Pourquoi les sportifs peuvent-ils développer des troubles cardiaques sévères ou mortels après un effort intense, suite à une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination ?

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Estelle Fougères, pour FranceSoir
Publié le 17 décembre 2022 - 20:30
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Covid-19 et vaccination: les nouvelles découvertes de Jean-Marc Sabatier, microbiologiste
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Pourquoi les sportifs peuvent-ils développer des troubles cardiaques sévères ou mortels après un effort intense, suite à une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination?
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ENTRETIEN – Les personnes qui pratiquent un sport de manière intensive, qu’elles soient professionnelles ou non – peuvent présenter des troubles cardio-vasculaires sévères ou mortels suite à une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination anti-Covid.

Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille, revient sur les aspects physiopathologiques de ces phénomènes et expose les mécanismes biologiques qui peuvent conduire au décès brutal d’un sportif de haut niveau.

Nous précisons que Jean-Marc Sabatier s'exprime ici en son nom.

 

Estelle Fougères – Depuis plusieurs mois, des accidents cardiaques surviennent chez des athlètes et des personnes qui pratiquent une activité sportive qui nécessite un effort intense. Si certaines personnes lient ces événements avec un Covid sévère ou une vaccination, d’autres pensent que ces accidents cardiaques sont instrumentalisés et récupérés par certaines personnes pour alimenter les soupçons autour de la vaccination.

Pourtant, au-delà des accidents cardiaques fatals, il a été observé lors de manifestations sportives (courses de vélo, marathons) que nombre de sportifs, souffrant de difficultés respiratoires, abandonnaient les compétitions. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ces phénomènes nouveaux observés ?

Jean-Marc Sabatier – Oui, pour ce faire, il faut néanmoins que je revienne au préalable sur certains mécanismes biologiques qui surviennent chez une personne (un hôte) lors d’une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination anti-Covid.  

 

Estelle Fougères – Que se passe-t-il chez une personne lors d’une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination anti-Covid ?

Jean-Marc Sabatier – Une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination peut se traduire par un dysfonctionnement du système rénine-angiotensine (SRA), qui est un système ubiquitaire se retrouvant sur les nombreux organes et tissus de l’organisme (cœur, foie, poumons, pancréas, reins, rate, cerveau, intestins, système auditif, système vasculaire, yeux, glandes surrénales, systèmes reproducteurs et autres). Le SRA est responsable des fonctions autonomes rénales, pulmonaires et cardio-vasculaires. Il contrôle aussi l’immunité innée et les divers microbiotes (intestinal, vaginal, buccal). Lors de la fixation de la protéine spike du virus ou vaccinale sur le récepteur ECA2 (enzyme de conversion de l’angiotensine-2) des cellules cibles, la dégradation de l’angiotensine-2 (une hormone) est gênée, ce qui conduit à un excès d’angiotensine-2 et à la suractivation de son récepteur AT1R. La suractivation du récepteur « délétère » AT1R du SRA est responsable des maladies Covid-19. Le récepteur AT1R suractivé est pro-hypertenseur, pro-inflammatoire, pro-thrombotique, pro-hypoxémique, pro-hypoxique, pro-oxydant, pro-angiogénique, pro-fibrosant, pro-hypertrophiant, et fait chuter le monoxyde d’azote (impliqué dans les phénomènes inflammatoires, immunitaires et mnésiques). Ainsi, le récepteur AT1R suractivé induit une hypoxémie (faible taux d’oxygène dans le sang ; cet oxygène est principalement transporté par les globules rouges) et une hypoxie (apport insuffisant d’oxygène dans les cellules et tissus de notre organisme) associée. Ce manque d’oxygène circulant dans le corps humain est particulièrement délétère, car il induit une « souffrance » et un dysfonctionnement des cellules, tissus, et organes, pouvant conduire au décès de la personne.

 

Estelle Fougères – Comment s’effectue l’apport en oxygène dans l’organisme ?

