Sécurité routière : les drones capables de détecter les chauffards, ce n'est pas pour tout de suite
La menace d'un PV venu des airs ne plane pas encore au-dessus des routes françaises: annoncées il y a un an, les premières expérimentations de drones ont révélé que ces engins doivent encore être perfectionnés pour être efficaces dans la lutte contre l'insécurité routière. Quand Manuel Valls évoque le 2 octobre 2015, à l'issue d'un Conseil interministériel de sécurité routière, l'expérimentation des drones pour détecter les "conduites à risques", l'annonce est remarquée. Ces engins, déjà utilisés par policiers et gendarmes en maintien de l'ordre ou pour survoler des zones d'accident aérien, ne le sont pas en sécurité routière. Enfin un outil moderne pour traquer les chauffards, s'étaient réjouis certains; une arme de plus dans l'arsenal répressif, déploraient des collectifs d'automobilistes; simple effet d'annonce, soupiraient les fatalistes.
Un an plus tard, cette "innovation" avance à petits pas. Après de premiers tests, "on ne voit pas à ce stade de mise en œuvre possible rapidement, mais c'est une piste porteuse", dit le délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe. "C'est un secteur qui évolue extrêmement vite, on va suivre les évolutions technologiques pour le lancer dès que ce sera possible", explique le représentant du gouvernement, pour qui la maturité technologique constitue le principal obstacle. La dimension juridique n'est "pas un problème majeur" car l'essentiel du cadre législatif existe déjà. La gendarmerie a notamment expérimenté en février deux modèles de drones, qui ont montré leur utilité mais aussi un certain nombre de contraintes technologiques.
"Les deux drones se sont avérés un très bon +œil déporté+ du gendarme", souligne une note de la Direction de la gendarmerie nationale (DGGN), consultée par l'AFP. Ils ont une "efficacité" pour repérer les non-respects de stop et des distances de sécurité, les dépassements dangereux et permettent aussi une "précision de l'axe de fuite du délinquant routier et l'orientation de sa poursuite". Discrets (utilisables par exemple en rase campagne où les policiers au sol sont facilement repérables), ils pourraient se substituer aux hélicoptères, peu utilisés en sécurité routière car onéreux et sollicités pour d'autres missions jugées plus prioritaires.
"Au lieu des 1.500 à 3.000 euros de l'heure -hors personnel- pour un hélicoptère, cela diviserait le coût par cent", estime un cadre d'un fabricant de drones français: "mais selon l'utilisation qu'on veut en faire, ça peut nécessiter un équipement un peu lourd". Aucun des modèles testés jusqu'à présent ne présente un profil complet, combinant qualité d'image (permettant ou non la lecture précise d'une plaque d'immatriculation), longue autonomie en vol et facilité d'utilisation (besoin ou non d'une rampe de lancement, facilité à déplacer l'engin).
Leur utilisation s'oriente avant tout vers le repérage des conduites dangereuses, signalées ensuite aux forces de l'ordre au sol. "Aucun des drones (testés) ne permet la constatation de la conduite avec téléphone portable", souligne la DGGN. Et le drone tant redouté qui flashera les excès de vitesse n'est pas encore né. "Sauf à créer un drone +sur mesure+ alliant les caractéristiques et capacités techniques des drones testés, la lecture efficace de la plaque d'immatriculation d'un véhicule en mouvement pour le contrôle sanction automatisé à partir d'un drone ne semble pas envisageable à court terme", estime la DGGN. "C'est potentiellement faisable mais il faut pour cela des drones relativement lourds. Et ça poserait la question de leur intégration dans le trafic aérien, selon les réglementations de la DGAC" (Direction de l'aviation civile), rappelle-t-on chez le constructeur de drones.
Les expérimentations vont donc se poursuivre. Ces délais suscitent l'ironie de la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon: "C'est un gadget. Il vaudrait mieux s'attacher à assurer la traçabilité des infractions constatées par les radars (fixes) pour éviter que 50% des points qui devraient être retirés ne s'évaporent", dit-elle.
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