Droit à l’oubli sur internet : comment marche le droit au déréférencement ?

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Thierry Vallat avec la rédaction de FranceSoir
Publié le 01 mars 2017 - 16:08
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©Dado Ruvic/Reuters
La mise en œuvre du droit à l'oubli est complexe. C’est la raison pour laquelle il existe de nombreux litiges entre les internautes, les moteurs de recherche et la CNIL.
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Le Conseil d’Etat s'est penché fin février sur le droit à l'oubli, un principe qui permet à une personne de demander à un moteur de recherche de déréférencer des contenus la concernant. Un droit qui se heurte cependant à celui d'informer et parfois à la volonté du moteur de recherche en question. Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris, décrypte en partenariat avec "FranceSoir" les règles qui s'appliquent en la matière et les moyens permettant que n'apparaissent plus ces contenus gênants.

En tapant votre nom et prénom sur Internet, vous découvrez des informations fausses ou diffamatoires vous concernant, des photos inavouables ou des renseignements personnels dont vous ne souhaitez pas la divulgation publique: vous pouvez alors faire jouer votre droit au déréférencement.

Il s’agit d’une des composantes du droit à l’oubli sur Internet qui est le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement de tout ou partie de ses données à caractère personnel, ainsi que la cessation de la diffusion de ses données.

Ce droit à l’oubli des données à caractère personnel est consacré par la loi "informatique et libertés", le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, qui entrera en vigueur en 2018, ainsi que par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Il peut prendre plusieurs formes comme le droit d’opposition, le droit d’effacement et ce fameux droit au déréférencement.

Le Conseil d’Etat vient d’ailleurs de demander à la CJUE de préciser sa position sur le droit au déréférencement. L’occasion de revenir sur ce droit qui vous permet donc de demander à un moteur de recherche (Google, Qwant, Bing etc.) de supprimer certains résultats de recherche associés à vos noms et prénoms. Il consiste ainsi à supprimer l'association d'un résultat de recherche à la requête "nom prénom".

Ce droit vous est ouvert depuis une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne "Google Spain" du 13 mai 2014 (CJUE 13-5-2014 aff.131/12)  Depuis la reconnaissance du droit au déréférencement, la société Google a reçu plusieurs dizaines de milliers de demandes venant de France.

Pour exercer ce droit, vous devez tout d’abord accéder au formulaire en ligne mis à disposition par le moteur de recherche ou, s’il n’existe pas de formulaire, se reporter aux mentions légales de son site web pour obtenir l’adresse à laquelle adresser sa demande. Puis communiquer au moteur de recherche le contenu apparaissant dans la liste des résultats accompagné de la copie de votre titre d’identité.

Cependant, le moteur de recherche n’a pas l’obligation de systématiquement procéder au déréférencement demandé : il apprécie au cas par cas si la demande lui paraît légitime. Si vous ne recevez pas de réponse ou si celle-ci est négative, vous pouvez alors adresser une plainte à la CNIL (Commission nationale informatique et libertés).

Et attention, le droit au déréférencement ne signifie pas l’effacement complet de l’information sur le site Internet source puisque le contenu original reste consultable en allant directement sur le site à l’origine de la diffusion, c’est l’association avec vos noms et prénoms qui est effacée.

La mise en œuvre de ce droit est donc complexe et c’est la raison pour laquelle il existe de nombreux litiges entre les internautes, les moteurs de recherche et la CNIL qui sont portés devant les tribunaux. Se pose le plus souvent la question de la balance entre le droit à l’information du public et le droit à l’oubli.

Par exemple, si une personne sollicite le déréférencement auprès du moteur de recherche d’un lien vers un vieil article de presse faisant état d’une condamnation pénale dont elle avait fait l’objet, compte tenu notamment de l’ancienneté de la condamnation, la demande de déréférencement peut être jugée fondée, et il sera enjoint à Google de déréférencer ou supprimer le lien dont il était question (ordonnance référé TGI Paris 19 décembre 2014).

Mais l’inverse arrive également, lorsque Google estime que l’existence d’un intérêt prépondérant du public à avoir accès aux informations relevant de la sphère publique prime sur le droit à l’oubli. Par exemple si une décision judiciaire a fait l’objet d’une large couverture médiatique et portait sur des faits de harcèlement constitutifs d’un sujet d’intérêt général.

C’est donc pourquoi le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 24 février 2017, a préféré demander à la Cour européenne de préciser sa position  pour le droit à l’oubli d’informations révélant une orientation sexuelle, des opinions politiques, religieuses ou philosophiques, ou contenant des informations relatives à des infractions, condamnations pénales ou mesures de sûreté.

Plusieurs affaires dont était saisi le Conseil d’État conduisaient en effet à s’interroger sur les obligations de déréférencement pesant sur les moteurs de recherche lorsque ces informations sont contenues dans des articles de presse, ce qui constitue un éternel sujet de contentieux.

La balle est donc désormais dans le camp de la CJUE qui devra préciser à cet égard sa jurisprudence "Google Spain", afin que les juridictions nationales, dont la France, puissent enfin rendre des arbitrages cohérents pour l’application du droit au déréférencement et à l’oubli sur Internet.

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