-Madrid fait figure d’exception en Europe. Elle s’est libérée du joug du Covid-19, dès l’été 2020. Entre flânerie dans les ruelles, musées et dégustation de tapas, la nouvelle Movida est contagieuse.
Capitale provinciale décomplexée, Madrid s’est fait remarquer dans toute l’Europe. Ses commerces et ses restaurants avaient leurs portes grandes ouvertes, dès l’été 2020. Ce choix volontariste d’imposer le minimum de restrictions sanitaires a séduit les Madrilènes et a fait des envieux chez les voisins confinés. On en a beaucoup parlé. Une nouvelle Movida a soufflé sur la cité royale. Certes, la Movida est plus douce, moins déjantée que celle des années de l’après-Franco, mais terriblement vibrante. Ses habitants ont soif de Vivre avec un grand V. Un état d’esprit qui n’est pas éphémère, bien au contraire.
Isabel Diaz Ayuso, la candidate du Parti Populaire (PP) a remporté les élections régionales à Madrid, le 4 mai dernier. Scandant le slogan « Libertad ! » tout au long de sa campagne, elle n’a cessé d’affirmer que la vie économique était aussi importante que la santé. Egérie de la droite conservatrice, cette femme de 42 ans a enflammé le cœur de restaurateurs. Certains ont même baptisé leur pizza ou salade « Madonna Ayuso » en son honneur.
Nous avons toutefois croisé peu de touristes, bien que l’on entende la langue de Molière s’échapper dans les ruelles. La pandémie a du bon, il n’y a pas des hordes de badauds en shorts devant les principaux monuments de la belle Ibère. Il est vraiment très plaisant d’arpenter les rues piétonnes et les avenues monumentales, soigneusement manucurées. La propreté règne, le « cuicui » du passage clouté indique que l’on peut traverser. On circule facilement, comme par enchantement. Ici, pas d’embouteillages et de pistes cyclables en sens opposé à la circulation, contrairement à une autre capitale européenne dont le maire est d’origine espagnole. Les vélos loués par la ville sont en parfait état. Le maillage du métro est dense et l’on trouve dans la minute un taxi à petit prix. L’ambiance est bon enfant, on se sent en sécurité dans tous les quartiers. Pas l’ombre d’une éventuelle agression.
Flânerie dans les quartiers alternatifs populaires et branchés
Flâner dans le lacis des ruelles pittoresques est un bon moyen de comprendre l’âme des Madrilènes qui ne sont pas casaniers pour deux sous. On dit qu’ils sont tous jeunes, même les vieux ! Sur la Calle Alcala et la Gran Via, on prend le pouls de la capitale dont les habitants sont authentiques, sans trace de frime. Un court séjour à Madrid démarre inévitablement par un verre sur la Plaza Mayor, certes touristique, mais aux perspectives magnifiques avec ses arcades en granit. Autour de la Plaza de Santa Ana, célébrée par Pedro Almodovar dans Talons aiguilles, il est bon de musarder à la fraîche. A la
Casa Alberto, dans le barrio de Las Letras (le quartier des Lettres), nous commandons sangria et tapas et jouons des coudes pour accéder au bar. Un bon moyen d’échanger avec les habitués. C’est dans cette bâtisse, au-dessus du bar, que Cervantès écrivit Don Quichotte. On vous l’a dit, nous sommes dans le quartier des écrivains !
Puis, nous tournons les talons pour rejoindre Chueca, un quartier branché grand comme un mouchoir de poche. Fréquenté par les jeunes noctambules disposant d’un mini budget, les bons restos ne sont pas légion. Mais nous apprécions la cuisine inventive d’
Entre Santos, un restaurant résolument moderne, décontracté. Nous rejoignons Malasana, le quartier qui s’enfièvre la nuit, dont les murs sont couverts de graffitis et tags. Autour de la Plaza Dos de Mayo, on croise des étudiants, des jeunes bobos, des vieux punks sur le retour, des hipsters et des paumés sirotant leur bibine sur un banc. Un incroyable melting-pot social et culturel. Les quartiers alternatifs de Lavapiès et La Latina valent aussi le coup d’œil.
L’art, le farniente et la gastronomie à l’honneur
Le Centre d’Art de la Reine Sofia a désormais deux cœurs. Conçu par Jean Nouvel, une immense marquise rouge en aluminium et zinc cohabite avec l’édifice Sabatini, un ancien hôpital du XVIIIème siècle qui abrite des toiles de Dali, Picabia, Miro, Braque… Le Guernica de Picasso, installé au 2ème étage, justifie à lui seul la visite. De chaque côté de l’immense fresque, deux gardiens sont postés. Comme si l’on craignait un acte de barbarie sur le chef d’œuvre espagnol représentant l’abominable barbarie de la guerre. Empruntant le dédale des sous-sols, nous accédons par un escalier en pierre à
El Jardin de Arzabal, un bar restaurant, à l’ombre des arbres et parasols, où se retrouve la bourgeoisie madrilène.
