INTERVIEW : Ifé de the Voice : « J’ai appris que tout peut changer en un instant »
INTERVIEW EXCLUSIVE : Ifé, Franck-Olivier Gnacadja, étudiant aux Beaux-Arts et artiste. Originaire du Bénin, il est arrivé en France il y a quelques années pour faire ses études. Il a intégré la saison neuf de l’émission The Voice dans l’équipe de Marc Lavoine. Il est actuellement en demi-finale en attente des phases finales suspendues. Dans un entretien à hauteur d’hommes nous avons pu lui parler et évoquer avec lui le confinement, la situation du Covid dans son pays natal et ses projets.
Etonnant de simplicité et tout simplement chaleureux !
FranceSoir: Nous vivons une période particulière. Comment avez-vous affronté le Covid 19?
Ifé : Je ne regarde pas la télévision mais je m’informe au travers d’internet. J’avais suivi le développement de l’épidémie à Wuhan en Chine. Je n’étais pas spécialement inquiet, cependant mes parents m’en ont parlé au téléphone et m’avaient conseillé de me préparer au confinement. Au second appel de mes parents, inquiets de la situation, quand on vous dit que la vie est en jeu, j’ai écouté : fais attention à toi, respectes les consignes.
Je me suis donc confiné dans ma résidence et suis très peu sorti, uniquement pour faire des courses. Au début, je n’avais pas de masques, je mettais des gants. Grâce à la communauté de ma résidence, je me suis débrouillé et j'ai pu en obtenir.Cependant, on ne prend la mesure que quand on apprend que des proches ont été emportés par le Covid. Le boucher du supermarché à côté de chez moi emporté ! Une amie a été aussi emportée pendant le confinement mais du cancer et je n’ai pas pu être à côté d’elle à ce moment-là. J’ai pris conscience de l’impact pour la société et cela m’a déstabilisé, y compris pour The Voice.
Si on n’était pas confiné, la finale serait déjà là, que je sois en finale ou pas. Mais être dans The Voice et être confiné ce n’est pas facile pour un talent.
FS : A quoi ressemblait votre quotidien pendant le confinement ?
IFE : Je regardais des séries, j’ai répété, écouté de la musique et j’ai beaucoup dessiné, principalement chez moi car c’est le meilleur endroit pour créer. Je suis un artiste à part entière. Quelques jeux vidéo de temps en temps et puis je teste de nouvelles choses, une nouvelle application musicale.
J’ai essayé de vivre ce confinement tranquillement sans m’inquiéter
FS :. Qu’avez-vous appris de tout cela ?
IFE : Sur la société, le confinement a révélé des choses surtout au début: on se sert d’internet et il n’a jamais été autant utilisé que pendant cette période. J’ai pu observer de la créativité, des talents des peintres, des musiciens, des chanteurs. Il a permis aux gens de se redécouvrir et de partager de la joie pas forcement en France.
Personnellement, j’ai appris que tout peut changer en un instant, notre façon de vivre peut changer ainsi que notre manière de voir le monde. Je me suis posé des questions sur notre société et ce qui ne va pas. Je me demande si, post covid, le déconfinement aura été efficace et comment se passe la situation en Afrique dans mon pays. Je ne sais pas si je suis sorti grandi de ce confinement. J’ai essayé de ne pas stresser.
Une anecdote, la vie, et par rapport à la mort, cette mortalité qui est apparue et cette peur qui s’est installée, ça m’a rappelé qu’il faut prendre soin des gens que l’on aime. Je me suis aussi posé des questions sur
ce que je voulais faire de la musique, et si je voulais vraiment faire carrière dans la musique, ou ce que je voulais faire après The Voice
FS : Lors de l'émission de The Voice, vous avez parlé de votre pays natal, comment les gens vivent-ils la crise là-bas?
IFE : Le Covid s’est déplacé mais n’est pas arrivé tout de suite en Afrique. Pour ce qui est du Bénin j’étais en contact avec mes parents et surtout un de mes cousins. Je lui ai posé des questions.
D’ailleurs, beaucoup de personnes en Europe se posaient des questions pour savoir comment l’Afrique allait gérer la situation. J’ai voulu croire que l’Afrique arriverait à gérer la situation et c’est le cas.