Jean-Marc Sabatier – Les globules rouges du sang – via l’hémoglobine –  transportent l’oxygène à nos cellules, tissus et organes. Une faible quantité d’oxygène est aussi transportée par le plasma sanguin qui est la composante liquide du sang, dans lequel « baignent » les cellules sanguines (le plasma, qui représente 55% du volume total du sang, contient 90% d’eau et de très nombreuses molécules et sels). Ces globules rouges transportent également le CO₂ (dioxyde de carbone) – considéré comme un déchet – vers nos poumons pour qu’il soit éliminé. La saturation en oxygène (SaO₂) traduit le pourcentage d’hémoglobine des globules rouges saturée en oxygène par rapport à l’hémoglobine totale du sang. Ce taux de saturation en oxygène du sang peut être mesuré par une analyse du sang artériel (mesures des gaz : oxygène O₂ et CO₂), ou via un oxymètre de pouls à infrarouge qui mesure la saturation pulsée de l’hémoglobine en oxygène (pression exercée par l’oxygène gazeux dissous dans le sang PaO₂). La saturation en oxygène normale d’une personne varie de 95% à 100%. Elle est insuffisante en dessous de 95% : il s’agit d’une hypoxémie. Lorsque la saturation en oxygène du sang est inférieure à 90%, l’hypoxémie est associée à une insuffisance respiratoire (essoufflement, difficulté à respirer, cyanose, etc.), voire un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Un traitement par oxygénothérapie est alors nécessaire.

 

Estelle Fougères – Qu’en est-il de la consommation d’oxygène et de la production d’énergie chimique chez un individu, notamment lors d’un effort physique ?

Jean-Marc Sabatier – Lors d’un effort physique, la dépense en énergie de notre organisme augmente, ce qui se traduit par une consommation plus importante en dioxygène O₂ (et rejet de CO₂) et en glucose (molécule indispensable à nos muscles) du sang. La consommation en O₂ et glucose est proportionnelle à l’intensité de l’effort. Nos cellules utilisent des molécules d’ATP (adénosine triphosphate) qui est une forme de stockage de l’énergie chimique dans nos cellules. La cellule peut emprunter plusieurs voies métaboliques pour produire de l’ATP : une des voies utilise de l’oxygène (voie aérobie qui est consommatrice de glucose), et deux voies n’utilisent pas d’oxygène (voies anaérobies alactique et lactique ; cette dernière consomme du glucose). Ainsi, les voies métaboliques aérobie et anaérobie lactique consomment du glucose.

Lors de l’effort, les voies métaboliques des cellules musculaires sont sollicitées pour produire de l’ATP, notamment la voie aérobie. Il existe donc une augmentation de la consommation en O₂ et en glucose sanguins au niveau des muscles (ainsi qu’une augmentation du rejet de CO₂). Le glucose provient de la digestion des aliments et entre dans le sang au niveau de la muqueuse intestinale. Le foie est un organe qui stocke le glucose sanguin sous forme d’un polymère de glucose, appelé glycogène. Les cellules du foie et des muscles (ainsi que d’autres cellules) de notre organisme stockent ainsi l’énergie chimique sous forme de glycogène, qui peut rapidement libérer du glucose (par glycogénolyse). Le glucose libéré dans le sang peut être alors utilisé par les cellules de nos tissus et organes (tels que les muscles) pour produire de l’ATP, source d’énergie. Les muscles reconstituent leurs réserves de glycogène à partir du glucose (par glycogénogenèse) après l’effort. Lors de l’effort physique, le glucose est d’abord partiellement dégradé dans le cytosol de la cellule par un mécanisme anaérobie (sans utilisation d’oxygène) appelé glycolyse. Il se forme 2 molécules de pyruvate, ainsi que 2 ATP.

