleb était une priorité.

Une telle offensive ne pourrait concerner que des secteurs périphériques, pour permettre aux Turcs et aux Russes de parvenir à une entente sur le sort de la province, estiment des experts.

La colère des habitants pourrait toutefois "faciliter la tâche du régime", souligne M. Oliver. "Les civils pourraient accepter toute solution (...) offrant une alternative à la présence des insurgés".

"La situation fait peur", reconnaît un habitant d'un village rebelle de Hama. "Les gens ne sortent plus qu'en cas d'urgence". Dans ces conditions, la région sera "une proie facile pour les Russes", déplore-t-il.

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