La truffe se fait rare
Il y a foule en ce dernier dimanche d'avant Noël, pour la 27e édition du marché aux truffes de Rognes (Bouches-du-Rhône), à 20 kilomètres d'Aix-en-Provence, et malgré le prix, un peu exorbitant, les étals proposant la "tuber melanosporum", le célèbre "diamant noir", sont assez vite dévalisés.
"C'est très moyen cette année, l'été a été très sec, beaucoup de truffes sont mortes", se lamente Sylvain Hiriart, trufficulteur dans la Drôme qui "cave", selon le terme approprié pour la recherche de truffes, dans des truffières sauvages et dont la production dépend donc uniquement de la pluviométrie, sans recours à l'irrigation. En ce début d'hiver, "on trouve des truffes en assez petite quantité et elles sont bien plus en avance que les autres années".
Comme ses confrères ce jour-là, il affiche un prix de 110 euros pour 100 grammes pour les plus petites "un peu cabossées", à 130 euros pour les plus belles. "Mais toutes ont le même parfum et le même goût", rassure-t-il.
"C'est cher", dit une dame. A Carpentras, berceau du "diamant noir" dans le Nord du Vaucluse, le plus gros producteur de truffes en France, les cours affichent 650 à 750 euros le kilo sur le marché des professionnels et le même prix pour les particuliers.
A quelques jours de Noël, les chalands se laissent pourtant tenter. Bernard Gouteyron, un Aixois venu avec sa femme, en achète une petite pour la servir "avec un foie gras et une soupe aux topinambours". D'autres n'hésitent pas à sortir le chéquier pour payer jusqu'à 200 ou 300 euros une truffe de bonne taille.
Trufficulteur à Rognes, Philippe Boit présente fièrement son joyau de 466 grammes. "Mon record c'est une truffe de 1,5 kilo", explique-t-il. "Mais cette année, c'est moins bon. La truffe est victime du réchauffement climatique". "Là où ce n'est pas arrosé", au printemps et mi-août, les deux périodes cruciales pour la maturation du célèbre champignon, "il n'y a rien, nous en avons pris conscience depuis 2003", l'année de la canicule en France, ajoute-t-il.
A l'instar de nombreux trufficulteurs, qui ne "cavent" plus uniquement au hasard des forêts mais cultivent des plantations de chênes truffiers, Philippe Boit a recours à l'irrigation, au goutte à goutte. "On gratte la terre, si c'est humide on ne fait rien, si c'est sec, on arrose", résume-t-il. Même avec arrosage, "la récolte a baissé de 50%", indique-t-il, quand bien même la saison débute à peine.
Grande cape bleue et chapeau noir aux larges rebords sur la tête, son ami Gilles Giordanno, président de la coopérative viticole, a été intronisé membre de la confrérie de la truffe. "Comme agriculteurs, on a tous des arbres truffiers", témoigne-t-il. Lui aussi est pessimiste sur la récolte hivernale: "la saison a mal démarré à cause de la sécheresse. Comme il ne fait pas froid, ça ne murit pas".
Passionné de truffes, qu'il recherchait déjà enfant avec son père, M. Ollivier, la soixantaine, est venu en curieux. Chez lui, du côté de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), il a planté des chênes mychorisés -dont les racines ont été mises en contact avec le célèbre champignon- dont il espère la première récolte d'ici à sept ans. L'attente est longue mais il refuse l'irrigation. Car "on dit que ceux qui ont été arrosés s'épuisent plus vite".
Janine, elle, est une fidèle du marché aux truffes de Rognes. "Mon fils est né un 22 décembre et, depuis 20 ans, je lui en offre une pour fêter ça". Elle en choisit une de 200 grammes et livre sa recette préférée: "Ca se congèle très bien... et puis vous la rapez encore congelée, directement sur une brouillade d'oeufs..."
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