Dans un second temps, le pyruvate formé sera dégradé, soit en présence d’O₂ (processus aérobie de la chaine respiratoire après décarboxylation du pyruvate en acétyl-CoA et une série de réactions de transformations chimiques (oxydo-réductions) appelée cycle de Krebs) après la pénétration du pyruvate dans les mitochondries (qui sont les centrales énergétiques de la cellule eucaryote), soit en absence d’O₂ (processus anaérobie de la fermentation lactique) dans le cytosol de la cellule. Au total, pour 2 molécules de pyruvate introduites dans une mitochondrie, le bilan (après décarboxylation du pyruvate et le cycle de Krebs) est la formation de 2 ATP (et 10 autres composés réduits RH2). Ainsi, une molécule de glucose va donner 4 ATP (après glycolyse, décarboxylation du pyruvate et cycle de Krebs), ainsi que 6 CO₂ et 12 composés réduits RH2.

La plus importante production d’ATP sera finalement réalisée dans la mitochondrie via la chaine respiratoire consommatrice d’oxygène (O₂). Cette chaine respiratoire dans la mitochondrie correspond à un ensemble de transporteurs d’électrons qui oxydent les composés réduits RH2 et dont l’O₂ est l’accepteur final d’électrons. Globalement, une molécule de glucose produit 36 molécules d’ATP par la voie aérobie (2 ATP via la glycolyse, 2 ATP via le cycle de Krebs, et 32 ATP via la chaine respiratoire de la membrane interne mitochondriale). Elle aura aussi consommé 6 molécules d’O₂ et produit 6 molécules de CO₂.

La respiration n’est pas l’unique voie métabolique de production d’énergie permettant la contraction des muscles. D’autres voies existent en anaérobiose (non consommatrices d’oxygène). Dans la voie anaérobie de la fermentation lactique du glucose pour produire de l’ATP afin de faire fonctionner les fibres musculaires en contraction (voire les cellules cérébrales, rétiniennes et les érythrocytes), la glycolyse produit du pyruvate (générant 2 molécules d’ATP) qui subit une fermentation (en dehors des mitochondries) donnant de l’acide lactique. Cette voie restaure les composés accepteurs R (NAD+) du cytosol qui seront utilisés pour la glycolyse produisant de l’ATP hors chaine respiratoire. En s’accumulant dans les cellules musculaires, l’acide lactique diminue le pH intracellulaire pouvant provoquer des douleurs et des crampes. L’acide lactique sera transformé en pyruvate au niveau du foie. Il est notable qu’au tout début d’un effort intense, une autre voie anaérobie produisant de l’ATP (à partir de l’ADP) est l’hydrolyse de la phosphocréatine. Cette voie particulière, dite alactique, ne dure qu’une dizaine de secondes et est relayée par la voie anaérobie de la fermentation lactique pour une production d’ATP. Les fibres musculaires fonctionnent ainsi grâce aux molécules d’ATP produites en anaérobiose (via la phosphocréatine et la fermentation lactique) ou en aérobiose (via la respiration). Au début de l’effort intense, l’ATP stocké et la phosphocréatine sont consommés par les cellules, suivi de la fermentation lactique et du métabolisme respiratoire. Ce dernier est dépendant de l’apport des cellules en O₂.

Cet apport en O₂ dépend de la capacité du système respiratoire ainsi que de la circulation sanguine de l’individu. À une capacité maximale de ces systèmes, la voie anaérobie de fermentation lactique apporte un supplément d’ATP. Il est important de mentionner qu’en absence de glucose (parfois en cas de diète, stress ou exercice physique), les triglycérides (lipides naturels triesters d’acides gras) du tissu adipeux – qui servent au stockage des acides gras – peuvent être oxydés pour produire un grand nombre de molécules d’ATP. La dégradation des acides gras contenus dans ces lipides se produit dans les mitochondries suivant des réactions regroupées sous l’appellation d’hélice de Lynen (beta-oxydation des acides gras). Lors d’un cycle de l’hélice de Lynen, l’acide gras libère 2 carbones en produisant de l’acétyl-CoA qui entrera dans le cycle de Krebs pour produire de l’ATP. Tandis que le glucose constitue le principal substrat énergétique des cellules (il peut donner 36 liaisons riches en énergie par mole), les triglycérides (ils peuvent donner 432 liaisons riches en énergie par mole) constituent la meilleure réserve énergétique de l’organisme.

