Macron au chevet de la Guyane, six mois après le mouvement social
Six mois après le mouvement social qui a paralysé la Guyane, Emmanuel Macron se rend à partir de jeudi au chevet de ce vaste territoire français d'Amérique du sud marqué par de profondes difficultés sécuritaires, économiques et sociales, en compagnie notamment du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Il s'agit du premier voyage outre-mer du président de la République, si l'on excepte le déplacement en urgence aux Antilles après l'ouragan Irma.
Accompagné de plusieurs ministres (Outre-mer, Education, etc.), il souhaitait venir "très vite" en outre-mer, explique l'Elysée, alors que ses deux prédécesseurs avaient pris plus de temps pour leur premier voyage en terre ultramarine, eux aussi en Guyane.
Ce territoire, situé à 7.000 km de Paris, grand comme le Portugal (83.000 km2) et comptant environ 254.000 habitants, accumule difficultés et retards: immigration clandestine massive venant du Brésil, du Suriname ou d'Haïti, insécurité croissante, communes enclavées, services de santé défaillants, système scolaire inadapté, taux de chômage très élevé (23%).
Une situation explosive qui a poussé des Guyanais exaspérés à mener, en mars et avril, un vaste mouvement de blocage du territoire, clouant au sol à Kourou la fusée Ariane, vitrine de l'économie guyanaise mais surtout symbole pour la population d'inégalité sociale alors que certaines communes n'ont toujours pas d'eau courante, ni d'électricité.
Le mouvement de près de cinq semaines, porté par le collectif Pou Lagwiyann dékolé ("Pour que la Guyane décolle"), s'est conclu le 21 avril par l'Accord de Guyane, par lequel l'ancien gouvernement a acté un plan d'urgence de 1,08 milliard d'euros, signé des accords sectoriels et "pris acte" d'une demande de 2,1 mds d'euros de mesures supplémentaires.
- Prendre les problèmes à la racine -
Mais "tous les problèmes n’ont pas été réglés" par la mobilisation "et les conséquences des problématiques que nous avons soulevées, particulièrement en matière de sécurité, sont encore bien présentes", souligne le collectif dans une lettre adressée à M. Macron, à qui ils ont demandé audience.
"La population a le sentiment de ne pas avoir été entendue", estime le député Gabriel Serville. "Il faut qu'il respecte l'Accord de Guyane, car pour l'instant, la situation n'a pas bougé", renchérit Davy Rimane, du collectif.
Le chef de l'Etat vient dire "qu'il tiendra ces engagements", assure l'Elysée, avec un objectif: "prendre les problèmes à la racine".
Pour cela, il insistera sur la nécessité d'une "adaptation locale" des politiques et "fixera des priorités fortes", notamment dans "la lutte contre la délinquance et la criminalité quotidiennes" -la Guyane a le plus fort taux d'homicides en France avec 17 homicides pour 100.000 habitants-, "la lutte contre l'immigration irrégulière" -on estime entre 40 et 50.000 le nombre de personnes en situation irrégulière en Guyane- et "la lutte contre l'orpaillage clandestin", précise l'Elysée.
Sur place, M. Macron se rendra notamment à Kourou, mais aussi à Maripasoula (sud-ouest, à la frontière fluviale du Suriname) la plus grande commune de France en terme de superficie, accessible uniquement par avion ou en pirogue.
Pour le nouveau député LREM Lenaïck Adam, le désenclavement est "une des priorités" pour "ces communes qui souffrent du problème des déserts médicaux et du manque d'école".
Le chef de l'Etat sera accompagné par Jean-Claude Juncker, invité comme lui à la XXIIe Conférence annuelle des Régions ultra-périphériques (RUP, terme qui désigne les neuf territoires ultramarins de l'Union européenne), présidée par le président de la collectivité territoriale de Guyane, Rodolphe Alexandre.
Bruxelles a promis mardi de mieux tenir compte des spécificités de ces RUP, si besoin en dérogeant au droit commun communautaire.
En tête au second tour de la présidentielle (64,89%) en Guyane mais seulement troisième au soir du premier tour, derrière Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, M. Macron arrive dans un contexte tendu: la diffusion par Paris d'une note sanitaire erronée, invitant notamment à ne pas boire l'eau du robinet, a ulcéré élus et population, car elle donnait selon eux une image trop négative du territoire.
M. Macron s'était déjà rendu en Guyane, en décembre pendant la campagne présidentielle. "Je ne suis pas le père Noël. Vous êtes habitués à voir des responsables politiques qui font des promesses qui ne sont pas suivies d'effet", avait-il alors déclaré.
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