On remonte ensuite le paseo et le temps pour accéder au Prado. C’est l’un des plus riches musées au monde, avec 15 000 œuvres. Il n’y a pas foule : le plaisir de déambuler dans la galerie centrale et les salles adjacentes sans geste barrière. On peut contempler Les Ménines de Velasquez dans une quiétude presque absolue, mais aussi des tableaux de Goya, Rubens, Le Titien, Le Tintoret, Bruegel…
Au parc du Retiro, le poumon vert de la ville, on profite du bonheur autorisé de s’allonger sur les pelouses. La visite du Palais de Cristal, un tour en barque sur la pièce d’eau, nous voilà ragaillardis. Direction Salesas, le quartier des boutiques de designers espagnols, où l’on trouve Lemoniez, Ailanto ou Jorge Vazquez. C’est la parfaite antithèse de Salamenca qui concentre des magasins de marques de luxe internationales. La jeunesse dorée et une clientèle d’affaires se donnent volontiers rendez-vous dans l’un des restaurants cossus de la Calle de Jorge Juan. Nous préférons opter pour un dîner au
Sobrino de Botin à proximité du marché San Miguel, une institution dont Hemingway était un habitué. Fondé en 1725, c’est le plus vieux restaurant du monde. Goya y était serveur, faisait la plonge avant d’être accepté à l’Académie Royale des Beaux-Arts. La roue tourne en Espagne.
Palace de la Dolce Movida et Boutique-hôtel Chic et Ethnique
Le groupe
Four Seasons affiche avec fierté sa présence en Espagne, depuis le 25 septembre 2020. Il aura fallu une très forte ambition, une bonne dose d’inconscience et huit années de travaux pharaoniques pour transformer une ancienne banque (début du XXème siècle) en un hôtel cinq étoiles de 200 chambres, dont 40 suites, disposant du plus grand Spa de Madrid, d’une piscine de rêve de 14 mètres de long, sans oublier les multiples bars, restaurants et boutiques d’exception. À la fois très élégant et convivial, le
Four Seasons s’impose comme Le palace de la Dolce Movida qui manquait à la capitale madrilène. C’est « the place to be » pour y séjourner le temps d’un week-end ou prendre un verre dans le lobby ou sur le rooftop. À deux pas de La Puerta del Sol, ce joyau de l’hôtellerie est idéalement situé à l’intersection des quartiers pittoresques, et est proche des musées du Prado et de la Reine Sofia. Les chambres sont spacieuses, douillettes, vibrantes du meilleur des matériaux, beaux et puissants : tapis de laine épaisse, dressing en noyer, marbre dans la salle de bains. On y trouve des bibelots, des livres d’art, une machine Nespresso haut de gamme, des tasses en porcelaine, des produits de toilette signés Hermès… aucun détail n’a été oublié. Enveloppées de tons doux crème, beige, ocre, et dotées d’un vitrage remarquable, ces chambres sont propices au lâcher prise et à un excellent sommeil. Au dernier étage, de l’immense terrasse, orchestrée par le designer Martin Brudnizki, on a une vue panoramique des toits de la ville. Veste bleue marine, pantalon (ou robe) rouge ou vert, le personnel du Four Seasons est stylé, d’une extrême disponibilité et gentillesse. Mieux vaut réserver si l’on veut bénéficier d’une table à l’extérieur. Avec un peu de chance, on décroche un dîner à 19h30 (tant pis pour l’heure espagnole !), car la demande est importante. Il est vrai qu’il y a de nombreux amateurs de la cuisine « conceptuelle » de Dani Garcia, chef andalou mondialement renommé, ex-triplé trois étoiles Michelin pour son restaurant de Marbella.
Situé dans le quartier littéraire de Madrid, l’
Urban, boutique hôtel chic et ethnique, est plébiscité par une clientèle jeune qui apprécie son originalité. Dès l’accueil, on est embarqué dans l’aventure du propriétaire de la chaîne
Derby Hôtels Collection. Jordi Clos a décoré l’Urban, du sol au plafond, avec de spectaculaires sculptures en provenance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Dans chaque chambre, il y a une pièce unique ! Le musée, installé au sous-sol, est incontournable pour les amateurs d’art tribal… et tous les curieux. Terrasse avec piscine, le bar est un endroit enchanteur pour boire un verre. Le restaurant Cebo conjugue la gastronomie madrilène avec différentes influences méditerranéennes. Visible de la rue, le Glass Bar se fait remarquer tout de verre vêtu jusqu’aux chaises translucides dessinées par Philippe Starck.