Le corps humain contient en moyenne environ 250 g d’ATP, 10 g de glucose, 400 g de glycogène, et 7 kg de triglycérides.

 

Estelle Fougères – Qu’en est-il de l’adaptation de notre organisme (constitution physique, voies métaboliques, etc.) aux sports pratiqués ?

Jean-Marc Sabatier – Dans le cadre d’une pratique sportive intensive, il existe une adaptation de notre corps et de son métabolisme à la pratique de ce sport. À titre d’exemple, nous allons développer préférentiellement un type de fibres musculaires particulier (dans les muscles sollicités), suivant que l’on pratique un sport d’endurance ou de force instantanée.

Ainsi, un coureur d’endurance (marathon) n’aura pas la même constitution musculaire qu’un sprinter (coureur de 100 m). Les muscles du marathonien seront enrichis en fibres musculaires de type I : celles-ci sont riches en vaisseaux sanguins, myoglobine (fixant l’O₂), et mitochondries. Le métabolisme de ces fibres est essentiellement aérobie (dépendant de l’O₂), tandis que les métabolismes dits anaérobies (alactique et lactique) sont fortement réduits. La réserve de glycogène (polymère de glucose) et la force développée par ces fibres sont faibles. Ces fibres musculaires présentent également un temps de contraction long et une vitesse de contraction lente.

Au contraire, le sprinter développera préférentiellement des fibres musculaires de type II : celles-ci sont pauvres en vaisseaux sanguins, myoglobine (fixant l’O₂), et sans mitochondrie. Ces fibres présentent des métabolismes exclusivement anaérobies (indépendants de l’O₂). La réserve de glycogène et la force développée par ces fibres sont fortes. Ces fibres musculaires présentent un temps de contraction court et une vitesse de contraction rapide.

Ainsi, les fibres musculaires de type I ont un métabolisme principalement aérobie et sont adaptées à l’effort durable de faible puissance (endurance), tandis que les fibres de type II présentent des métabolismes anaérobies et sont adaptées à l’effort court et de forte puissance (force instantanée, dite explosive). Ces exemples illustrent clairement une adaptation des muscles enrichis en l’une ou l’autre des fibres musculaires (fibre de type I ou II) en fonction du sport pratiqué.

 

Estelle Fougères – Qu’en est-il de la consommation d’oxygène chez une personne « normale » (non entraînée) par rapport à celle d’un sportif de haut niveau ?

Jean-Marc Sabatier – Il existe une adaptation de notre organisme à la pratique intensive – ou non – d’un sport, y compris en termes de consommation d’O₂, de glucose, et les métabolismes associés. Notre organisme consomme de l’O₂ de l’atmosphère tandis qu’il va rejeter le CO₂ produit. La consommation d’O₂ et le rejet de CO₂ correspondent respectivement à VO₂ et VCO₂. Ces dernières s’expriment en volume en fonction du temps (litre par minute), ou en volume en fonction du temps et de la masse corporelle (millilitre par minute et par kilogramme de masse corporelle). Au repos, nous consommons une certaine quantité d’O₂ ; cette quantité d’O₂ consommée augmente lors de l’exercice physique, proportionnellement à l’effort produit, jusqu’à un certain seuil maximal, appelé VO₂max (consommation maximale d’O₂).

