Le dilemme de routards à Berlin : financer ou non la Corée du Nord

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Par AFP
Publié le 13 mai 2017 - 11:18
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Le City Hostel de Berlin, le 10 mai 2017
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© TOBIAS SCHWARZ / AFP/Archives
Le City Hostel de Berlin, le 10 mai 2017
© TOBIAS SCHWARZ / AFP/Archives

Les jeunes touristes qui passent le week-end à Berlin ont bien des dilemmes: vélo ou métro ? Electro ou techno ? Parc ou musée ? Certains ont dû ajouter à la liste financer ou non le régime nord-coréen.

"Oh non les gars, on finance l'ambassade de Corée du Nord ! On est désolé, mon dieu, on n'avait pas réalisé qu'on finançait la Corée du Nord", s’affole le jeune touriste britannique Alex Smith en apprenant, sur le perron de cette célèbre auberge de jeunesse du centre de Berlin, qu'en réglant sa note, il vient par ricochet de verser des euros à Pyongyang.

"Mon ami s'est vraiment planté en réservant ici, c’est un régime (...) corrompu, diabolique, on ne veut pas lui donner d'argent", se lamente-t-il, le visage entre les mains, reprenant les critiques adressées à ce pays par nombre d'ONG et organisations internationales.

Car la presse allemande a révélé mardi que l'ambassade de Corée du Nord à Berlin était propriétaire des murs de cet hôtel, le City Hostel, une auberge de jeunesse populaire chez les backpackers, et qu'elle percevait à ce titre 38.000 euros de loyer mensuel.

Les deux bâtiments sont seulement séparés par une petite haie bien entretenue. D'un côté, l'établissement hôtelier à bas prix avec son joyeux va-et-vient, de l'autre, 10 mètres plus loin, la représentation diplomatique aux allures de blockhaus mystérieux d'où personne n'entre ou sort.

- En otage -

"Ca devrait être écrit quelques part, sur les guides par exemple, ou dans les évaluations en ligne !", s'offusque Alexandra Brosseau, une autre pensionnaire venue du Québec.

"Dépenser de l'argent pour le régime nord-coréen c'est pas top", renchérit Emmanuel Giorno, un touriste italien de 28 ans.

Le gouvernement allemand n'a pas apprécié non plus et a annoncé mercredi qu'il comptait "fermer cette source de financement pour le régime nord-coréen le plus rapidement possible", la représentation diplomatique de Corée du Nord ayant interdiction de mener des activités commerciales.

"Le City hostel de Berlin ne constitue pas une activité diplomatique ou consulaire", a déclaré Martin Schäfer, le porte-parole de la diplomatie allemande, citant la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU de novembre dernier imposant de nouvelles sanctions à Pyongyang afin de priver le régime de devises pour financer de ses programmes nucléaire et de missiles.

Il n'a pas précisé comment le gouvernement comptait s'y prendre, ni si l'hôtel, qui n'est pas exploité par l'ambassade, va devoir fermer.

Les employés de l'auberge, des étudiants multilingues toujours partant pour une partie de baby-foot ou l'organisation d'une soirée cocktails, ont assuré à l'AFP n'être au courant de rien, refusant d'en dire plus.

La direction de l'établissement, une société berlinoise enregistrée au nom de GBI GmbH, après autant de mauvaise publicité, a fini par réagir dans un communiqué.

"Nous sommes pris en otage par la politique internationale", regrette le City hostel, assurant avoir reçu dès 2004 la "bénédiction du ministère allemand des Affaires étrangères et de différentes organisations" pour louer le bâtiment.

- Des lits un peu "prison" -

Mais l'hôtel, conscient des risques juridiques et commerciaux, indique aussi avoir décidé de "geler le versement des loyers jusqu'à une clarification au niveau international de la situation".

Sous les fenêtres de l'ambassade et de l'hôtel, un groupe d'une dizaine de manifestants allemands manifestent, comme chaque semaine, pour réclamer la libération des prisonniers politiques et la fin de la torture en Corée du Nord.

Gerda Herlich, une fidèle de ces rassemblements, dit savoir "depuis des années" que l'auberge de jeunesse berlinoise était la propriété de l'ambassade nord-coréenne.

"On regrette(rait) que l'hôtel ferme, on voit bien que beaucoup de touristes du monde entier viennent ici. Mais on ne peut pas financer leur programme nucléaire et les lancements de leurs fusées", tranche la vieille dame, jetant un regard compatissant en direction des jeunes routards penchés à la fenêtre de leurs dortoirs, mi-hilares mi-gênés par la tournure géopolitique qu'ont pris leurs vacances.

Diana Vukovic, une jeune touriste suisse, préfère en rire et note qu'à l’intérieur de l’hôtel rien ne rappelle la dictature nord-coréenne. Si ce n'est les lits superposés pas très confortables qui font "un peu prison".

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