Michel Onfray : "Personnellement, je ne soutiendrai aucun candidat à la présidentielle"
Michel Onfray, philosophe, 61 ans, né d’un père ouvrier agricole et d’une mère femme de ménage, a écrit une centaine de livres dont Traité d’athéologie et Contre-histoire de la philosophie. Il a mis fin à sa participation à l’Université populaire de Caen, en 2018, lorsque France Culture a cessé de diffuser ses conférences. En juin 2020, il a lancé la revue souverainiste Front Populaire, un gros succès de presse, plébiscitée par des gens de droite, de gauche et de nulle part.
Depuis le 16 septembre, le second numéro du trimestriel Front Populaire est en vente en kiosque. Quel retour de vos lecteurs (et des autres) attendez-vous sur les sujets que vous abordez comme Big Pharma, la gouvernance mondiale, Bilderberg, Le Siècle, les fake news ?
Il y aura les retours attendus, ceux de nos ennemis qui ne manqueront pas de crier au complotisme ! Pour le numéro sur le souverainisme ils ont crié au fascisme. Si nous devions en faire un sur l’islam ils crieraient à l’islamophobie ou sur l’écologie au climato-scepticisme, un autre sur l’école, au décadentisme… Ils sont prévisibles à souhait ! Ils n’ont que l’insulte à la bouche.
Et puis il y aura la réaction des lecteurs, des abonnés, qui nous remercieront de leur ouvrir les yeux avec une information documentée et inattendue. Et c’est ce qui importe : nous ne cherchons pas l’assentiment des doctrinaires et des idéologues mais le compagnonnage avec des citoyens lucides en attente d’arguments pour mener les combats contre l’obscurantisme nouveau.
Vous avez créé la revue Front Populaire, dont le premier exemplaire est sorti le 23 juin 2020, avec la complicité du producteur et éditeur Stéphane Simon. Quelles sont les grands principes de cette revue souverainiste ? On y a trouvé notamment des interviews de Philippe de Villiers, Jean-Pierre Chevènement, Didier Raoult…
Mais aussi du grand défenseur de la laïcité qu’est Henri Pena-Ruiz ou de Régis de Castelnau qui a été l’avocat du PCF pendant plus de vingt ans et qui a contribué à la rédaction de la loi Gayssot, sinon de Céline Pina qui a quitté le Parti Socialiste… Nous sommes sur une ligne souverainiste trans-partis même s’il est difficile de rallier des citoyens de gauche très enclins à l’idéologie et aux partis comme la bête à cornes à l’étable. Ils ont l’esprit « gramophone » pour le dire dans les mots d’Orwell : ils aiment mieux écouter le même disque, même s’il est rayé, plutôt que de prendre le risque de penser librement…
A ce jour, combien avez-vous d’abonnés papier et web ? L’abonnement à vie à 1 500 euros avec un dîner avec vous et votre équipe, ça marche ?
Je sais qu’il y a 50.000 abonnés. Les diners avec les abonnés à vie ont été organisés pour les remercier. Souvent, les contributeurs soutenaient avant tout ma démarche. Stéphane Simon a demandé comment on pouvait les remercier, j’ai parlé de les rencontrer, d’où ces dîners. Ces dîners nous permettent de côtoyer des gens extrêmement intéressants – du banquier suisse au syndicaliste CGT en passant par des juristes, des fiscalistes, des chefs d’entreprise ou des informaticiens haut de gamme. Ces rencontres sont très enrichissantes parce qu’elles permettent de penser le réel le plus concret, ce qui fait notre spécificité.
Front Populaire et Compagnie, c’est la version associative de votre revue ? Des gens qui se regroupent derrière les valeurs que vous défendez ?
Je laisse Stéphane Simon s’occuper de cette organisation. J’avais fait savoir à Stéphane que j’avais envie d’une revue, j’ai consenti à ce qu’il se greffe autour une association, mais le temps me manque pour que je suive ces choses-là dans le détail. L’autogestionnaire que je suis a délégué…
Vous avez déclaré ne pas vouloir vous présenter à la présidentielle de 2022. Mais allez-vous soutenir un candidat ? Faire émerger une personnalité de la société civile ou du monde politique ? Vous abstenir personnellement de voter ?