Lorsque la VO₂max est atteinte, la consommation d’O₂ de l’individu ne pourra augmenter, quel que soit le travail supplémentaire fourni par celui-ci. Cela signifie qu’au-delà de la VO₂max, la totalité de l’énergie supplémentaire fournie par l’individu proviendra du métabolisme anaérobie (fermentation lactique). Ainsi, la VO₂max est représentative de l’aptitude aérobie. Avec la pratique sportive (en condition classique aérobie), un individu verra sa valeur de VO₂max augmenter (jusqu’à une certaine limite).

Pour une personne « normale » non entraînée, la VO₂max est voisine de 40 ml/min/kg. La VO₂max d’un sportif moyen se situe vers 60 ml/min/kg. Les meilleurs sportifs ou athlètes présentent des VO₂max supérieures à 95 ml/min/kg (soit environ 2,4 fois la VO₂max d’une personne « normale » non entraînée). Pour que l’apport en O₂ de l’air puisse se traduire en une augmentation de l’énergie musculaire, l’O₂ doit d’abord atteindre les alvéoles pulmonaires, passer dans le sang (franchissement de la barrière pulmonaire), migrer à proximité des muscles via la circulation sanguine (transport par les globules rouges), passer des capillaires sanguins aux mitochondries présentes dans les cellules musculaires, puis être utilisé par ces mitochondries. Au cours de l’effort intense, le débit cardiaque augmente d’un facteur 8 suite à l’augmentation de la fréquence cardiaque et de la quantité (X 2) de sang expulsé à chaque battement du cœur. Pour que les muscles en contraction soient bien alimentés en gaz (O₂) et métabolites du sang, le flux sanguin augmente fortement à proximité des muscles (1 l/min au repos à 18 l/min à l’effort) tandis qu’il est (parallèlement) réduit dans certains organes tels que le foie, les reins et les intestins (grâce à un réseau de capillaires sanguins pouvant s’ouvrir ou se fermer suivant les besoins physiologiques).

L’O₂ transféré des poumons au sang est capté par l’hémoglobine des globules rouges pour un transport actif jusqu’aux tissus et cellules. Au repos, 97-100% de l’hémoglobine a fixé l’O₂ (l’hémoglobine est alors saturée à 97-100% en oxygène) quelles que soient les personnes concernées (personnes « normales » (non entraînées) ou sportifs). Lors de l’effort intense, les personnes « normales » (non entraînées) ne montrent pas de variation du taux de saturation en O₂ de l’hémoglobine. À l’inverse, les sportifs de haut niveau montrent une chute de ce taux de saturation, qui peut atteindre une valeur voisine de 90%. Ces derniers se retrouvent dans une situation « délétère » de désaturation sanguine en O₂, correspondant à une hypoxémie (saturation du sang en O₂ inférieure à 95%) entraînant l’hypoxie (apport insuffisant de l’O₂ aux organes, tissus et cellules), et des complications physiologiques potentielles (troubles cardio-vasculaires et/ou neurologiques). Il est notable que le défaut d’oxygénation des cellules myocardiques (muscle cardiaque) peut conduire à un infarctus du myocarde (crise cardiaque).

 

Estelle Fougères – Pouvez-vous expliquer les raisons pour lesquelles les sportifs de haut niveau (athlètes) ou les personnes qui pratiquent intensément un sport sont susceptibles de présenter une hypoxémie suite à un effort physique intense, contrairement aux personnes « normales » (non entraînées) ?

Jean-Marc Sabatier – Lors de l’effort, notre organisme (e.g. muscles) consomme de l’O₂, du glucose et de l’ATP. La vitesse de formation de l’ATP est critique et doit compenser sa consommation par nos cellules, notamment musculaires. Une étude (Blomstrand, 1986) sur les effets de l’entraînement (endurance) sur les vitesses de production d’ATP par dégradation du glucose ou glycogène à partir de la glycolyse et du cycle de Krebs nous éclaire sur le sujet. Il apparait que les personnes « normales » (non entraînées) ont une cinétique de production de l’ATP très élevée via le métabolisme anaérobie (sans oxygène). En comparaison, les sportifs/athlètes présentent une vitesse de production de l’ATP en anaérobiose réduite d’environ 44% tandis que la production d’ATP en aérobiose (avec oxygène) a augmenté d’environ 90%.