Au Bénin, Il y a eu 200 cas de recensés et deux décès. Les chiffres m’ont permis avant tout de ne pas m’inquiéter. Cependant, le Bénin n’a pas les moyens de faire un confinement comme en France alors un cordon sanitaire a été mis en place. Il y a de grosses différences, par exemple, la petite vendeuse du coin avec son échoppe en chaume ne va pas pouvoir gérer la situation économique. Là-bas aussi les policiers peuvent être bien plus sévères avec les gens qui ne respectent pas les consignes sanitaires. A partir du moment où le gouvernement a décidé de fermer les écoles, les Béninois ont commencé à prendre le Covid au sérieux. Mais là-bas il n’y a pas eu de problèmes de distribution de masques.
En fait, je suis assez fier de la réaction des Béninois. On a démystifié toutes les spéculations que l’Europe a pu faire à ce sujet.
FS : Comment envisagez-vous la suite de l'aventure de The Voice puisque vous avez atteint la phase finale ?
IFE : Hormis la situation liée au Covid, c’est une belle expérience. J’ai intégré l’émission pour continuer à apprendre dans tous les sens; C’est un rêve de gosse. On a eu des moments de jams avec les coachs, les autres artistes. Ça fait du bien de rencontrer des gens talentueux.
Aussi, j’ai pu rendre hommage à mon petit frère (ndlr : emporté tragiquement dans un accident il y a quelques années). Je me suis aussi rendu hommage en faisant retourner les 4 coachs. J’ai pu aussi mettre en avant ma culture en montant pieds nus sur scène; et travailler vraiment dur avec les professionnels qui sont là pour nous apprendre.
Ce sont des éléments de réussite.
FS : Allez-vous continuer à puiser dans votre répertoire éclectique (Drowning...)
Il y a une part de moi qui me dit que cela aurait été génial d’enchaîner, mais peut-être que d’avoir du temps va me permettre de m’imprégner encore plus de la chanson que je vais utiliser, j’ai eu une nouvelle brûlure qui m’a donnée envie de gagner !
Pour la phase finale, j’ai encore des choses à prouver, j’ai l’intention de chanter un grand classique de la chanson française pour rassembler le public afin de montrer que je suis un artiste polyvalent.
Eclectique mais un classique francais.
FS : Et le choix du coach, on en parle ?
IFE : J’ai choisi Marc Lavoine car il m’a parlé droit au cœur. Il avait tout compris, il m’a lu à livre ouvert. J’ai été très surpris de le voir venir avec les larmes aux yeux.
FS : Qu'est ce qui vous motive dans la vie post confinement ?
IFE : Ce qui me motive c’est mon petit frère. Je vis pour deux personnes, je fais mon chemin sur cette terre quand mon petit frère fait son chemin dans un autre monde. Je viens de repenser à une de ses dernières phrases sur Messenger : « Quand je te regarde je vois ton dos et je ne veux pas voir ton dos tomber ».
J’avance car je ne suis pas seul, j’ai ma famille et j’ai des gens qui croient en moi. Je suis né avec des compétences, j’ai deux pieds, deux mains, une tête. J’aimerais créer un incubateur de créativité dans mon pays afin que les gens puissent utiliser l’art et leur créativité comme moteur et qu’ils puissent réaliser ce qu’ils peuvent devenir.
FS : Vous lisez ?
IFE : Je lis des articles et des mangas où j’ai appris beaucoup de valeurs. Ce confinement m’a appris qu’il y a beaucoup de livres d’artistes béninois qui vont me permettre de retourner à ma culture. J’ai faim de grandir.
PS : Le mot de la fin ?
Mon mot de la fin, en post confinement, il faut que l’on comprenne que le temps est court,
il faut s’y mettre maintenant, pas à pas et saisir les opportunités, essayer c’est essentiel !
Et en cadeau, Ifé nous a fait un petit dessin. Merci!
Et sa vie récente avec ses dessins :
Ifé : Je suis venu
Ifé : j'ai vu
Ifé : j'ai été confus
Ifé : j'ai été vaincu
Ifé : je l'ai perdu
Ifé : on a cru
Ifé : je l'ai eu
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