Préparez vos mouchoirs (1)

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 24 janvier 2025 - 15:00
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Bertrand Blier
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Préparez vos mouchoirs (1)
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Dernier monstre sacré du cinéma français (2), « catégorie réalisateurs et scénaristes anticonformistes » (3), Bertrand Blier est mort à Paris, le 20 janvier 2025, à 85 ans. Oui. Hélas oui, il en est ainsi : il fait désormais partie de ceux qui sont imbattables à « Un, deux, trois, soleil » (1993).

Ils sont nombreux à faire « La Grimace » (1966), depuis trois jours, les adorateurs du 7ᵉ Art.

Pardi ! Pour tous les Français qui comme moi ont aujourd'hui 50 ans et plus, Bertrand Blier fait partie de « Notre histoire » (1984).

Ainsi, « Les Acteurs » (2000) en tête, mon « Beau-père » (1981), « La Femme de mon pote » (1983), « Mon Homme » (1996), « Papa, Alexandre, Maxime et Eduardo » (2015), pour ne citer qu'eux, c'est un véritable « Convoi exceptionnel » (2019) qui va se rendre aux obsèques de Bertrand Blier.

L'enterrement aura lieu le 29 janvier 2025, au cimetière de Montmartre.

« Si j'étais un espion » (1967), j'aurais dûment tenté de me glisser parmi les invités.

Toutefois, l'occasion est « Trop belle pour toi » (1989), me suis-je dit à moi-même, le pléonasme étant de mise lorsque, comme en l'occurrence, il vaut mieux y réfléchir à deux fois avant d'agir.

En effet, étant très peu doué dans cet exercice où - il faut appeler un chat « un chat » - il faut avoir « Les Valseuses » (1974) bien accrochées, si l'on veut ne pas être démasqué, les vigiles m'eussent immanquablement reconnu. « Calmos » (1976) m'auraient-ils crié de concert devant mon insistance, et tenter de pénétrer malgré tout eût été au risque qu'ils m'asticotassent « Les Côtelettes » (2003).

Or, à l'imparfait du subjonctif, c'est un traitement particulièrement douloureux. C'est la raison pour laquelle je vais m'abstenir, de jouer les espions.

Tant à la ville que derrière la caméra, Bertrand Blier n'a connu que des succès. Le concernant, l'épitaphe suivante, me semble-t-il, serait donc fort opportune : « Merci la vie » (1991).

Et, comme c'est à un âge relativement avancé que, la gloire lui tombant dessus, ses efforts professionnels furent récompensés, « Il n'est jamais trop tard » (2011) pour bien faire eût aussi pu convenir.

Voilà pour la mise en bière. Passons maintenant à la suite du programme.

Jean Carmet, Lino Ventura, Francis Blanche, Jean Lefebvre, Jean Yanne et Cie, ils sont légion également, « les professionnels de la profession » qu'il va retrouver au grand banquet des éternels, qui ne plaisantaient pas à l'apéritif. Du coup, c'est certainement avec « Le Bruit des glaçons » (2010) que les amis défunts de Bertrand Blier vont l'y accueillir. (4)

À l'inverse, au sein de ses proches, évidemment, l'humeur n'est pas à la fête. Dès lors, c'est triste, mais on imagine aisément Farida Rahouadj (sa dernière épouse), en veuve inconsolable, faire état en ces mots, fière et digne, de ce qu'est devenu son quotidien : « Ma vie est un enfer » (1991).

Un de ces deux acteurs fétiches, Gérard Depardieu doit aussi être inconsolable. Dernier survivant des immenses comédiens que Bertrand Blier a dirigés durant sa longue carrière, il doit se sentir soudainement bien seul. Attention Gérard ! Chez l'alcoolique, l'euphorie fait place à la dépression quand il a le « verre » solitaire.

Mais, revenons à celui qui malheureusement est à la vedette du jour malgré lui : Bertrand Blier.

Ayant fait sa philosophie de vie de « On est tous en visite. On débarque, on fait un peu de tourisme, et on repart ! » (réplique culte de « Buffet froid »), son ami Georges Lautner (avec qui il l'a coécrit) n'a pas eu à le rassurer. À lui dire « Laisse aller, c'est une valse » (1970) pour calmer ses angoisses.

Et pour cause !

Au terme de cette « Grosse fatigue » (1994), causée par cette longue « maladie » qui l'a emporté qu'est la vieillesse (5), c'est habillé de nul péché « mortel » à se faire pardonner, que Bertrand Blier va patienter à la morgue, une nuit au minimum (6).

Si ! Fidèle à son œuvre, nu comme un ver est la « Tenue de soirée » (1986) idéale pour lui, en guise de costume, pour ce « Buffet froid » (1979) à titre posthume.

« Combien tu m'aimes ? » (2025) demandera-t-il quand même, néanmoins, peut-être, à Saint-Pierre, à son arrivée au Paradis. Et, si ce dernier n'a pas la « Pédale dure » (2004), il donnera à l'entrant l'occasion de jouer de nouveau son propre rôle dans « Le Bal des actrices » (2009). Celui qu'il fera donner en son honneur s'il est fan de lui. Un bal auquel participeront les actrices qu'il a fait tourner, et qui y sont déjà, elles, au Paradis.

Et, afin que figurent dans l'hommage que je lui rends ici, tous les titres des films auxquels Bertrand Blier a participé comme réalisateur, scénariste ou acteur, notez aussi que ce bal serait également l'occasion pour lui de s'exclamer « Patrick Dewaere, mon héros » (2022), pareillement en récidive, tandis qu'il le retrouvera dans les cieux, son second acteur fétiche.

 

1) Oscar du meilleur film (1978) en langue étrangère lors de la 51ᵉ Cérémonie des Oscars.

2) fils de l'acteur Bernard Blier, Bertrand Blier est considéré comme l'un des réalisateurs emblématiques des années 70-80. Son œuvre « anticonformiste » a marqué durablement le cinéma hexagonal. Il a reçu cinq César du cinéma, un Grand Prix au Festival de Cannes et un Oscar.

3) pour reprendre la formule protocolaire utilisée lors de la cérémonie des Césars :  « Catégorie... »

4) et puisque Bertrand Blier a également joué dans ce film éponyme de Jean-Jacques Grand-Jouan, « Debout les crabes, la mer monte ! » (1983), leur a-t-il crié, pour les réveiller, quand il est arrivé, décédé au petit matin qu'il est. Amen.

5) « La vieillesse est un naufrage. » (Charles de Gaulle)

6) en France, la durée minimum avant enterrement ou incinération d'un cadavre ou le don du corps à la science est de 24 heures. Quant à la durée maximale, jusqu'à encore, il n'y a pas si longtemps, elle était de 6 jours. Elle a été amenée à 14 jours en juillet 2024. Une justification à cela, invoquant l'accroissement substantiel des décès à cause du soi-disant « vaccin » prétendument « anti-covid », relève bien entendu de la théorie du complot.

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