Ainsi, les sportifs/athlètes – via l’entraînement – favorisent une dépendance à l’oxygène (O) pour la production énergétique, contrairement aux personnes « normales » ne pratiquant pas de sport intensif. Dans les conditions habituelles, l’incidence de ces différences de production d’ATP par des voies métaboliques anaérobie ou aérobie est probablement négligeable.

Dans des situations atypiques telles qu’une infection au virus SARS-CoV-2 ou une vaccination anti-Covid, l’impact peut être majeur, car la protéine Spike virale ou vaccinale peut induire une hypoxémie et une hypoxie, via la suractivation du système rénine-angiotensine et de son récepteur « délétère » AT1R qui est (entre-autres) pro-hypoxémique et pro-hypoxique. L’hypoxémie et l’hypoxie (potentiellement) induites par la protéine Spike se « rajoute » à l’hypoxémie/hypoxie provoquées par l’effort physique intense du sportif/athlète, conduisant à un possible détresse respiratoire et arrêt cardiaque (le système rénine-angiotensine – qui normalement contrôle les fonctions autonomes cardiaques – est dysfonctionnel).

En parallèle, le muscle cardiaque du sportif/athlète peut être fragilisé par une inflammation (myocardite ou péricardite), une fibrose, et/ou hypertrophie de l’organe, consécutives à l’infection virale ou la vaccination. Il est notable que l’hypoxémie silencieuse est une pathologie bien établie de la Covid-19 (« hypoxie heureuse »). Elle a la particularité d’être potentiellement sévère (jusqu’à une saturation en O₂ du sang voisine de 50%) en absence de signes évidents de dyspnée ou détresse respiratoire. Cet état d’hypoxémie silencieuse peut conduire à une aggravation clinique rapide (coma) et fatale, car il est mystérieusement dépourvu de système d’alerte. Parallèlement au cœur, l’hypoxémie silencieuse peut affecter les poumons, les reins et le cerveau.

Une étude des profils génétiques de grands sportifs a été réalisée. Celle-ci a révélé l’importance du récepteur ECA (enzyme de conversion de l’angiotensine-1) du système rénine-angiotensine (SRA) dans la performance. À ce titre, le gène ECA a été dénommé le « gène de la performance » dès 1998. Ce gène présent sur le chromosome 17q23 est constitué de 25 introns (parties codantes) et 26 exons (parties non codantes). Le produit du gène ECA (21 kilobases) est le récepteur ECA qui permet la transformation de l’angiotensine-1 en angiotensine-2. L’angiotensine-2 agit sur le récepteur AT1R, induisant – entre autres – une vasoconstriction (rétrécissement des vaisseaux sanguins) et une augmentation de la volémie (volume total de sang circulant dans l’organisme). Il existe un polymorphisme du gène suivant qu’il y ait une insertion (allèle I) ou une délétion (allèle D) de l’intron 16. Ainsi, ce polymorphisme engendre 3 types possibles d’individus porteurs du gène ECA : les homozygotes II et DD et l’hétérozygote ID. Ces trois types de porteurs expriment des taux différents du récepteur ECA (une augmentation du récepteur ECA cellulaire se traduit par une augmentation du taux sanguin et tissulaire d’angiotensine-2) : deux fois moins de récepteurs ECA pour l’homozygote II par rapport à l’homozygote DD, tandis que l’hétérozygote ID présente une expression intermédiaire de ECA. Les porteurs homozygotes II (moins de récepteurs ECA) ont une pression artérielle et une volémie plus faible, un système cardio-vasculaire plus performant, un métabolisme aérobie plus développé, une meilleure endurance, et un VO₂max plus élevé. Les porteurs homozygotes DD (plus de récepteurs ECA) sont sujets à une hypertrophie pariétale du ventricule gauche après l’entraînement, une force des muscles squelettiques supérieure, un métabolisme anaérobie prépondérant, une prédisposition aux sports à force instantanée, dits explosifs (sprinter, haltérophile, etc.).