L’affaire de la présidentielle n’est pas de mon fait. C’est une mayonnaise montée par je ne sais qui pour je ne sais quels intérêts. Je n’ai jamais été intéressé par cette aventure jacobine : le girondin libertaire que je suis aspire à une autre organisation de la société, proudhonienne pour tout dire. Je n’ai pas le souci de conquérir le château jacobin mais plutôt celui de construire des chaumières autogestionnaires parallèles – des écoles, des EPAHD, des banques, des coopératives, des mutuelles, le tout relevant du communalisme libertaire. Pas besoin d’une campagne aux présidentielles pour cela. Personnellement, je ne soutiendrai aucun candidat à la présidentielle. Front Populaire pourra le faire s’il le souhaite, mais pas moi. Pour ma part, je ne travaille pas plus à faire émerger une personnalité de la société civile ou encore moins du monde politique. Et il me semble très probable que, personnellement, je m’abstiendrai…
Vous dîtes être un homme de gauche, la gauche libertaire de Proudhon avec le souci du peuple et des régions, en opposition au Jacobinisme. Mais depuis quelques années, et surtout depuis Front Populaire, certains estiment que vous dérivez vers l’extrême droite. Expliquez-nous ?
« Extrême droite » est une insulte utilisée par des gens aux abois, ceux-là même qui défendent le système qui le leur rend bien. Or je ne réponds pas aux insultes… BHL, Jean-François Kahn et d’autres ont estimé que j’étais Doriot, le fondateur d’un parti fasciste qui a porté l’uniforme nazi sur le front russe ! Vous voulez que je perdre du temps à réfuter ces calomnies ? Je souscris à cette idée de Socrate qu’il vaut mieux subir l’injustice que la commettre. Ces « certains », comme vous dites, sont forts avec les faibles et faibles avec les forts. Je suis pour ma part du côté des faibles contre les forts. Est-ce une ligne d’extrême droite ?
Aujourd’hui, qu’est-ce qui distingue l’extrême droite de l’ultra-droite ?
Rien sinon que, quand on a usé et abusé de l’expression « extrême droite » de façon polémique, à tout bout de champ et hors de propos, comme à mon encontre, quand l’extrême droite véritable commet des actes vraiment d’extrême droite, il faut bien la dissocier de la fausse extrême droite : ces « certains » inventent alors ce faux concept d’ultra-droite.
Quelle est la gauche que vous n’aimez pas ?
La gauche institutionnelle qui pense plus à ses postes, à ses prébendes, à ses avantages, à son accès et à son maintien au pouvoir à tout prix, qu’à ses électeurs qu’elle séduit, berne et abuse.
De quoi souffrent les Français ? De quoi ont-ils besoin ?
Une grande partie des Français manque de dignité plus que de pouvoir d’achat, même si le pouvoir d’achat est essentiel. Elle souffre de l’injustice de notre société à deux vitesses dans laquelle ceux qui ont tout ont tout et ceux qui n’ont rien n’ont rien du tout. Elle veut de la justice et de la justesse, elle veut que la majorité fasse la loi et que cesse la tyrannie des minorités, elle aspire à des élections qui ne soient pas truquées par la propagande, elle voudrait que sa voix, une fois exprimée, ne soit pas écartée quand elle ne correspond pas à l’idéologie maastrichienne. Ils veulent la république et la démocratie rien d’autre…
Si vous ou certains de vos amis étaient au pouvoir demain en France, quelles mesures prendriez-vous pour remettre le pays dans le droit chemin ?
Ni moi ni mes amis, car je n’en ai pas, n’auront à prendre des mesures… Je n’ai pas le fantasme de l’homme providentiel, mais celui du peuple providentiel. Je ne suis pas jacobin, pas bonapartiste, pas boulangiste, pas lepéniste, pas mélenchonien. Je suis pour que le peuple reprenne ses affaires en main sans faire confiance aux élus et n’attende pas tout de l’État mais construise une société alternative parallèle à ce qui existe déjà.
N’y a-t-il pas une déresponsabilisation des hommes politiques ? Ne faudrait-il pas leur demander des comptes à l’issue de leur mandat ?
Les professionnels de la politique ne devraient pas exister. Ils sont la négation de la démocratie véritable. Ils constituent une caste qui poursuit ses intérêts propres plus que ceux du peuple. Aucun parti n’échappe à ça, sauf peut-être les partis d’extrême gauche qui défendent un idéal.
La politique n’apporte pas un monde meilleur, la science semble instrumentalisée comme on vient de le voir avec la crise sanitaire. Est-ce que la solution passe par la philosophie ?
Par un long et lent travail d’éducation populaire. Ce que j’ai fait bénévolement avec l’université populaire de Caen pendant plus d’une quinzaine d’années avant de devoir subir les manigances de politiciens qui l’ont asphyxiée en la rendant matériellement impossible – et ce dans le plus grand silence des journaux autoproclamés progressistes qui estiment que je suis un homme d’extrême droite. Front Populaire se propose le même travail d’éducation populaire. Nous verrons ce qu’il en adviendra…
La revue Front Populaire a été créée par Michel Onfray avec la complicité de Stéphane Simon en juin 2020.
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