A Mantes-la-Jolie, les tours sont tombées mais les inégalités perdurent

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Par Anne LEC'HVIEN et Antoine GUY - Mantes-la-Jolie (AFP)
Publié le 27 avril 2018 - 15:45
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Des tours d'habitation dans le quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie le 5 septembre 2014
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© MIGUEL MEDINA / AFP/Archives
Des tours d'habitation dans le quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie le 5 septembre 2014
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"Avec la destruction des tours, le quartier respire. Mais c'est pas pour autant que les inégalités s'effacent": au Val-Fourré, la rénovation urbaine que le rapport Borloo veut relancer a changé le paysage mais, pour des habitants, il reste encore beaucoup à faire.

Sur la terrasse d'une sandwicherie de cette cité de Mantes-la-Jolie (Yvelines), Adama, Brahim et Karim mangent un morceau: la vingtaine passée, ils sont nés et ont grandi dans ce grand ensemble de 23.000 habitants, parfois affublé du titre de "plus grande ZUP (zone à urbaniser) d'Europe".

"Aujourd'hui au Val-Fourré, c'est bien moins violent", estime Adama dans son qamis turquoise. Si "la situation s'est améliorée", il reste un problème majeur selon ces trois jeunes, dont deux sont au chômage: l'emploi.

Avant même un travail, "on veut des formations", précise Brahim, 26 ans. "Beaucoup ont des projets ici", mais ce qu'il manque, ce sont "les financements", poursuit Adama, en buvant son thé à la menthe sur la place du marché, entre les immeubles qui ont connu une rénovation majeure en deux décennies.

Après des émeutes violentes au début des années 1990, un vaste programme de rénovation urbaine a été lancé: 411 millions d'euros investis, plus de 5.000 bâtiments démolis ou réhabilités, un hôpital déplacé et des équipements construits.

Mais la situation reste très contrastée dans cette commune située à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Paris. Au Val-Fourré, le revenu médian est de 9.000 euros par ménage contre 15.000 sur l'ensemble de la ville et le chômage atteint 25% - 45% pour les jeunes de moins de 25 ans.

Dans ce contexte, "on essaye de s'en sortir par nos propres moyens, on se débrouille", résume Adama. Lui a monté son commerce de restauration rapide, mais face à des banques frileuses, il a dû emprunter à des proches.

Ni lui ni ses amis n'ont entendu parler du rapport pour les banlieues que Jean-Louis Borloo a remis jeudi à Matignon. Fonds de 5 milliards d'euros, relance de la rénovation urbaine, efforts sur l'école... les propositions de l'ancien ministre sont censées nourrir un "plan de mobilisation" pour les quartiers prioritaires qui doit être annoncé fin mai.

- "Spirale négative" -

"Les jeunes, ils attendent plus rien de la politique, la preuve, ils ne votent pas. La politique pour eux, c'est un match de foot", "ils sont spectateurs", commente un professionnel du secteur social au Val-Fourré. Peu d'offres dans le bassin d'emploi, "discrimination" et manque de "confiance" alimentent, selon lui, le chômage des jeunes.

Après plus de vingt ans de politique de la ville, il y a toujours une "rupture" entre le centre-ville, le quartier pavillonnaire de Gassicourt et le Val-Fourré. "Ca cohabite" mais "il n'y a pas de mixité et il n'y a pas d'amélioration", souligne-t-il.

Pour le maire LR de la commune, l'urgence, "c'est d'agir sur la question du logement" et "mettre le paquet sur l'éducation". "La rénovation urbaine a commencé très tôt. Il y a 60% du quartier qui est fait, mais il y a 40% sur lequel il ne s'est rien passé", précise Raphaël Cognet, arrivé en fonctions il y a à peine six mois.

A la suite du rapport Borloo, "j'attends des moyens concrets pour terminer la restructuration de ce quartier" sans quoi "on va se remettre dans une spirale négative où la pauvreté remplace la pauvreté", assure l'élu.

"Les gens ne demandent pas l'aumône (...) ils ne demandent qu'une chose: pouvoir travailler, être logé correctement, avoir des transports qui fonctionnent", ajoute-t-il.

Sur l'éducation, autre priorité du rapport Borloo, "j'ai plutôt l'impression que ça a empiré", juge Fatima Saadan, qui dirige la plus ancienne association de soutien scolaire du Val-Fourré. "On est sur des situations de grosses difficultés scolaires qu'on n'avait pas il y a 20-25 ans".

La clef aujourd'hui, "c'est la mixité sociale et culturelle". "Il faut rompre avec l'entre-soi", estime Mme Saadan, qui ajoute en souriant: "Enfin, ce qu'on appelle l'entre-soi dans les quartiers bourgeois et le communautarisme chez nous".

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