 

Estelle Fougères – Pouvez-vous expliquer les liens qui existent entre le système rénine-angiotensine et l’hypoxémie ?

Jean-Marc Sabatier – Le système rénine-angiotensine (SRA) est directement lié à l’hypoxémie, car le récepteur « délétère » AT1R du SRA suractivé est pro-hypoxémique et pro-hypoxique. Les antagonistes de AT1R (sartans) s’opposent à l’hypoxémie induite par le récepteur AT1R. Le récepteur AT1R est responsable des maladies Covid-19 via l’activation de nombreuses voies de signalisation cellulaire (dont P38/MAPK, JAK/STAT et NF-kappaB). Le SRA contribue à la déficience en O₂ de l’organisme lorsqu’il est suractivé (SRA dysfonctionnel), car il induit un syndrome d’activation macrophagique responsable de l’hémo-phagocytose (attaques des globules rouges provoquant une anémie, des globules blancs – sauf granulocytes neutrophiles – provoquant une lymphocytopénie, et des plaquettes sanguines induisant une thrombocytopénie). Ainsi, la chute du nombre de globules rouges circulants est défavorable au transport d’O₂ par l’hémoglobine de ces cellules. Le SRA dysfonctionnel active aussi une NADPH oxydase (NOX) via le récepteur AT1R suractivé. Cette enzyme redox produit dans la cellule des particules réactives de l’oxygène (anions superoxydes O₂.-, peroxydes d’hydrogène H₂O₂) à l’origine d’un dysfonctionnement mitochondrial. L’atteinte des mitochondries (centrales énergétiques) conduit à une mort cellulaire. NOX activée est aussi consommatrice de l’O₂.

De l’ensemble de ces données, il apparait clairement qu’il existe un réel danger pour les sportifs de haut niveau ou athlètes de subir, après une infection au SARS-CoV-2 ou une vaccination (ou tout rappel vaccinal), une hypoxémie « délétère » lors d’un exercice physique intense. Cette hypoxémie peut être silencieuse et s’accompagner d’autres pathologies cardio-vasculaires (e.g. myocardite, fibrose cardiaque), la rendant particulièrement sournoise et mortelle. Ceci pourrait expliquer de « mystérieux » décès observés chez les sportifs/athlètes.

Par ailleurs, il existe une proportion anormalement élevée de sportifs et d'anciens sportifs parmi les personnes souffrant d'un covid long invalidant, même si ces anciens sportifs ne pratiquent pas de sport intensif depuis des années. Il est notable que la pratique intensive du sport conduit à des adaptations physiologiques (notamment cardio-vasculaires) du corps humain, afin de favoriser le débit sanguin ainsi que l'apport en dioxygène et nutriments aux cellules de notre organisme. Chez les sportifs et anciens sportifs, il est ainsi observé une augmentation durable du nombre de vaisseaux sanguins (artérioles, veinules et capillaires) au niveau des organes ou tissus sollicités, c'est-à-dire principalement les muscles, le cœur et les poumons. Ceci s'accompagne d'une augmentation du volume sanguin qui peut atteindre deux litres. Cette augmentation de la volémie (volume total de sang circulant dans l'organisme) est pilotée par le système rénine-angiotensine (SRA). Les vaisseaux sanguins possèdent des cellules endothéliales vasculaires (qui tapissent l'intérieur des vaisseaux) exprimant le récepteur ECA2 et un SRA, et sont sensibles aux phénomènes d'oxygénation (hypoxémie, hypoxie) et de micro-thrombose.

NDLR : l'article a été révisé pour être enrichi le 16 janvier 2023.

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