Liberté de la presse : Joyeux anniversaire... mais triste constat

Auteur(s)
Xavier Azalbert, directeur de la publication de FranceSoir
Publié le 03 mai 2022 - 20:35
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Menottes
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Joyeux anniversaire... mais triste constat
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EDITO - Le 3 mai, c'est la Journée mondiale de la liberté de la presse (1). Ainsi en a décidé l'Assemblée générale des Nations unies ce mois de décembre 1993. Mais, en ce jour d’anniversaire, la tendance est plus que jamais celle d’un triste constat. Le 3 mai, on a beau célébrer officiellement sa liberté, la presse est, en réalité, emprisonnée. Elle l'est 365 jours par an, 366 les années bissextiles, le 3 mai compris.

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En France, la presse et les médias sont, en particulier, sous l’emprise de sept milliardaires. Ces mêmes Messieurs perçoivent, en plus, depuis longtemps des subventions d'État, pas moins de plusieurs milliards au cours des dernières années. Même si cette gigantesque manne n’est pour eux qu’un pourboire, que font-ils en échange ? Ils publient, en qualité de vérités soi-disant vérifiées, les informations qui vont dans le seul sens de la version officielle : celle qui leur est communiquée par le pouvoir en place. La boucle ne serait-elle pas bouclée si d'aventure les personnes à la tête de ce pouvoir n’étaient autres que celles que ces sept milliardaires s’emploient à faire élire à grand renfort de publications dans leurs médias ?

Et pour cause ! En contrepartie, une fois en place, ces personnes font adopter les lois qui vont principalement dans le sens des intérêts privés des plus aisés.

Oui. La presse aux ordres a pris la tangente. La tangente vers l'angle obtus (voir à ce sujet « De l'importance de l'angle »). L’angle choisi pour traiter une information, censée être l’espace de liberté du journaliste, est désormais modelé selon la seule perception désirée. Au cours de cette crise du Covid-19, nous avons vu se mélanger vrais mensonges et fausses vérités au prétexte de l'état d'urgence sanitaire pérennisé.

Le quatrième pouvoir, que représentait jadis la presse, a donc été muselé au travers non seulement de la concentration de l’information dans les mains de quelques hommes appartenant au grand patronat, mais également de ses propres instances de réglementation et de régulation, syndicalisme en tête.

De surcroît, la prolifération des organes de contrôle et de vérification des infos, en réponse à l'avènement des réseaux sociaux, aide à contrôler et à verrouiller le message unique. Le point culminant de cet état d’urgence permanent depuis deux ans : la sortie de Céline Pigalle directrice de BFMTV. Je cite : « ll ne faut pas trop aller à rebours de la parole officielle, puisque ce serait fragiliser un consensus social ! »

Diable ! À quoi cela sert-il d'avoir des journalistes si ceux-ci se conforment à la doxa ?

Nombre d'entre eux le font par peur de ne pas plaire ou par peur de perdre leur place. À tel point qu'il n'est nul besoin qu'on leur dicte la conduite à tenir : ils s'autocensurent (2).

Ce faisant, n’enfreignent-ils pas le devoir numéro un de la charte de Munich ? Du « quoi qu'il m'en coûte, je dirai la vérité », nous sommes passés à : « Je dois être prudent, je veux garder ma place. » Cependant, il faut bien admettre que nous sommes tous plus ou moins contraints à faire des compromis car il nous faut tous accommoder les priorités que la vie nous impose : les responsabilités que font peser sur nous nos conditions personnelles, sociales, familiales, ou même médicales.

Et il est vrai aussi que le métier de journaliste est à deux vitesses. D'un côté, il y a les stars du système, et de l'autre le statut précaire, celui de l’intermittent du spectacle médiatique dont la fonction est bien connue : contribuer à faire croire plutôt qu’à informer.

Pourtant, fille de la liberté d'expression, la liberté de la presse demande du courage. Le courage demande d'informer le lecteur loyalement.

À ce titre, il est indispensable de fournir à ceux qui s'y risquent l'aide requise pour pouvoir le faire sans devoir immanquablement y laisser des plumes.

Saluons au passage l’information loyale proposée par quelques insoumis. Je pense, entre autres, à André Bercoff (« Bercoff dans tous ses états »), à Ivan Rioufol (« Les points sur les I »), à Alexis Poulin (« Le monde moderne »), et aussi bien sûr à tous les journalistes citoyens qui, au sein de notre rédaction ou ailleurs, remplissent la mission d'informer de manière loyale, passant-là au-dessus des trolls payés par les officines médiatiques.

Bravo et merci à tous ceux qui sont dans cette juste lignée, qui combattent « quoi qu’il en coûte » pour la liberté d’expression.

 

(1) Pour sensibiliser à l'importance de la liberté de la presse et rappeler aux gouvernements leur obligation de respecter et de faire respecter le droit de liberté d'expression consacré par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ceci marque l'anniversaire de la Déclaration de Windhoek, déclaration des principes de liberté de la presse qui a été mise en place par des journalistes de presse africains écrite en 1991. Et à cette occasion, le 3 mai le Prix mondial de la liberté de la presse est aussi remis.

(2) Discours de Mike Pence

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