En Chine, la Fête de la musique a trouvé son tempo
La Fête de la musique s'enracine en Chine: dix ans après son lancement de l'autre côté de la Grande muraille, cet outil du "soft power" français permet d'y promouvoir les artistes tricolores, sur un marché alléchant mais difficile.
Au total, cinq groupes de la nouvelle scène française (Taiwan MC, Colours in the Street, King Krab, French 79, Las Aves) vont se produire en quelques jours gratuitement dans 10 villes chinoises.
"Pour les artistes de musique indépendante, underground, la Chine n'est pas encore incontournable. Mais pour ceux qui sont tournés vers l'international et commencent à avoir une bonne base de fans, c'est maintenant qu'il faut y aller", note Lucas Derrez, du duo marseillais King Krab.
"On n'a pas hésité longtemps avant de venir. Car la Chine est un pays où les jeunes s'ouvrent désormais énormément aux groupes étrangers", souligne-t-il.
Coût de l'événement: 700.000 euros, dont 5% payés au final par la France, le reste étant couvert par des sponsors, des salles ou des autorités chinoises, selon les chiffres officiels. Il est intégré dans le programme de "Croisements", plus gros festival culturel organisé par la France à l'étranger, qui a notamment fait venir cette année Isabelle Huppert pour des lectures de "L'Amant" de Marguerite Duras.
"La Fête de la musique a une grande visibilité et fait partie de notre soft power sur le territoire chinois", explique Brigitte Veyne, attachée audiovisuel à l'ambassade de France en Chine.
"Le secteur musical est en plein développement en Chine et notre rôle est d'aider les artistes et entreprises françaises à profiter de ce potentiel."
- 'C'était inimaginable' -
Il est vrai que la Chine, avec ses 1,37 milliard d'habitants, est séduisante: multiplication des salles, des festivals (200 à 300 par an) et hausse des revenus en musique enregistrée (+20% en 2016) et en streaming (+30%).
Créée en 1982 en France par l'ex-ministre de la Culture Jack Lang, la Fête de la musique a depuis été adoptée par plus de 100 pays et 450 villes. La Chine l'organise depuis 2006.
Parrain de l'édition 2010 à Shanghai, M. Lang se rappelle d'un "moment tout à fait surprenant", car "ce n'est pas dans les habitudes chinoises que dans les rues, sur les places se retrouvent des orchestres, des ensembles, des chorales".
"L'événement s'est ancré dans les habitudes en Chine. Mais ce n'était pas évident", déclare-t-il à l'AFP.
Le festival Croisements a pour ambassadeur le chanteur et guitariste Cui Jian, 55 ans, pionnier du rock chinois et institution dans son pays.
"Le concept de la Fête de la musique, c'est génial. Dans les années 80, j'en avais vu quelques-unes en Europe. Les rues étaient pleines de monde. Quelle ambiance! Je n'avais qu'une envie, que ça puisse être organisé en Chine", raconte à l'AFP celui qui a participé à son tout premier festival rock... en France.
Au début des années 90, dans l'ambiance post-répression des manifestations de la place Tiananmen (1989), dont il était l'icône musicale, il était loin de penser que des groupes étrangers puissent un jour se produire en Chine.
"Il y a 30 ans, c'était tout simplement inimaginable."
- Hélène et Clayderman -
Les grands concerts d'artistes internationaux sont désormais réguliers, de Bob Dylan aux stars de la pop coréenne. Pékin a même accueilli les groupes de metal Linkin Park (2015), Iron Maiden (2016) et Metallica (janvier 2017).
Côté français, les chanteuses Keren Ann, Joyce Jonathan, Alizée et Carla Bruni ont une certaine notoriété en Chine.
Mais ceux qui peuvent y organiser des concerts non subventionnés sont rares. Parmi eux, le DJ David Guetta, le pianiste Richard Clayderman (célèbre en Asie depuis plusieurs décennies) ou encore la chanteuse et ex-actrice de sitcom Hélène Rollès, qui avait réalisé une tournée fin 2015.
"On est au début", souligne Géraldine Baux, chanteuse du groupe toulousain Las Aves, qui participe à la Fête de la musique 2017 en Chine.
"Pour nous, cette tournée, c'est pour l'instant davantage une expérience que quelque chose avec un objectif concret."
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.