Face au coronavirus, l'hôpital de Mulhouse "sur le pied de guerre"
"Le système de santé commence à être saturé, c'est une véritable crise sanitaire locale": face à l'épidémie de coronavirus, l'hôpital de Mulhouse (Haut-Rhin) doit s'adapter au jour le jour pour tenter de garder la situation "sous contrôle".
"Vous avez appelé votre médecin?", "Vous avez été en contact avec quelqu'un?", "Vous prenez des antibiotiques?"... En ce lundi après-midi, dans l'une des salles de régulation du 15 ouvertes à l'hôpital Emile Muller, les appels se succèdent, laissant peu de répit aux treize médecins et assistants de régulation médicale (ARM).
Leur mission: faire le tri entre les urgences "normales" et celles relatives au coronavirus dont Mulhouse est devenu un foyer majeur en France depuis un vaste rassemblement évangélique fin février dans le quartier de Bourtzwiller.
Environ 2.000 personnes ont participé à ce rassemblement qui a ensuite généré des dizaines de contaminations dans toute la France, jusqu'en Guyane.
A l'entrée du pôle hospitalier, Jean-Marie Deflandre, 49 ans, attend les résultats d'analyse de sa femme, dirigée vers ce centre de dépistage par le 15. Selon lui, son épouse a pu être contaminée par sa propre mère qui a justement assisté au rassemblement religieux. "Elle a séjourné une semaine chez nous, je pense que c'est par ce biais-là qu'on a été contaminé", explique en toussotant le quadragénaire, masque chirurgical sur le visage.
- "Enorme défi" -
Quelques jours après le rassemblement, le nombre d'appels "a explosé à la régulation", explique Marc Noizet, chef des urgences à Emile Muller. Depuis, il ne cesse d'augmenter.
Lundi, "nous avons enregistré 1.900 appels", dont "1.200" liés au virus, a-t-il précisé mardi lors d'une conférence de presse. En "situation normale", le 15 de Mulhouse reçoit "450 à 500" appels, a-t-il ajouté. Et il y a toujours environ "un tiers des appels qu'on n'arrive pas à décrocher..."
Les hospitalisations liées au virus sont elles aussi allées crescendo: mardi, 74 personnes infectées par le virus ou fortement suspectées de l'être étaient hospitalisées à Mulhouse, a indiqué lors d'un point presse Corinne Krencker, directrice du Groupe Hospitalier de la Région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA), qui regroupe une dizaine d'établissements.
Parmi eux, une dizaine sont en réanimation, dont le député (LR) du Haut-Rhin Jean-Luc Reitzer, premier parlementaire infecté dont l'état est "stationnaire", selon le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand.
Une situation qui a contraint l'établissement, déjà secoué par une longue grève des urgentistes il y a quelques mois pour protester contre la pénurie de personnel, à se réorganiser pour faire face à cette "crise inédite", explique Mme Krencker.
"C'est un énorme défi (...) On est sur le pied de guerre", explique la directrice, qui a activé samedi le "plan blanc" dans cet établissement d'environ 820 lits.
- "Système saturé" -
Dispositif de mobilisation maximale prévu pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles, ce plan a également été activé à l'hôpital de Colmar, l'autre établissement haut-rhinois qui accueille des personnes infectées par le virus.
A mesure que l'épidémie prenait de l'ampleur, l'hôpital mulhousien a totalement repensé son fonctionnement afin de concentrer le maximum de moyens sur sa gestion, au prix de réajustements constants: renforcement des salles de régulation, mise en place d'un dispositif de "traitement différencié des appels", ouverture de quatre unités d'hospitalisation dédiées au virus, déprogrammation des interventions non urgentes, ouverture d'une structure pour diagnostiquer les infections...
Des médecins ont même été réquisitionnés, à l'image de Guy Fuchs, généraliste à la retraite de 72 ans: "ça me paraît tout à fait évident, je crois que, tout le monde, dès qu'on est sollicité, (...) on est tout de suite prêt à venir", témoigne-t-il.
"On observe cette solidarité tous les jours chez tous les acteurs, elle s'est mise en place immédiatement", a salué lors du point presse le responsable de l'Agence régionale de santé (ARS) dans le Haut-Rhin, Pierre Lespinasse.
"On essaye de contrôler (la situation), on s'adapte tous les jours", abonde Marc Noizet. Mais "le système de santé commence à être saturé" face à une "véritable crise sanitaire locale".
L'établissement, qui ne dépiste désormais plus que les patients présentant d'importants symptômes, fait "pour l'instant" face, constate le chef des urgences, même s'"il est possible qu'à un moment nos moyens soient dépassés et qu'on soit obligé de s'appuyer sur des établissements périphériques..."
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