Le Ku Klux Klan, nébuleuse marginale à l'image archaïque
Même si l'extrême droite radicale et identitaire américaine vit un renouveau sous Donald Trump, le Ku Klux Klan, qui a organisé samedi une réunion publique en Virginie, n'est plus que l'ombre de la puissante organisation qu'il fut.
"Aujourd'hui le Klan est surtout un assemblage de petits groupes désunis, sans commandement central, très instables", explique à l'AFP Oren Segal, directeur du Centre sur l'extrémisme de l'Anti-Defamation League (ADL), une association de lutte contre l'antisémitisme.
"Ces groupuscules ont tendance à se former et à se dissoudre à un rythme rapide, très peu d'entre eux peuvent se targuer d'une longue existence et, d'une façon générale, le Klan n'est pas un mouvement en bonne santé au sein des Blancs convaincus de leur suprématie", poursuit-il.
Les images diffusées dans le monde entier de ces hommes en robe traditionnelle rassemblés ce week-end à Charlottesville ont évoqué un passé terrifiant, celui des torches, des cérémonies aux croix enflammées, des lynchages de Noirs et des parades gigantesques.
Mais les Loyal White Knights of the Ku Klux Klan ("Les fidèles chevaliers blancs du Ku Klux Klan") n'étaient en fait qu'une quarantaine dans cette paisible ville de Virginie, face à un millier de militants antiracistes.
Les "chevaliers" entendaient protester contre le projet de retirer d'un jardin municipal une statue du général sudiste Robert Lee, qui a commandé les troupes des Etats esclavagistes durant la Guerre de Sécession. Leurs prises de parole ont été inaudibles, couvertes par les huées et les injures.
Reste que les experts constatent une résurgence des mouvements américains d'extrême droite, enhardis par la campagne présidentielle victorieuse de Donald Trump.
- Débat sur la race-
Ce nouvel essor se déroule tandis que "nous vivons une période marquée par un débat important sur la race", souligne la professeure Robin Lenhardt, du Center on Race, Law and Justice à la Fordham Law School.
Elle cite les questions d'incarcération massive des Noirs, des abus policiers contre les minorités et des discriminations, autant de polémiques sensibles que certains Blancs conservateurs aimeraient étouffer.
Il en va de même du drapeau et des monuments confédérés encore présents dans les Etats du Sud, qui font l'objet d'une remise en cause accélérée depuis la tuerie raciste perpétrée il y a deux ans par un extrémiste dans une église noire de Caroline du Sud.
"Ces monuments sont des jalons ou des efforts de commémoration d'une époque où régnait la suprématie de la race blanche", note la professeure Lenhardt, d'où la réaction des nostalgiques pour les défendre.
Fin juin, certains nationalistes blancs ont même tenu une réunion publique au coeur de Washington, devant le mémorial d'Abraham Lincoln, où Martin Luther King avait prononcé son célèbre discours "I have a dream".
"Nous assistons à un réveil", y a déclaré Richard Spencer, un pourfendeur du multiculturalisme et l'un des chefs de file de la "droite alternative", souvent désignée par l'expression "alt-right".
- KKK grignoté par l'alt-right -
La mouvance alt-right a le vent en poupe et a tendance à fédérer sous une nouvelle appellation les éternels militants convaincus que l'identité d'une Amérique blanche et protestante est mise en péril par la mondialisation et l'immigration.
Dans ce contexte, le Ku Klux Klan souffre d'une image archaïque.
"Les branches du Klan sont vues comme une ancienne génération de la suprématie blanche, par conséquent elles n'attirent pas de jeunes recrues comme par le passé", constate Oren Segal.
"Leur principale activité consiste à aller déposer des prospectus devant les maisons, ce qui est un signe de faiblesse et non de vitalité", ajoute-t-il.
Enfin, les différentes chapelles du Klan sont selon lui rongées par des querelles intestines.
Quel contraste donc avec le passé. Le KKK, fondé il y 150 ans, a compté jusqu'à quatre millions de membres à son apogée, au milieu des années 1920. A l'époque l'influente organisation était très hiérarchisée et parfois proche de la police.
Le Ku Klux Klan, qui cherchait à rassembler les Américains "authentiques" et à les protéger des pseudo-influences nocives venues de l'étranger, était même discrètement patronné par les présidents américains.
Il ne compterait plus que 5.000 à 8.000 membres, selon le Southern Poverty Law Center, un observatoire de l'extrémisme.
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