La médiatisation du terrorisme influence les déséquilibrés
La médiatisation du terrorisme pousse à l'action des malades mentaux ou des sujets aux personnalités fragiles mais il ne faut pas les confondre avec les vrais jihadistes dont les ressorts sont d'abord politiques, préviennent des experts.
Au cours des dernières années des attaques semblant improvisées, souvent menées à coups de couteau ou avec des véhicules, ont été menées par des hommes n'ayant aucun rapport avec la mouvance jihadiste mais souffrant de troubles mentaux ou de désordres psychiques plus ou moins graves.
Une étude de la DGSI (Services de renseignements intérieurs français) révèle que de 2010 à 2016 sur les 71 personnes impliquées dans une action terroriste en France, 30% souffraient de "failles psychologiques".
C'est ce que le psychiatre Marc Sageman, ancien agent de la CIA au Pakistan, aujourd'hui expert auprès de la justice américaine dans de nombreux procès de jihadistes, appelle "l'effet copycat".
"Les comportements terroristes sont médiatisés et ces gars qui ont des problèmes psychiatriques se disent +pourquoi je ne le ferais pas+", explique-t-il à l'AFP. "Ils ne sont en rien radicalisés, mais les terroristes font la Une des journaux et eux veulent faire la même chose."
"Je pense à ce Japonais qui voulait se suicider, en 2005", poursuit-il. "Il a lu dans les journaux sur les attentats de Londres qui ont fait 52 morts. Il a tenté de construire une veste explosive pour se faire sauter dans le métro. C'était sa forme de suicide. Sa veste n'a pas fonctionné, il a été arrêté par la police qui lui a demandé pourquoi il a fait ça. Il a répondu: +Je l'ai vu dans le journal+."
- "Les sociétés sont aveuglées" -
Après avoir étudié les trajectoires de centaines de membres du réseau Al Qaïda, Marc Sageman conclut: "mon échantillon montre qu'ils sont en meilleure santé mentale que la population générale. Les gens qui passent à l'action pour les imiter n'ont pas de problèmes politiques mais des troubles mentaux divers. Il faut faire attention: confondre les types comme ça avec les vrais terroristes, c'est se condamner à ne rien comprendre", dit-il.
Une note confidentielle de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste en France datée d'octobre 2017, révélée la semaine dernière par Le Figaro et dont l'AFP a eu connaissance, pose la question: "Les terroristes sont-ils +fous+ ?"
"La question n'est pas tant de définir une psychopathologie du terroriste, laquelle est introuvable, que de noter que la radicalisation joue aussi sur un faisceau d'affects que l'ont retrouve bien sûr chez d'autres jeunes au comportement suicidaire (comme les lycéens américains qui font un massacre dans leur établissement et se suicident après)", écrivent les experts de l'Uclat.
La note conclut: "le crime politico-religieux ne détient pas le monopole de la +folie+. La dimension psychologique du passage à l'acte est manifeste aussi bien de la part d'auteurs d'actes terroristes que d'auteurs d'infractions de droit commun, les deux présentant souvent un profil commun".
Certains auteurs de massacres, même quand ils ont été revendiqués par le groupe jihadiste État islamique (EI), resteront sans doute à jamais des mystères. Ainsi, moins d'un an après la tuerie de Las Vegas au cours de laquelle il a tué 58 personnes depuis sa chambre d'hôtel, rien n'a pour l'instant permis de comprendre les motivations du tireur, Stephen Craig Paddock, un retraité sans histoires.
"J'ai dit plusieurs fois que le massacre de Nice" (86 personnes tuées en juillet 2016 par un Tunisien de 31 ans fonçant dans la foule avec un camion) ne relevait pas du jihadisme" confiait récemment à l'AFP Farhad Khosrokhavar, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
"J'ai souligné que son auteur avait des problèmes mentaux énormes, mais personne ne vous écoute", poursuit-il. "Il y a des moments où les sociétés sont aveuglées. Et elles font du coup le jeu de Daech. C'est un jeu de dupes que tout le monde joue, en toute sincérité".
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